Warda Ahmed Souleymane : dénoncer les discriminations vous ouvre les portes… de la prison

Le 31 octobre 2025, à Banjul, Warda Ahmed Souleymane, défenseure des droits de l’Homme répondait à des questions sur la liberté d’expression en Mauritanie. Quelques jours plus tard, elle fut arrêtée et détenue au motif de « l’atteinte à la sûreté de l’Etat ». Ci-dessous l’interview qui a servi à justifié sa détention…

En Mauritanie, il suffit de dénoncer l’apartheid non officiel qu’une poignée d’officiers maures ont installé depuis leur coup d’état en 1978 pour se retrouver traqué par le ministre de l’intérieur Mohamed Lemine Ould Mohamed Ahmed, un extrémiste maure proche du chef de l’Etat Ghazouani. La volonté est de silencier les voix discordantes, anti-esclavagiste, anti-raciste et anti-ségrégationniste.

Voici la prise parole qui lui a valu cette arrestation
(traduction ci-dessous)

                                               

Bonjour Mme Warda, pouvez-vous vous présenter et nous dire si les femmes CDWD (personnes noires, autochtones et de couleur) peuvent accéder à l’autonomie, et quelle est la situation concernant la liberté d’expression pour les CDWD en Mauritanie ?

Je suis Warda Ahmed Souleymane, journaliste, blogueuse et membre d’IRA-Mauritanie. La liberté d’expression en Mauritanie est pratiquement inexistante. J’ai moi-même été emprisonnée à deux reprises pour avoir dénoncé les injustices subies par les CDWD, en particulier les Haratines. Il n’est pas possible d’évoquer les discriminations que subissent les personnes noires. 

Seuls ceux qui font l’éloge du système bénéficient d’une certaine liberté d’expression. À l’inverse, les défenseurs des droits humains, tels qu’Ablaye Ba et Youssouf Kamara, et tant d’autres sont actuellement emprisonnés pour avoir exercé ce droit. Ces arrestations constituent une violation flagrante du droit à la liberté d’expression dans un régime marqué par un apartheid social, économique et politique.

Quant à l’émancipation des femmes haratine, elle est également quasi-inexistante. Les femmes haratine notamment ont un statut inférieure, avec des emplois ingrats. Ces femmes ont un accès très limité aux financements nécessaires pour développer des projets ou acquérir leur autonomie. Les ressources disponibles sont en grande partie réservées aux classes supérieures et aux élites dirigeantes, qui perpétuent un système d’exclusion économique et sociale emprunt de racisme

* CDWD veut dire Communauté victime de Discrimination au Travail en raison de leur Ascendance.

A.H.M.E.