Interview avec le Dr Mohamed Mohamed Lemine DEDDE, Médecin Chef du Centre de Santé de Boghé

Interview avec le Dr Mohamed Mohamed Lemine DEDDE, Médecin Chef du Centre de Santé de Boghé « je dis avec honnêteté, on est là pour les servir et accorder à chacun ses droits légitimes en matière de santé »

Mohamed Mohamed Lemine DEDDE est né à Nouakchott en 1981. Formé en Algérie, à Oran précisément appelée la ville blanche, le petit Paris pour d’autres Européens. Il est dans la fonction publique Mauritanienne depuis quelques années. Le jeune médecin a travaillé à l’hôpital national ainsi qu’à l’hôpital Cheîkh Zaîd mais aussi d’autres centres médicaux, tel celui de Tayarett avant d’atterrir auprès des sociétés multinationales, opérantes dans les secteurs miniers et pétroliers.

Ça fait plus d’une année qu’il est à Boghé, à la tête du centre médical. Structure au sein de laquelle, il a servi auparavant en qualité de médecin traitant et assuré l’intérim pour une courte durée après la promotion du Dr, BA Kassoum comme DRASS, en Adrar. Il est donc actuellement le médecin chef de la Moughataa de Boghé. Il a accepté de répondre à nos questions.

Le Terroir : Qu’est ce que vous avez trouvé à votre arrivée dans le centre de santé ?

Mohamed O Mohamed Lemine DEDDE: Boghé est une très grande Moughataa dont la population avoisine 80 mille habitants. C’est un grand centre de santé, parmi les plus grands centres de la Mauritanie, un centre de type A qui compte une maternité, un laboratoire d’analyses sanguins, un bloc de stomatologie, une PMU et un centre de CRENI dédié aux enfants frappés par la malnutrition. Donc, c’est une très grande Moughataa dont relève aussi 19 postes de santé. Un centre qui nécessite beaucoup de travail et d’assistance. Avec un nombre élevé de couches vulnérables. C’est dans ce sens que nous œuvrons tous les jours pour aider cette population, l’assister à accéder aux soins de santé de base mis en place par le ministère en charge de la santé publique de notre pays.

Le Terroir : maintenant que vous êtes aux commandes du centre de santé de Boghé, quelles sont vos priorités ?

Mohamed O Mohamed Lemine DEDDE : pour ce qui est des priorités, il faut d’abord organiser le centre. Vous savez quand on est en guerre, je considère que la maladie est un ennemi féroce. Et quand on est en guerre, il faut d’abord s’organiser sur le plan interne pour bien mener cette guerre à la victoire. J’accorde la priorité à l’organisation interne du personnel et des prestations de service qui sont offerts par le centre, qu’il soit à la hauteur et organisé. Les ressources humaines, s’il y’a un manquement constaté, on a fait beaucoup de progrès de ce côté. Et je pense que dans un bref délai, nous allons avoir plus de personnels spécialisés, étant donné que notre stomatologue a été muté à l’hôpital avec le laborantin qui était là. Monsieur le ministre, son excellence Kane, nous a donné son accord pour résoudre ce problème. Notre laboratoire est en marche malgré la mutation du technicien. Il y’a aussi l’organisation des prestations de services offertes par le centre pour être apte à répondre aux besoins sanitaires des populations, à combattre l’ennemi qui est la maladie, comme je le disais tout à l’heure.

Le Terroir : Les moustiquaires envoyées par l’OMVS pour lutter contre le paludisme ont-elles été distribuées aux bénéficiaires ?

Mohamed O Mohamed Lemine DEDDE :
les médecins du Trarza, du Brakna, du Gorgol et du Guidimahka après plusieurs réunions autour de la question ont reçu l’ordre de procéder à leurs distributions aux bénéficiaires. Ce qu’ils n’ont pas tardé à faire avec les ONGs locales chargées de l’opération. Le travail de distribution a été mené déjà avec les ONGs locales qui sont chargées de la distribution de ces moustiquaires. Et dans un délai très court, les moustiquaires ont été entièrement distribuées aux populations bénéficiaires. Le Hakem lui-même peut vous éclairer plus. Moi je ne vais pas vous donner plus de détails. Le dénombrement a été fait avant mon arrivée par les ONGs locales. Il y’a des réajustements en plus qui ont été faits. Et si jamais, il y’a un endroit qui doit en bénéficier sans l’être, je demande à être saisi. S’il y’a en plus quelqu’un qui connait une fièvre quelque part ou une agglomération qui n’a pas été recensée dans les années précédentes, de nous saisir et nous allons inchallah, rectifier dans l’urgence.

Le Terroir : quelles sont les maladies les plus fréquentes ici, dans ce centre ?

Mohamed O Mohamed Lemine DEDDE : ce centre est un exemple type dans notre pays. Dans l’hiver, les pathologies fréquentes sont les bronchites, les bronchiolites, les toux, les phanangytes, les rhinites, les maladies respiratoires à cause du froid et pendant la période estivale, c’est les fièvres et le paludisme. En plus de ces deux groupes de pathologies, il y’a un troisième, c’est la diarrhée, la dysenterie, la gastroentérite ; c’est tout. En dehors de ça, je n’ai pas constaté depuis que je suis médecin traitant avant ma prise de fonction en janvier, de tares. Je n’ai pas constaté un très grand nombre d’hypertendus, je pense que c’est dans les normes.

Le Terroir : Avez-vous pris en charge ou traité des cas sociaux très spécifiques dans cette structure ?

Mohamed O Mohamed Lemine DEDDE
: si, je pense que dans un centre de santé, on ne manque pas de prendre en charge ce genre de cas. Comme je vous l’ai dit au début de notre entretien, la population ici est indigente, en grand nombre. Chaque jour on est confronté à des cas sociaux. Le dernier en date, c’est l’exemple d’une fille qui est venue de Darel Avia. Je ne vais pas donner son nom car le secret médical m’y interdit. SS est issu d’un milieu très défavorisé et qui vit seule avec sa maman qui vient d’accoucher. Elle a été évacuée de Darel Avia par l’une de nos agents, Fatme. Une bénévole que je salue au passage pour cet acte très humanitaire. Prendre un enfant de son village, ce qui est son devoir et le conduire à Boghé. L’enfant avait une anémie de 1,8. Les professionnels de la santé savent ce que ça veut dire une anémie à 1,8, c’est comme dire une voiture est en panne de carburant, ou une personne est en manque de sang ; vous voyez la différence ! On a fait le nécessaire sur le propre budget du centre et la jeune fille a été transférée au Centre Hospitalier d’Aleg où elle a bénéficié de la transfusion de trois poches de sang. Elle a été hospitalisée pendant quatre jours. Elle est revenue à 6 grammes. Et je lui ai prescrit moi-même son traitement palliatif, son traitement anti-anémique. Elle vit bien, elle est retournée dans son village. Je pense que c’est une réussite. Tout ça, c’était sur les propres moyens du centre.

Le Terroir : quel est l’avenir du centre de santé par rapport au nouveau centre hospitalier de Boghé qui vient démarrer ses prestations sanitaires ?

Mohamed O Mohamed Lemine DEDDE :
bon, vous savez qu’un centre de santé de Moughataa, c’est une structure de santé de base alors qu’un hôpital ; c’est une structure hospitalière. Les deux relèvent chacune, d’une direction au ministère de la santé. Pour vous éclairez davantage, la santé de base c’est une consultation courante : la vaccination, la prise en charge des femmes enceintes, la prise en charge des accouchements simples, physiologiques, le suivi de grossesse, l’hygiène publique, la santé publique, la sensibilisation, les campagnes de vaccination, c’est ça la santé de base. Tandis que la médecine hospitalière, c’est les opérations chirurgicales, les actes lourds et l’hospitalisation à long terme. Nous sommes complémentaires, l’un et l’autre. Chacun de nous a sa spécificité, certes. Le centre de santé de Boghé existant depuis les années soixante dix jouait presque le rôle d’un hôpital et l’on appelait même au ministère hôpital de Boghé. Alors qu’il n’est qu’un centre de santé et ce mot n’est pas exhaustif car il fait 1800 accouchements par année, 80 consultations journalières qui peuvent aller même jusqu’à 100 consultations chaque lundi par exemple. Et le minimum, c’est 50 consultations par jour. On hospitalise dans ce centre et toujours encore dans ce centre. S’agissant du nouvel hôpital, nous ne sommes pas en concurrence mais si tel est le cas ; c’est dans le sens du bien être des populations ; nous sommes plutôt complémentaires l’un de l’autre. Chacun de nous a son domaine d’action et dispose d’une marge. Le centre de santé à mon avis est privilégié par la population à cause de sa proximité du marché, de la vieille ville et il est moins cher. Nous avons beaucoup d’atouts avec nous.

Le Terroir : votre dernier mot à l’endroit de nos lecteurs ?

Mohamed O Mohamed Lemine DEDDE : je profite de l’occasion pour saluer toutes les populations de Boghé, les acteurs de la société civile, les notables, les élus et les chefs religieux. Je leur dis que le médecin chef, le personnel médical sont à leurs dispositions et ils sont là pour eux. Je dis avec honnêteté, on est là pour les servir et accorder à chacun ses droits légitimes en matière de santé. La prestation des services publics est assurée par le centre et le personnel médical qui restent entièrement à leurs dispositions. Et nous espérons une très bonne collaboration entre le personnel de santé et la population de Boghé qui est très accueillante et sans problème. Je pense que ce sera une bonne continuité entre nous.

Propos recueillis par Daouda Abdoul Kader DIOP
Source : Terroir Journal (Mauritanie)