Mauritanie: Des experts des droits de l’homme demandent une réforme immédiate de la nouvelle loi sur la non-discrimination

GENEVE (31 janvier 2018) – Une nouvelle loi adoptée en Mauritanie représentant une tentative positive pour lutter contre la discrimination, soulève de graves préoccupations pour les droits de l’homme et doit être réformée, a déclaré un groupe d’experts des droits de l’homme des Nations Unies.

 » Nous craignons que plusieurs dispositions de cette loi puissent sérieusement porter atteinte aux droits des Mauritaniens « , ont déclaré les experts.

 » Bien que nous saluons l’initiative prise par le Gouvernement de la Mauritanie de criminaliser la discrimination, nous sommes préoccupés par l’inintelligibilité, l’inexactitude et l’insuffisance de protection juridique qui caractérisent plusieurs dispositions de cette loi. Dans l’ensemble, celle-ci ne respecte pas un certain nombre de traités internationaux ratifiés par le pays.  »

 » Plusieurs dispositions, y compris la définition même de la discrimination, sont inexactes et confuses, ce qui pourrait conduire à une application exagérée, à des restrictions excessives aux droits de l’homme et à la persistance de pratiques discriminatoires inhumaines, y compris l’esclavage.  »

 » Nous appelons les autorités mauritaniennes à réviser d’urgence cette loi, afin d’éviter une utilisation désastreuse et une interprétation de celle-ci qui pourrait conduire à de graves violations des engagements internationaux du pays en matière de droits de l’homme « .

Les experts ont noté que la loi n’assure pas une protection claire et adéquate de l’État contre les actes discriminatoires et la violence fondés sur des facteurs tels que la race, l’origine ethnique, le sexe, la langue, la religion ou les opinions politiques. Pourtant, certains actes insuffisamment qualifiés et définis tels que  » l’incitation à la discrimination  » sont passibles de lourdes peines, mettant potentiellement en danger les journalistes, les défenseurs des droits humains et d’autres personnes.

 » Bien que nous condamnions fermement toute incitation à la haine et à la discrimination, l’interprétation de certains articles de cette loi pourrait conduire à des dérives graves et néfastes des droits de l’homme et des libertés, notamment concernant la liberté d’expression « , se sont inquiétés les experts.

Les experts ont rappelé que le droit à la liberté d’expression implique aussi le droit et la capacité à exprimer pacifiquement des opinions critiques envers la situation politique et la conduite du Gouvernement ou des agents gouvernementaux.

Une révision immédiate de la loi est essentielle car le Comité des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale examinera le pays en avril, ont ajouté les experts. Ils proposent de fournir toute assistance technique au Gouvernement s’il le souhaite.

Les experts indépendants de l’ONU ont été en contact avec le gouvernement mauritanien pour clarifier la situation.

FIN

* Les experts : Mme. E. Tendayi Achiume, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ; M. Michel Forst, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme ; M. David Kaye, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et Mme. Urmila Bhoola, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences.

Les experts indépendants de l’ONU font partie de ce qui est désigné sous le nom des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, l’organe le plus important d’experts indépendants du système des droits de l’homme de l’ONU, est le terme général appliqué aux mécanismes d’enquête et de suivi indépendants du Conseil qui s’adressent aux situations spécifiques des pays ou aux questions thématiques partout dans le monde. Les experts des procédures spéciales travaillent à titre bénévole; ils ne font pas partie du personnel de l’ONU et ils ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants des gouvernements et des organisations et ils exercent leurs fonctions à titre indépendant.

Page du HCDH sur le pays – Mauritanie
Source : http://www.ohchr.org/