AMDH : tortures, apatridie, disparition forcée… les signes d’une dégradation des droits en Mauritanie

AMDH : tortures, apatridie, disparition forcée… les signes d’une dégradation des droits en MauritanieMême reconnue officiellement depuis 2005, l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH) a déploré, lors d’une conférence de presse organisée vendredi 2 mars 2018, son incapacité à mener sa mission en Mauritanie, à cause des obstacles administratifs.

« Nous sommes dans l’impossibilité de venir en aide aux populations mauritaniennes, notamment les enfants, les femmes et les personnes vulnérables, mais aussi les familles de migrants résidant dans le pays, qui sont toutes confinées aujourd’hui dans des espaces de non droit » a déclaré M.Ousmane Cherif Touré, coordinateur du Projet Etat de droit au sein de l’AMDH, à l’ouverture d’une conférence de presse organisée par son organisation le vendredi 2 mars passé.

Il a évoqué un recul grave de toutes les libertés en Mauritanie, avec l’usage de la force publique pour mater toute manifestation pacifique et le refus systématiques des autorités à accorder la moindre autorisation de réunion.

L’AMDH, à l’instar des autres défenseurs des droits de l’homme est aussi, selon lui, confronté à des blocages pour mener son terme les plaintes pour torture conformément aux dispositions de la Loi 2015-033 fixant ses éléments constitutifs.

« En contradiction avec les instruments nationaux et internationaux ratifiés par la Mauritanie, les plaintes concernant les allégations de torture ne sont pas prises en compte par les autorités judiciaires compétentes et font souvent l’objet d’un classement sans suite » indique le communiqué de presse publié à cet effet.

Rafles dans les quartiers périphériques

Le conférencier a aussi mentionné les entraves à la libre circulation des populations, citant les rafles nocturnes dès 20 heures qui ciblent les garçons comme les filles sans que leur famille ne sache par la suite les lieux où ils ont été conduits.

La peur et la panique s’installent dans les quartiers périphériques à chaque tombée de nuit, fait-il remarquer, ajoutant que les plaintes pour maltraitance et tortures au cours des rafles sont restées jusque-là lettres mortes.

Fut cité dans ce cadre, un cas d’intrusion suivie de coups de feu de la part d’un garde qui avait suivi jusque dans la concession de ses parents un jeune qui fuyait une rafle. La plainte déposée par la suite par le père du gosse, douille que l’Etat-major de la Garde avait cherché en vain à récupérer, à l’appui et présentée au Procureur.

L’affaire, selon Me Fatimata MBaye a finalement été classée, suite à un arrangement arraché sous la pression. Elle a aussi cité le cas d’un prisonnier mort en détention à la prison d’Aleg et qui aurait succombé à des tortures, et dont l’affaire ne fut jamais démêlée.

Selon Me MBaye, le Mécanisme contre la torture mis en place par l’Etat mauritanien ne jouit pas de tous les instruments de sa mission, limité qu’il est dans ses actions. Selon elle, son organisation est actuellement en possession de 3 cas avérés de torture selon la Loi 2015-033.

Réquisition à médecin

Première pièce dans tous les cas d’allégation de tortures, la réquisition à médecin constitue selon l’AMDH un autre problème de blocage, la Police refusant le plus souvent de la délivrer. Des fois, c’est l’hôpital national qui refuse de délivrer un certificat médical pour un complément de dossier judiciaire.

Et si malgré tout, le certificat est délivré, l’incapacité de travail ne dépasse pas, dans la majorité des cas 5 jours, ce qui signifie le classement systématique et sans suite de l’affaire, quelle que soit la gravité des dommages subis par la victime. S’ajoute à cela, l’absence d’éthique parmi certains médecins et personnels de santé.

Pas d’accès aux lieux de détention

L’AMDH, selon Ousmane, attend depuis plus d’une année une demande restée sans suite pour la visite des lieux de détention pour s’enquérir des conditions de détention des prisonniers et leur apporter une aide judiciaire. « L’accès des organisations aux lieux de détention est désormais impossible pour les différents acteurs de la société́ civile mauritanienne.

Depuis 2017, l’AMDH n’a pas obtenu l’autorisation d’accès aux lieux de privation de liberté́ et cela malgré ses multiples démarches et courriers adressés aux services compétents des ministères de la Justice et de l’intérieur » indique l’organisation.

Enfants apatrides mauritaniens

Le nombre d’enfants mauritaniens empêchés de passer les concours nationaux pour défaut de pièces d’état-civil, notamment pour les concours d’entrée en 1ère année du collège, au Brevet et au Baccalauréat est alarmant, selon l’AMDH.

« Rien que dans un collège de Dar-Beida, un des quartiers périphériques et déshérités de Nouakchott, plus d’une centaine d’élèves ne passeront pas cette année le brevet » selon le directeur de l’établissement cité par les enquêteurs de l’AMDH. Idem pour les enfants migrants qui n’ont pas d’accès à l’enrôlement.

Disparition forcée

Le cas de Mohamed Ould M’Khaïtir qui a purgé sa peine et qui a disparu depuis son dernier procès le 9 novembre 2017 sans que sa famille, ses avocats et les ONG de défense des droits humains ne soient informé sur son sort, constitue le cas le plus symptomatique de disparition forcée dans le pays.

Les autorités mauritaniennes refusent toute indication à ce sujet. Me MBaye qui l’avait défendu soutien ignorer où il est. « Tant que l’on me l’a pas présenté en chair et en os ou son cadavre, ou me faire visiter son lieu de détention, je ne saurais me prononcer », a-t-elle indiqué lors de la conférence de presse.

62ème session de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples à Nouakchott

C’est à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, lieu de toutes les violations des droits de l’homme et théâtre d’une dégradation avancée de l’Etat de droit tels que décrits plus haut, que la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) compte tenir en juillet 2018 sa 62ème session ordinaire.

« Quoi de plus banal si l’on sait que cette commission a pour siège Banjul de l’ancien dictateur Djamé et qu’elle a pour parrain les chefs d’Etat et de gouvernement africains dont la plupart gouverne leur pays selon le même standard répressif des droits de l’homme en vigueur en Mauritanie » fait-on remarquer au sein de la société civile.

C’est durant le symposium de la société civile, qui sera organisée deux journées auparavant en marge de la session, où cela risquera de faire chaud.

Cheikh Aïdara

Source : L’Authentique (Mauritanie)