Offensive médiatique du Palais : Pour quelle fin ?

Offensive médiatique du Palais : Pour quelle fin ? Le président de la République, Mohamed ould Cheikh El Ghazwani vient d’accorder, coup sur coup deux interviews à des médias francophones de grande audience, notamment, Jeune Afrique et RFI/France 24. Une véritable offensive de charme médiatique du président Ghazwani que les mauritaniens trouvent assez peu loquace.
Dans ses deux sorties, le président a passé en revue les grands dossiers de son début de mandat : la commission d’enquête parlementaire ayant fortement mouillé son prédécesseur et désormais ex-ami Mohamed Ould Abdel Aziz, embastillé justement depuis bientôt un mois dans une villa de la police à Tevragh Zeina, le retrait de la France de Barkhane, la sortie de son collègue du Niger sur le 2e coup de force de Assimi Koita au Mali.

Les journalistes de RFI ont voulu connaître la position du président mauritanien sur l’opportunité de dialoguer avec les Djihadistes ou non…

Relativement à la commission d’enquête et les charges portées sur la gestion de son prédécesseur, son successeur a affirmé n’avoir jamais vu le rapport de la CEP et ignorer par conséquent tout de son contenu. Et pour cause c’est une affaire de justice, a-t-il précisé. En somme, le président dit n’être mêlé, ni de près ni de loin, aux démêlées judiciaires de son ex compagnon. Donc ni « règlement de compte », ni « trahison ».

En revanche, le président Ghazwani a tenu à rappeler qu’il a tenté de désamorcer la tension entre l’UPR et les députés, d’une part et l’ancien président, d’autre part, au début du processus ayant conduit à la création de la commission d’enquête parlementaire. Sur RFI donc, le président Ghazwani a conforté sa position selon laquelle, il n’est pas juge pour dire que l’ancien président est ou non coupable. C’est la justice qui aura la lourde charge d’aviser, dit-il.

Si dans Jeune Afrique, Ghazwani a exclu tout dialogue avec l’opposition parce que la situation politique ne le commande pas, sur RFI et France 24, les journalistes ont tout simplement zappé cette question relative à la situation politique que connaît le pays depuis deux ans déjà, comme ils ont passé sous silence celle relative à la question nationale (esclavage et passif humanitaire), fortement exacerbée au lendemain de la présidentielle de 2019.

Ils ont choisi aussi d’oublier la question sociale. On ne peut pas comprendre pourquoi ils n’ont pas posé de questions sur la flambée des prix qui taraude l’écrasante majorité de la population, aussi sur le fait que jusqu’à présent, seul Ould Abdel Aziz est en détention préventive alors que la CPE a épinglé plus de 300 personnes… Même si, on sait d’avance que le président allait botter en touche, on aurait quand même voulu connaître sa réponse, parce que l’un des journalistes a dit avoir décelé que les yeux du président parlaient quand on lui a demandé s’il était surpris ou non ou s’il était déçu par l’attitude de son prédécesseur.

Aussi à l’heure où une loi sur la protection des symboles de l’état, jugée « liberticide » par une partie de la classe politique et des organisations de défense des droits de l’homme défraie la chronique, on comprend mal que des journalistes d’un pays dits des droits de l’homme ne puissent pas poser de questions sur celle-ci, même si elle n’est pas encore adoptée par l’Assemblée nationale.

Pour revenir à Jeune Afrique, les observateurs continuent de s’interroger sur les déclarations du président qui a affirmé qu’un ancien président doit être respecté surtout par lui. Si on ajoute à cela le fait qu’il a affirmé ignorer tout de l’affaire du dossier de la décennie, on ne peut pas ne pas partager l’avis de cet analyste qui trouve « déroutant » le président Ghazwani.

La question que les analystes se posent au lendemain de ces deux prestations est de savoir pourquoi notre Rais a choisi ce timing pour parler aux mauritaniens via la presse étrangère et en langue française. Un double mépris pour une certaine presse mauritanienne, oseront certains. Peut-être parce que le dossier de la décennie a trop occupé la place et la gestion de la COVID19 a parasité la parole du Palais.

A priori, rien ne semble justifier, au plan politique l’urgence de s’adresser aux mauritaniens sauf si ces sorties viennent marquer la fin de l’an II et entamer l’an III du président Gahzwani. En somme faire le bilan des deux années écoulées du Rais. Dans ce cas, des dossiers importants ont été omis. A dessein ou erreur de Com ? La sécurité est certes essentielle, mais elle n’a de sens que les citoyens arrivent bien à chauffer leurs marmites, à se soigner et à éduquer leurs enfants….

DL

Source : Le Calame (Mauritanie)