« Il faut multiplier les sanctuaires de la biodiversité pour lutter contre les pandémies comme le COVID19»

« Il faut multiplier les sanctuaires de la biodiversité pour lutter contre les pandémies comme le COVID19»Pour comprendre le COVID et sa relation avec la Biodiversité, nous avons posé 3 questions posées au Professeur Mohamed BABA – Enseignant à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand, Université Clermont-Auvergne et promoteur du Projet Toogga pour la valorisation des produits naturels issus du Sahel.

1) D’où vient le nouveau coronavirus (COVID19) ?

Il est établi que le virus est apparu à Wuhan dans la province de Hubei en Chine. Il est aussi établi qu’il est apparu à la suite du contact entre les humains et la faune sauvage. Dès son apparition, les Chinois ont séquencé son génome et l’ont partagé avec la communauté scintifique.

Assez rapidement ils ont découvert qu’il y avait un coronavirus présent chez la chauve-souris et un autre présent chez le pangolin dont les génomes étaient très proches du génome du nouveau virus. Donc il est très probable que le COVID19 soit une combinaison entre les deux coronavirus, qui aurait muté et qui a pu passer de l’animal à l’homme puis de l’homme à l’homme.

2) Quel est le lien entre la pandémie et la perte de la Biodiversité ?

On peut aborder cette question de deux points de vue.

D’abord, celui de la biodiversité non humaine…. Et là c’est un vrai régal : pour une fois, les animaux voient les humains confinés, les villes compélement vidées et les bruits très atténués. Donc la biodiversité non humaine doit se régaler.

Du côté des humains, notamment ceux qui s’interessent à la biodiversité, le constat est moins reluisant : il est clair que l’origine de ce genre de pandémie, comme le SARS, EBOLA, c’est le contact entre les humains et la biodiversité sauvage.

En effet, selon des études réalisées , les hommes et leurs animaux domestiqués se sont tellement répandus sur terre et ont occupé tellement de niches que, depuis le dernier quart du 20e siècle, quand un virus « veut » muter entre deux espèces sauvages (comme ce qui se passe ce corona), la probabilité qu’il rencontre des hommes ou des animaux domestiques est plus forte que celle qu’il a de rencontrer une autre espèce sauvage.

Il existe aussi, toujours selons ces études , une corrélation positive très forte entre le nombre d’espèces inscrites sur la liste rouge de l’UICN des espèces menacées d’extinction – et le nombre de zoonoses (maladies infectieuses telles le SARS, COVID…) apparues ces 25 ou 30 dernières années. Et ceci est terrible ! Cela veut dire qu’il y a une correlation nette entre la perte de la biodiversité et l’apparition de ces pandémies

3) Pourrait-il y avoir d’autres pandémie semblables à l’avenir et comment les prévenir ?

Il n’y a aucune raison pour le COVID19 soit le dernier coronavirus à apparaitre, si évidemment nous continuons à pratiquer le même modèle de développement actuel, c-a-dire, si nous continuons à réduire et à détruire les habitats des espèces sauvages notamment et surtout si nous continuons à standardiser l’élevage. Car la multiplication des animaux domestiques ne cessent d’augmenter et celle-ci s’accompagne d’un appauvrissement de la biodiversité génétique.

Ce qu’il faudrait faire, entre autres, pour inverser ce processus est de faire réintégrer l’homme et les animaux domestiques à la biodiversité générale. Concrètement cela passe par la multiplication des zones protégées (marines, fluviales et terrestres).

Chez nous en Mauritanie, nous avons le Parc National du Banc d’Arguin et le Parc National du Diawling, mais il faudrait envisager la possibilité d’en faire d’autres. Nous avons d’autres zones humides qu’il faudrait protéger, comme les lacs.

Au niveau mondial, il faudrait multiplier les sanctuaires de la biodiversité. Ce sont des choses qui peuvent se faire et qui peuvent se défendre économiquement : des sanctuaires de la biodiversité qui peuvent être intégrés dans l’économie mondiale.

Propos recueillis par Maimouna SALECK