Interview | Bouleibabs : au moins avec le Président Aziz, les choses sont claires

Interview | Bouleibabs : au moins avec le Président Aziz, les choses sont claires

Chaque fois que le débat national enfle et que le discours politique dérape dans tous les sens, je m’adresse à mon ami Bouleiba, qui a le grand mérite de parler avec beaucoup de détachement et d’objectivité quand la grille de lecture des événements politiques n’est pas évidente et le débat controversé.

Il a toujours été en bons termes tant avec l’opposition que la majorité, puisque n’appartenant à aucune chapelle politique. Pour lui, le seul combat qui vaille est la stabilité de cet Etat fragile dont il a accompagné la plupart des étapes cruciales.

Question : Que pensez-vous de tout ce débat autour du discours du Président à Néma ?

Brahim Salem Ould Bouleiba : Je crois que la majorité et l’opposition sont entrées dans un débat stérile autour de certains passages du discours. Ces passages n’auraient pas dû provoquer une levée de boucliers de l’opposition, ni la grande campagne d’explication de la majorité si tout le monde jouait la bonne foi.

Dans toutes ces campagnes, les uns et les autres ont fait une impasse sur la partie essentielle du discours : les contours futurs de la vie politique et des institutions du pays esquissés par le Président à Néma.

Question : Quelle est cette partie essentielle ?

BSB : Au moins avec le Président Aziz, les choses sont claires. Quand il expose des thèmes qui lui tiennent à cœur et qu’il veut coûte que coûte faire aboutir, il se charge personnellement de son discours et l’assène sans ambages et sans détours.

Dés 2008, le Président Aziz avait promis de débarrasser le pays de l’emprise des fonctionnaires et politiciens des anciens régimes. Il a repris ce thème àNéma avec plus de clarté et de détermination. Voila ce qu’il a dit : « Désormais rien ne sera plus comme avant dans le pays. Ce changement sera tellement irréversible que les générations futures en seront les légataires.

J’ai déjà mis un important quota de femmes dans mon gouvernement et les ministres sont presque tous des jeunes. J’en appelle aux femmes et aux jeunes pour contribuer à raffermir cette emprise et faire barrage à ces politiciens et administrateurs qui ont pillé le pays quand ils étaient en charge des affaires.

Ils étaient vos préfets, vos gouverneurs, vos ministres, etc. Aucun d’entre eux n’ose venir devant moi et dire le contraire. L’opposition croit que l’alternance au pouvoir est son monopole. Je lui dis qu’elle n’y accédera pas. Je dois faire une réforme de fond pour décentraliser le pouvoir vers les régions en créant des conseils régionaux mais il faut que je propose au prochain dialogue une réforme de la constitution pour pouvoir supprimer le Sénat.

Ce changement sera soumis au referendum et je suis sûr que plus de 50% des mauritaniens sont déjà acquis à cette réforme. J’invite l’opposition à venir à ce dialogue sans préalables mais je suis disposé à discuter de tout et j’accéderais à toutes leurs demandes raisonnables et les concrétiserais ».

Question : C’est vrai que cette importante partie du discours n’a pas été mise en exergue dans le débat actuel. En déduisez-vous que le Président va solliciter un troisième mandat ?

BSB : A titre personnel depuis 2007, j’ai décroché de la vie publique et depuis les années 70 de la vie politique. J’ai servi avec abnégation et sans états d’âme tous les régimes civils ou militaires depuis la première République et mon départ à la retraite a coïncidé avec la transition du CMJD.

Je crois avoir fait mon devoir de serviteur de l’etat. Je ne postule plus à rien et laisse aux générations futures leurs responsabilités. Je n’ai pas pour habitude de faire des procès d’intention et je ne suis pas un potentiel candidat en 2019. Rien de ce que j’ai entendu ne me permets de répondre à votre question pour le moment. A l’heure actuelle, la seule chose que je peux dire, c’est que le Président « a affirmé sans ambages et clairement qu’il va consolider une classe politique et des institutions qui resteront solides et irréversibles, car les hommes peuvent partir mais le pays reste ». 

Je crois qu’au lieu de se focaliser sur des interprétations du discours et des polémiques, la majorité et l’opposition devraient chacune en ce qui la concerne s’occuper de relever les défis de fonds que pose cette partie du discours qui est fondamentale à trois ans de la fin du second mandat présidentiel.

Question : Que pensez-vous de cette forte volonté de changement exprimée dans le discours de Nema par le Président Aziz que vous êtes le seul à avoir relevé ?

BSB : Je m’en tiendrais seulement à ce que j’ai dit dans un article après le discours prononcé par le Président lors de sa première prestation de serment en 2008 :

« Monsieur le Président,

Nous sommes en démocratie et vous êtes le Président dans un régime présidentiel, je me permets d’attirer votre attention sur ceci :

-Changement de la classe administrative

Vous pouvez changer toute l’administration par des décrets et vous êtes dans votre bon droit puisqu’on est en régime de type présidentialiste renforcé.

-Changement de la classe politique

Quand on est en démocratie, on ne peut pas décréter un changement de classe politique. Ce sont les urnes qui peuvent mettre fin à la carrière d’un politicien. L’homme politique vertueux ou crapule est toujours légitime tant que les citoyens lui confèrent l’onction du suffrage universel.

Question : Que souhaitez-vous pour le pays en cette période où le courant ne passe pas entre la majorité et l’opposition ?

BSB : C’est toujours le même souhait que j’exprime chaque fois que je parle ou écris : J’aimerais que qu’on taise les animosités, les insultes et les haines. Qu’on analyse sans passion les défis qui se posent au pays en tenant compte de ce qui se passe dans son environnement régional et international.

Qu’on sache que la politique est l’art du possible. Que le dialogue est loin d’être synonyme d’abdication ou de compromission. C’est la forme la plus citoyenne et la plus civilisée pour prouver la maturité et la grandeur d’un peuple, de sa classe politique, la vitalité de sa société civile et son élite universitaire.

Il permet d’éloigner les interférences extérieures et consacre la souveraineté de la décision nationale. Il permet d’exprimer au grand jour les sujets tabou et les non-dits et leur trouver des solutions à court et long terme. Je souhaite que toutes les bonnes volontés étiquetées politiquement ou neutres contribuent au rétablissement du dialogue.

C’est la meilleure façon de consolider le front intérieur et mettre fin à la confrontation politique stérile qui consacre les haines et les frustrations de tout ordre. Qu’Allah guide nos pas dans la voie de ce qui est bon pour notre pays

Question : Merci Mr Bouleiba

BSB : c’est moi qui vous remercie

Propos recueillis par Md O Md Lemine
Dimanche 15 Mai 2016

Source : Md O Md Lemine