Coronavirus: ce que l’Afrique attend de la France / Par Ibrahima D. N’jim

Coronavirus: ce que l’Afrique attend de la France / Par Ibrahima D. N’jim« La France doit être plus attentive à l’expertise scientifique africaine et soutenir les spécialistes de la santé du continent »

Un certain nombre de scénarios sombres ont été dessinés récemment à propos de la crise du coronavirus en Afrique. Le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a évoqué une pandémie qui pourrait coûter la vie à des millions de personnes. Deux scientifiques français, par des propos aussi alarmistes que déplacés, ont proposé que le continent africain devienne un champ d’expérimentation en offrant sa population comme cobayes pour les futurs traitements du Covid-19.

Enfin, une note de scénario du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Quai d’Orsay, qui n’aurait pas dû être divulguée, met en garde les responsables français sur une possible implosion des Etats africains fragiles si ces derniers ne parviennent pas endiguer la crise sanitaire en protégeant leurs populations.

Je suis loin de partager ces analyses quel que soit leurs fondements, de la mobilisation internationale de l’aide à la promotion maladroite de l’Afrique dans les protocoles vaccinaux internationaux en passant par l’éclairage de nos décideurs.

Représentant plus de 50 pays avec une population de 1,3 milliard d’habitants, l’Afrique est une terre de diversités et de pluralités. Sa population, en grande partie jeune, se répartit en des zones très peuplées et en d’autres qui le sont bien moins. Son potentiel est énorme et son attractivité n’est pas à démontrer.

Résilience. L’Afrique a subi, beaucoup et elle tient encore debout. L’Afrique est à l’écoute, à l’écoute d’elle-même et du monde. Elle voit ce qu’il y a en elle et regarde ce qui se passe ailleurs. Son histoire est riche de leçons et elle a l’humilité, par-delà ses douleurs, ses souffrances et ses convulsions, d’apprendre et de s’enrichir des expériences vécues ailleurs. C’est pour elle une manière de se construire pour faire face à son destin pour assumer son rôle dans le monde d’aujourd’hui et surtout de demain.

A l’aune de cette crise sanitaire, elle a observé ce qui s’est d’abord passé en Chine, et regarde actuellement ce qui arrive en Europe et dans le reste du monde.

L’Afrique est née avec les crises. Et son peuple continue à y faire face dans son quotidien. L’Afrique est un continent qui a subi dans sa chair la terrible expérience de différentes épidémies : paludisme, Ebola, choléra…

L’Afrique est un continent dont les peuples se sont renforcés mentalement, psychologiquement et sociologiquement à force de vivre des conflits et de guerres. C’est un continent qui bénéficie d’une faculté de résilience et de résistance inouïes.

Nous attendons des décideurs français une réflexion lucide et objective qui soit le socle d’une vraie politique de coopération entre nos peuples que l’histoire a unis. L’Afrique a besoin de porteurs des propositions concrètes pour un nouveau partenariat dans tous les domaines dont celui urgent de la lutte contre le Covid -19. Cela est possible en aidant à relever un taux de médicalisation et en renforçant un système de santé qui n’est pas encore au niveau des besoins.

La France doit désormais être plus attentive à l’expertise scientifique africaine et soutenir les spécialistes africains de la santé. Il existe une communauté scientifique médicale africaine qui peut être mobilisée. La crise du Covid-19 doit repositionner la perception du bien public en dehors des seules mains des gouvernants, dans le discours certes mais aussi dans les actes.

Mobilisation. En ces temps difficiles d’un monde qui s’inquiète et s’interroge, il va sans dire qu’il est impératif que tous ensemble nous nous mobilisions pour barrer encore plus la route aux extrémismes de tous bords et aux mouvances terroristes en leur refusant un espace d’appropriation politique du drame humain qui frapperait les populations les plus pauvres donc les plus fragiles.

L’Afrique salue régulièrement l’engagement de la France et ses militaires français qui ont conduit l’action pour la lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel. Cette action prouve que les liens entre la France et l’Afrique sont étroits et multidimensionnels. Nos relations doivent être basées sur le respect et la considération quelle que soit la situation car il existe une histoire commune entre l’Afrique et la France.

Cela aidera à la construction d’un nouvel espace de coopération et de solidarité face aux nouveaux défis du monde.

Ibrahima D. N’jim est membre du Conseil économique social et environnemental et ancien conseiller de Manuel Valls à Matignon

Source : L’Opinion (France)