Dire qu’aucun « affranchissement n’a jamais conduit à la formation d’une communauté indépendante », me semble défendable, à condition de préciser les conditions dans lesquelles est intervenu cet affranchissement.
En effet, dans le contexte maure traditionnel, il était impossible de constituer une communauté, de « droit », bien qu’elle existe de fait. Tout simplement parce que l’affranchissement traditionnel n’aboutissait pas à la liberté, une liberté totale de l’ancien maître. L’esclave et le maître s’engagent dans une autre relation de dépendance, qu’on appelle le « Wala », au terme de laquelle le nouvel affranchi, le « Hartani », est tenu de verser ses « vatarat » à son « mawla », son ancien maître, lequel pouvait entrer aussi « légalement » en possession de ses biens, lorsqu’il décède sans héritiers mâle, au nom d’un cousinage fictif ; puisque le Hartani n’a jamais appartenu à la famille de l’ancêtre éponyme de la tribu.
Cet affranchissement n’a rien à voir avec celui qui se réalise dans un empire ou un Etat moderne, où le nouvel affranchi devient citoyen libre et égal à tous les autres. C’est pourquoi les esclaves affranchis, égyptiens, grecs, romains ou américains, détribalisés, n’avaient aucun besoin de s’engager dans la formation d’une communauté, qui risque d’être perçu comme un Etat dans l’Etat.
Au reste, Haïti, la Guadeloupe sont des Nations créées par des anciens esclaves libérés.
Dès lors pourquoi dénier aux Hratines le droit de se constituer en communauté pour défendre leurs droits qu’ils ne peuvent défendre efficacement qu’ensemble, conformément aux autres citoyens, organisés en tribus, et en ethnies ?
Le risque est de reproduire le communautarisme américain, contre l’universalisme intégrateur français.
Dans ces deux cas, l’Etat est toujours au-dessus des individus et des communautés, contrairement à ce qui se passe chez nous, que la presse, les hommes politiques et les organisations non-gouvernementales dénoncent régulièrement, comme un déni de l’Etat de droits et des institutions séparées.
Rchid MOHAMED