Contribution au débat sur les caricatures du prophète Mohamed et la liberté d’opinion et d’expression :

La liberté d’opinion et d’expression est l’une des premières libertés et elle fait partie des libertés fondamentales de toute personne.

La liberté d’opinion et d’expression est le droit pour toute personne de penser comme elle le souhaite et de pouvoir exprimer ses opinions par tous les moyens qu’elle juge opportun, nécessaire dans une société démocratique, ce droit est consacré par la quasi-totalité des constitutions des pays au monde.

Le débat le plus fréquent tourne généralement autour de la question de savoir si la liberté d’opinion et d’expression est absolue ou peut être restreinte ou limitée.

A titre de contribution au débat actuel sur les caricatures et la liberté d’expression je me permets d’adresser aux membres du gouvernement et du parlement français une invitation pour initier une loi interdisant les caricatures du prophète Mohamed (PSL) partant du principe que l’exercice de la liberté d’opinion et d’expression n’est pas absolu en France, il est réglementé, cadré et soumis à des restrictions fixées par la loi, lesquelles se justifient pour des raisons de protéger la Sécurité Nationale, l’Ordre Public, et la paix sociale.

 

1/ La France n’est pas si attachée à la liberté d’expression quelle semble le défendre aujourd’hui : la loi gayssot un exemple édifiant.

La liberté d’opinion et d’expression a des limites en droit français, certaines paroles sont punissables si bien que franchir leurs limites revient à commettre un délit dont l’ampleur peut être condamnée par un juge.

Lesquelles paroles ne relèveraient plus de la liberté d’expression mais d’une infraction commise à travers l’expression.

Le principe de la liberté d’opinion et d’expression consacré par le paragraphe 1er de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme peut comporter, ainsi qu’il résulte de son paragraphe 2, des restrictions et des sanctions nécessaires, dans une société démocratique…

L’exemple de la loi française dite loi Gayssot est significatif à ce titre.

La loi gayssot du 13 juillet 1990 réprime toute contestation de l’existence des crimes contre l’humanité définis dans le statut du tribunal militaire international de Nuremberg.

Désormais il n’est plus permis de mettre en doute ces faits historiques de la seconde guerre mondiale relatifs à l’existence des chambres à gaz et l’extermination des juifs pendant la seconde Guerre mondiale.

La cour d’appel de Caen avait condamné à un an d’emprisonnement pour « contestation de crime contre l’humanité » Vincent Reynouard Ancien professeur de mathématique radié en 1997 de l’éducation nationale,

DAVID Irving est jugé en Autriche pour avoir douté de cette version de l’histoire.

Sylvia Stolz l’avocate allemande est radiée du barreau et condamnée à 20 mois de prison pour avoir défendu les négationnistes Ernst zundel et Germar Rudolf.

Robert Faurisson condamné ne conteste pas l’utilisation du gaz aux fins de désinfection il met en doute l’existence des chambres à gaz homicide à Auschwitz et dans d’autres camps de concentration nazis.

« On ne me fera pas dire que deux et deux font cinq, que la Terre est plate ou que le tribunal de Nuremberg est infaillible, j’ai d’excellentes raisons de ne pas croire à cette politique d’extermination des juifs ou à la magique chambre à gaz» a t’il dit au tribunal.

Quoi de plus légitime, dans un Etat de droit qui consacre la liberté d’expression, que de douter d’une version de l’histoire ?

Honore de Balzac disait il y’a deux histoires : l’histoire officielle menteuse, puis l’histoire secrète; ne dit-on pas que ce sont toujours les vainqueurs qui réécrivent l’histoire?

Qualifié de « faussaire de l’histoire » par Robert Badinter, Robert Faurisson attaque ce dernier en diffamation mais est débouté par la justice, le tribunal de Grande Instance de Paris dans une décision confirmée en appel le 12 avril 2018, établit qu’écrire que Faurisson est « un menteur professionnel », un « falsificateur » et « un faussaire de l’histoire » est conforme à la vérité.

Pierre Vidal Naquet considère qu’il s’agit là manifestement d’une entrave à la liberté d’expression « il n’appartient pas aux tribunaux de définir la vérité historique » « de faire de la vérité sur la Shoah une vérité légale »

En décembre 2005, l’association d’historiens Liberté pour l’Histoire, contestant la loi gayssot et la loi du 29 janvier 2001 reconnaissance par la France du génocide des Arméniens de 1915, affirme dans son manifeste que « ce n’est pas à la loi d’écrire l’Histoire » « L’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l’État, même animée des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’histoire.

 

2/ S’il est possible, comme le prouve la loi Gayssot, de restreindre la liberté d’opinion et d’expression ne convient-il pas de l’étendre aux caricatures du prophète (PSL) ?

 

Puisque le droit français permet de retirer du domaine de la liberté d’expression, la diffamation et tout acte abusif ou qui nuit à autrui, l’outrage au drapeau, à l’hymne national, au juge, à une version de l’histoire pourquoi ne pas l’étendre aux caricatures d’un prophète plus digne de respect qu’un drapeau, un hymne national, un juge, une version de l’histoire.

Le gouvernement français justifie la loi Gayssot par le fait qu’elle remplit un vide dans l’arsenal répressif en sanctionnant pénalement les actes de ceux qui remettent en question le génocide du peuple juif et l’existence des chambres alors qu’ils échappaient précédemment à toute qualification Pénale.

Au cours du procès de Robert Faurisson  la cour a considéré que ses positions sont aussi blessantes pour les survivants de la déportation qu’outrageantes  pour la mémoire des victimes, la réponse de la société française au négationnisme était dans le domaine législatif. La loi Gayssot avait pour but de donner un coup d’arrêt à la diffusion des thèses négationnistes et sanctionner leurs porteurs.

Lorsque l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme qui protège la liberté d’expression a été évoqué les arrêts rendus tant par les juridictions françaises Que par la cour européenne des droits de l’homme ont donné tort aux plaignants. il a été jugé que l’ingérence dans la liberté d’expression est légitime au regard de la protection d’autres droits, que le texte réprimant le délit de contestation de crimes contre l’humanité permettait la protection de l’ordre public, la préservation de la paix sociale.

Ne convient-il pas d’initier, par le même mécanisme et pour les mêmes raisons une loi interdisant toute caricature ou offense au prophète Mohamed (PSL) et plus généralement à tous les prophètes ?

Maître Ahmed Salem Bouhoubeyni

Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme de Mauritanie