« La culture de la torture » répandue en Mauritanie

« La culture de la torture » répandue en Mauritanie Un rapport de l’ONU publié à Nouakchott par le site « Cridem » met en cause les méthodes violentes de la police mauritanienne. D’où la plainte déposée à Paris par les militants du mouvement anti esclavagiste IRA.


Dans son rapport rendu public ce 1er Mars et présenté devant le Conseil des Droits de l’Homme, à Genève, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres traitements dégradants, Juan E. Mendez, revient sur sa mission en Mauritanie du 25 janvier au 3 février 2016.

L’expert de l’ONU dénonce l’« usage excessif de la force » par la police et ses « méthodes violentes pour disperser les manifestants, notamment en les frappant avec des matraques ».

Plus grave, Juan E.Mendez fait état de « nombreux témoignages crédibles faisant état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, en particulier au cours de l’arrestation et au début de la détention ».

Autant de pratiques, relève l’expert de l’ONU, « héritées de l’époque des régimes militaires, où régnait une culture de la torture ». Déjà en 2005, le groupe d’action judiciaire de la FIDH dénonçait dans un rapport la pratique généralisée de la torture et obtenait la condamnation d’un militaire mauritanien en se basant sur le mécanisme de la compétence universelle. Depuis hélas, rien n’a changé. L’arrivée au pouvoir en 2008 par un coup d’état du général Aziz (voir ci dessous), pur produit de cette « culture de la torture » et dont la seule légitimité est d’origine militaire, a plutôt aggravé la situation dans les commissariats et les prisons.

Offensive pénale à Paris.

Cet automne, plusieurs militants anti esclavagistes, fort actifs au sein de l’Initiative pour la résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA), ont été à l’origine d’une plainte pénale pour tortures devant la section du Parquet de Paris. Le 29 juin 2016 en effet, des heurts violents se produisent entre une unité anti émeute du régime mauritanien et des habitants du bidonville de Ksar dans la banlieue de Nouakchott.

Ces derniers avaient en effet été brutalement sommés par les forces de l’ordre de quitter leurs habitations pour ne pas troubler le sommet arabe qui se réunissait à Nouakchott. La foule incendie des véhicules, des dizaines de personnes sont blessées. Accusés par le pouvoir d’avoir fomenté ces troubles, les dirigeants de l’IRA sont arrêtés et transférés à la prison de Dar Naim. Peu importe q’aucune des personnes interpellées n’aie participé à ces troubles et que l’un d’entre eux se trouvait même à 1200 kilomètres de là le jour de la manifestation.

Biram Dah Abeid qui, à la tète de l’IRA, était arrivé en deuxième position aux élections présidentielles derrière le président Aziz, a décidé de déposer une plainte à Paris contre les tortures et les mauvais traitements subis par ses camarades militants.

Après des condamnations très lourdes, jusqu’à quinze ans de prison pour participation à une manifestation, les militants sont conduits à la prison de la ville minière de Zouérate à des centaines de kilomètres au nord de la capitale. Durant leur garde à vue, les malheureux membres de l’IRA, tous des noirs africains, ont subi des traitements inhumains et dégradants qui se traduisent par des évanouissements et des complications cardiaques et autres. Certains détenus sont condamnés à assister aux séances de tortures pour mieux les conditionner avant les interrogatoires. Les patrons du ministère de l’Intérieur participent pour certains aux sévices, giflant et insultant les détenus. Naturellement, aucune des victimes n’a bénéficié de la moindre assistance médicale après ces séances de torture.

Circulez, il n’y a rien à voir

Dans son récent rapport, l’ONU déplore qu’aucune mesure n’ait été prise par les autorités mauritaniennes pour « enquêter sur les cas et les allégations d’usage excessif de la force par les membres des forces de l’ordre et sur les cas de blessures causées à des manifestants, même en l’absence de plainte formelle ».

L’enquête du parquet de Paris en revanche devrait forcer les autorités mauritaniennes à sortir du bois et à tenter de se justifier. Les anti esclavagistes ont choisi en effet pour les défendre deux figures des luttes en faveur des droits humains à Paris et Bruxelles: maitre William Bourdon et maitre Georges-Henri Beauthier. Ces deux avocats ont montré dans de nombreuses procédures comme le procès des biens mal acquis ou celui d’Hissène Habré leur talent et leur persévérance à dénoncer les atteintes aux droits de l’homme.

D’ores et déjà les tortionnaires sont sortis de l’anonymat. Dans leur plainte en effet, les plaignants en ont dénoncé nommément une dizaine de militaires et de policiers qui se livrent régulièrement à ces actes de torture. Parmi eux, on trouve le directeur de la Direction générale de la sureté nationale, le général Mohamed Ould Meguet. Le même est accusé par beaucoup d’avoir été l’instigateur du meurtre de 28 militaires négro mauritaniens le 28 novembre 1990 à la veille de la fête de l’indépendance.

Par crainte des procédures judiciaires, certains hauts gradés mis en cause ne se déplaceraient en Europe et en France qu’avec des noms d’emprunt. Une forme d’ aveu!

Cliquez ICI, pour lire l’intégralité du RAPPORT de l’ONU.

Par Nicolas Beau

Source : Mondafrique