Esclavage en Mauritanie : un militant disparaît et réapparaît au siège de la police politique Note d’alerte

Dans la soirée du  21 juin 2020, 4 éléments de la gendarmerie, à bord d’un véhicule banalisé et en tenue civile, arrivent au village de Kseir Elbarka à 7 km de Adel Bagrou, près de la frontière avec le Mali ; les visiteurs cherchent et s’emparent du jeune Mohamed Khatri membre du bureau Ira-M en Côte d’Ivoire, fraichement revenu en famille, après un long séjour à Abidjan. Le groupe, auteur de l’enlèvement, n’a pas décliné son identité, le motif du rapt ou la destination.

 

1. A 21 h, Mohamed Elkhatri repartait de chez lui, aux mains de ses ravisseurs. 6 jours plus tard, l’appel téléphonique d’un fonctionnaire de police informe, Monsieur Mouchtaba Ould Mbareck, oncle du susdit, que ce dernier se trouve, depuis, à Nouakchott ; en conséquence, il peut le venir voir dans les locaux de la Direction générale de la sureté nationale (Dgsn). L’entretien ainsi proposé se déroula, le 26 juin, entre les 2 hommes ; pour la première fois, Mohamed Elkhatri voit ou rencontre l’un des siens, depuis son arrestation, à 1370 km de la capitale. L’échange, sans doute à cause de sa brièveté, eut lieu sans pression physique mais en présence de tiers parmi le personnel de la sureté. Le détenu paraissait souffrir de fatigue
et d’anxiété et affichait les symptômes de la démoralisation.
2. Bien avant sa relégation, Mohamed Ould Khattri – petit-fils d’esclave – subit un lynchage sur les réseaux sociaux ; il y est gratifié de « raciste anti arabe…enragé anté-islamique… valet des juifs…membre de la bande criminelle de Ira-M, organisation de malfaiteurs inféodés au sionisme international et à l’Occident croisé », etc. Des bloggeurs de notoriété au sein de la communauté arabo-berbère, vivants à l’étranger ou en Mauritanie, l’accablaient d’insultes et de malédictions, essentiellement motivées en vertu de la religion et de la supériorité de race. Ould Khattri est accusé, au titre des lois contre l’incitation à la haine, d’avoir publié, sur sa page Facebook, le slogan « Frère hartani, si un bidhani t’indexe, brise-lui sa petite gueule».
Or, sur son profil, Mustapha Nezih Bilal, recense, en détail, les éruptions de discours suprémaciste arabe que l’impunité consacre, si les auteurs sont arabo-berbères. La chronologie documentée, est accessible, ici : elle comporte l’identité, la photo et la localisation de chaque contrevenant. Aucun ne fut inquiété.
3. Mohamed, isolé au secret depuis 9 jours, risque la violence au corps et le tourment moral, tous traitements infligés afin de briser sa résistance et, si possible, le retourner contre ses compagnons de lutte ; la réputation et le passif impuni des services de sécurité de la Mauritanie confortent la crainte de sévices systématiques, à l’encontre de prisonniers noirs. Jusqu’ici et malgré une pléthore de documents et de témoignages qui attestent des pratiques de torture ciblées dans le pays, aucun auteur présumé n’en a répondu devant un magistrat. Mêmes les mesures disciplinaires continuent à faire défaut.
4. De l’ensemble des pratiques de contrainte en vigueur durant la garde à vue et plus souvent lors de la détention préventive de personnes de sexe masculin, nous rappelons la privation de sommeil, l’humiliation par la nudité, les coups de matraque électrique et de bâtons sur les mains et les pieds, la manipulation des parties génitales, la compression et le maintien du corps dans une posture de resserrement au moindre mouvement, enfin l’écartèlement graduel, dit Jaguar…
Initiative de résurgence abolitionniste en Mauritanie (Ira-M)
Nouakchott, le 30 juin 2020