Ould Boubou : si certaines centrales enlèvent de leur tête que nous ne sommes pas la central du pouvoir, que nous sommes autonomes et que notre raison d’être est l’intérêt de travailleurs, nous arriverons à cette unité d’actions syndicales.
Il faut remarquer que tous les partis politiques sont représentés dans notre centrale. Nous faisons du syndicalisme pour défendre les intérêts des travailleurs. Et à la sortie, les gens sont libres de leur choix politique. Encore une fois, l’UTM n’est pas une centrale du pouvoir.
L’Authentique : que pensez de la représentativité syndicale ?
Ould Boubou : nous sommes preneurs de cette représentativité. Aujourd’hui il y a 24 centrales syndicales avec malheureusement une majorité qui n’est qu’une centrale de nom. C’est devenu une pagaille La faute aux pouvoirs publics qui ont de tous temps encouragé cette multiplicité pour casser le mouvement ouvrier. La CGTM comme l’UTM étant les premières centrales, celles qui son les plus averties, sont conscientes de la nécessité d’imposer cette représentativité pour remettre un peu d’ordre dans le cercle syndical.
L’Authentique : que pensez-vous de la situation sociale actuelle en Mauritanie ?
Ould Boubou : c’est une situation désastreuse. Les prix montent et le pouvoir d’achat des travailleurs est stagnant. S’ajoute à cela, le chômage qui bat son plein chez les jeunes et les femmes. C’est la catastrophe. Cette année, la sécheresse va enfoncer le clou. Les travailleurs n’ont pas où mettre leurs enfants. « Un travailleur, un toit » est un slogan important pour l’UTM qui va continuer à se battre à propos.
La couverture sanitaire n’existe pas. Le SMIG de 30 000 UM n’assure point le petit déjeuner pour deux enfants dans un mois. L’impact et la désolation que traversent non seulement le monde des travailleurs mais toute la population de Nouakchott est de plus en plus cruel.
L’Authentique : une explosion sociale est –elle imminente ?
Ould Boubou : ailleurs quand une baguette de pain augmente, les gens descendent dans la rue. Le Mauritanien quel que soit son degré de pauvreté et les problèmes qu’il vit au quotidiens, se remet à Dieu. Nous n’avons pas une culture de protestation dans ce pays encore moins une culture du sacrifice. Par conséquent, je ne dis pas que c’est une explosion mais je dis que le marasme est là.
L’Authentique : le droit à la grève est -il menacé en Mauritanie ?
Ould Boubou : il n’existe plus. Dans le dernier code du travail, le droit du travail a été rendu difficile comme s’il n’existe plus. Il faut qu’on le reprenne. C’est un droit des travailleurs. C’est l’ultime moyen de pression que nous avons.
L’Authentique : comment l’UTM a vécu la grève de la SNIM ?
Ould Boubou : nous l’avons vécue très mal. Come vous le savez, la SNIM est le poumon économique de ce pays. L’UTM n’a as été gréviste. Quand bien même les raisons avancées par certaines centrales en grève nous les partageons. Nous sommes signataires avec elles, du même protocole d’accord portant sur la SNIM.
La seule différence entre nos amis et nous -à propos de la chute du prix fer qui a chuté jusqu’aux environs de 40 à 45%- nous avons trouvé que ce n’est pas le moment favorable pour de telles revendications. Parce qu’il y a une symbiose entre un travailleur et ses moyens de productions et sa société qui le nourrit. Il y a des moments où nous sommes obligés d’agir en fonction de telle ou elle situation. Nos amis n’ont pas accepté cette situation.
Un autre fait d’une aussi grande importance a créé notre divergence à Zouerate : le fait que nos amis soient partis avec 14 délégués pour tenir avec leur employeur, une réunion. Le moment était mal choisi. C’est bien beau de mettre en grève des travailleurs, mais la priorité est de veiller aux intérêts de ceux-ci. Les deux mois de grève de la SNIM nous a donné raisons.
Au bout du compte, deux mois se sont passés avec une grève qui n’a pas abouti à la satisfaction des doléances. Ça a mis simplement des milliers de familles en difficulté. Et les gens ont repris le travail sans que les doléances soient satisfaites. Ce que nous avons voulu éviter aux travailleurs. En dehors de ça, nous partageons les raisons de la grève. Elles sont justifiées.
L’Authentique : dans le milieu syndical, beaucoup disent que l’UTM est actuellement une vieille centrale syndicale qui ne répond plus aux exigences des travailleurs et qui n’en est pas capable ?
Ould Boubou : certes cette centrale n’est pas née d’aujourd’hui, mais elle n’est pas vielle dans son dynamisme. La majorité des cadres compétents syndicalistes au vrai sens du mot se trouvent aujourd’hui ici. C’est Ba Mamadou Hamadi, c’est Boumeudienne entre autres. L’UTM est née en 1961.
Mais elle n’est pas vieille dans l’action. Notre méthode est différente des autres centrales. Nous engageons d’abord une concertation avec l’employeur quand il nous fait des torts puis nous cherchons à trouver des solutions, sans tapage. Ce que les autres disent n’est que de l’intoxication. Je les comprends parce que l’UTM est partout.
L’Authentique : certaines centrales sont plutôt proches de partis politiques…
Ould Boubou : toutes les centrales affiliées à des partis d’opposition sont un levier intéressant pour ceux-ci pour lesquels ils créent des situations conflictuelles sur la scène politique. Ce qui n’est pas le cas de l’UTM. Nous ne sommes affiliés à une quelconque formation politique, mais surtout, nous ne sommes pas des applaudisseurs du pouvoir et ne sommes pas ses détracteurs. C’est pourquoi nous ne sommes pas en première ligne dans ce genre de situation.
L’Authentique : quelle est la position de l’UTM dans les rouages politiques du pays ?
Ould Boubou : nous ne sommes pas de l’opposition, ni du pouvoir. C’est pourquoi nous ne sommes pas là à mettre des bâtons dans les roues du pouvoir. Mais quand le pouvoir fait des histoires qui ne nous conviennent pas ou qui sont au détriment des travailleurs, nous les dénonçons à vive voix.
L’Authentique : où en êtes-vous avec le renouvellement de vos structures ?
Ould Boubou : on vient de terminer l’implantation dans toute l’étendue du pays. De N’Diagou à Bassikounou. Nous allons bientôt passer à la deuxième phase qui est le congrès professionnel et ensuite la dernière phase qui est le congrès national.
A la différence des autres centrales qui se contentent d’amener une télévision et deux journalistes dans une chambre avec une banderole inscrite « congrès national ou professionnel », l’UTM a tenu à faire son implantation et à associer tout le monde. Il y aura des délégués qui vont venir de l’intérieur pour le congrès professionnel. Nous tenons à y mettre non seulement la forme mais le fond.
L’Authentique : des syndicalistes soutiennent que certains Secrétaires Généraux bénéficient des largesses du pouvoir, c’est pourquoi ceux-ci ne veulent plus passer la main ?
Ould Boubou : je ne vois même pas l’existence de largesse du pouvoir. Il y a 26 millions d’ouguiyas qu’on partage entre les différentes centrales. Et chaque jour il y a de nouvelles centrales syndicales à tel enseigne qu’aujourd’hui le pouvoir donne à chaque centrale syndicales une somme de 2 100 000 Um par an qui ne payent même pas l’électricité. Quelle autre largesse ? En tout cas, Ould Boubou et l’UTM ne connait pas ces largesses.
Il ne voit même pas quel genre de largesse le pouvoir peut donner à une centrale. L’Etat subventionne uniformément, ce qui est d’ailleurs un tort parce que dans le temps selon l’importance et l’assise des associations cibles, l’UTM recevait 4 820 000 Um et la CGTM 1 800 000 Um. Cette importance n’est plus considérée aujourd’hui. La dernière centrale née et la première née comme l’UTM ont le même montant.
L’Authentique : ne pensez-vous pas que le mouvement syndical a quelque peu régressé de nos jours ?
Ould Boubou : il a régressé fortement. Et ce n’est pas seulement en Mauritanie, c’est partout dans toute la sous région. Les grands ténors comme Mada Diop au Sénégal, Mahjoub au Maroc, Belhamouda en Algérie, tous membres du syndicalisme mondial et africain ont disparu. En Mauritanie la régression a été plus forte pour plusieurs raison : les dictatures sont devenues plus fortes et l’engagement syndical plus faible.
Propos recueillis par Cheikh Oumar NDiaye
Source : L’Authentique (Mauritanie)