Constances dans les circonstances, Par Ahmed Salem Ould El Mokhtar

1er constat: le dialogue programmé fut précipité de façon spontanée par un déchaînement d’échanges contradictoires à la fois passionnés et relativement violents.

2e constat: les sujets abordés et la façon de les aborder par les uns et les autres n’avaient rien de nouveau. Souvent les mêmes acteurs s’ajoutent à de nouveaux amateurs. Pour l’essentiel l’ignorance est le trait distinctif qui les réunit.

3e constat
les problèmes soulevés par la coexistence et le partage de la chose nationale dominent les préoccupations des uns et des autres. La question haratine prend souvent le dessus.

4e constat: les problèmes généralement abordés sont les mêmes que ceux toujours posés avec persistance depuis plusieurs décennies. Ce qui veut dire qu’ils n’ont jamais bénéficié de solutions satisfaisantes ou tout au moins atténuant leur acuité. Donc palabrer à l’excès ne suffit nullement pour résoudre des problèmes concrets, têtus par leur constance.

5e constat: notre pays a connu un tournant majeur dans son évolution depuis les événements ethniques et sanglants de 1989/91. Depuis lors une fracture sociale béante ne cesse de se manifester durant nos différentes échéances électorales. D’une façon schématique tout le nord de la Route de l’Espoir vote pour les clans gagnants dans la recomposition des forces qui avait suivi les événements en question. Ces clans sont issus pour l’essentiel de la souche blanche maure. Tandis que tout au long du sud de la Route de l’Espoir les gens s’adonnent en permanence à une sorte de vote de protestation en faveur des candidats de souche noire, généralement haratine et négroafricains. Au-delà de toute polémique et de toute interprétation d’auto suffisance notre pays a tout intérêt à colmater cette si douloureuse et si persistante brèche sociale.

6e constat: depuis que l’opposition est opposition dans notre pays les différents régimes qui s’étaient succédé dans notre pays n’avaient cessé de vouloir corrompre ou détourner un chef politique incarnant l’opposition en place en ce moment. Certains opposants célèbres avaient même laissé leur vie. C’était le cas des responsables de l’attaque de la garnison de Nema en 1961. Les martyrs Maaly et autres, leur lâche exécution publique n’avait pas réussi à arrêter l’élan revendicatif pour l’achèvement de l’indépendance nationale.
De même les tortures et les emprisonnements massifs d’opposants du MND n’avaient pas réussi à endiguer la combativité des militants jusqu’à la satisfaction des revendications essentielles consacrant la souveraineté de notre pays sur ses ressources politiques économiques et culturelles.

7e constat: depuis le début des années 1980, avec la naissance et le développement du mouvement d’émancipation des haratine El Hor, aucune mise à l’écart, volontaire ou non, d’un chef de cette nouvelle mouvance n’est parvenue à arrêter la progression de cette idée d’émancipation au sein des masses haratine. Il serait certain que de multiples tentatives de corruption de chefs de cette mouvance eurent lieu. D’ailleurs, malheureusement elles réussissent parfois mais jamais elles ne parviennent à leur fin finale: casser pour de bon le mouvement sans concession sur l’essentiel.
Si je me rappelle bien Messaoud O Boulkheir avait résisté jusqu’au bout. Et la masse l’a toujours suivi dans cette résistance. Le processus de sa récupération a commencé avec son élection à la tête de l’assemblée nationale. Aziz s’en servira plus tard comme chantage pour l’arracher à l’opposition malgré lui. Biram remplit aussitôt le vide laissé par lui.

8e constat: c’est peine perdue de chercher aujourd’hui de vouloir démolir ou tout simplement affaiblir, l’emprise de Biram sur le monde noir, haratine en particulier, à l’aide de faux militants novices ou amateurs.

9e constat: tout indique que le président Ghazouani a diagnostiqué à temps et correctement le fond de la problématique haratine en la nommant à juste titre: Elmouhemmechoune ou les laisser en marge. Les institutions créés et les mesures prises, en dépit de l’accaparement de leurs directions par des « cols blancs » fils de nantis, dénotent de cette prise de conscience du problème. Ce qui a manqué n’est autre qu’une certaine négligence réelle de la dimension politique du problème dans sa globalité. L’insignifiance de la représentativité des cadres haratine dans les sphères centrales et départementales du pouvoir en est l’illustration. En matière de gestion, les conséquences désastreuses sur l’ensemble des citoyens de la gabegie et de la mauvaise gouvernance constatée dans les services publics ne font que diluer l’impact positif que pourrait avoir toute mesure sociale sur le terrain. La lutte contre ces fléaux annoncée et proclamée prioritaire par le président Ghazouani au lendemain des dernières présidentielles doit être relancée et exécutée publiquement et systématiquement.

10e constat: encore une fois il est bien possible de distribuer des postes/fonctions ou des biens matériels, mais il relève de l’impossible de vouloir distribuer équitablement des acquis culturels et psychologiques conquis à travers des siècles, voire plus. Les stigmates et les impacts indélébiles du temps, notamment sur le monde haratine ne peuvent en aucune façon être effacé, voire même fortement diminué, en quelques décennies de la vie d’une nation.

11e constat: nos communautés noires, négro-africaines notamment, mais aussi haratine, sont de tradition consommatrice. Souvent elles produisent pour juste la consommation quotidienne ou tout au plus pour le court terme. C’est aussi leur cas dans le pays voisins au sud du Sahara.
Alors que notre communauté maure beidane, précisément de nombreuses collectivités parmi elle, celles issues du nord du pays en particulier, sont dotées d’une culture commerçante qui se perd dans la nuit des temps.
Bien avant l’indépendance du pays elles ne cessaient d’accumuler les moyens à caractère capitaliste. Au temps du développement planétaire du capitalisme et de son corollaire la bourgeoisie elles constituent un atout pour notre pays, un atout à ne pas trop décourager son apport substantiel à l’économie nationale. Ce qui ne doit pas aussi décourager le soutien actif et continue à des velléités de développement capitaliste chez nos autres communautés et groupes sociaux non initiés à ce domaine.

12e constat: appeler à se démarquer et à s’éloigner des marchands, bien sûr d’esclaves d’abord, mais aussi d’opportunités et d’occasions, nos autorités se doivent de regarder notre réalité et encore qu’il est temps, chercher scientifiquement et discrètement des solutions à nos problèmes, nos problèmes qui perdurent et persistent à la recherche de solutions appropriées.

13e constat: à l’époque, après la nationalisation de la MIFERMA en 1974, Elmarhoum Ahmed O Ahmed Saleh, le grand homme d’état, ministre de l’intérieur en ce moment, pour rassurer son personnel, hérité du temps colonial, dans un confidentiel il leur justifiait la mesure de nationalisation par l’extrême nécessité d’arracher à l’opposition son « Attach Alba: massue». Effectivement on a eu de la peine à continuer dans la même posture d’avant.

Aussi, aujourd’hui, pour se débarrasser des « marchands d’esclaves » il y’a lieu de leur arracher leur fond de commerce: la condition d’esclavage.

Ahmed Salem OULD EL MOKHTAR