Loués soient nos Seigneurs

Dans l’histoire récente de la Mauritanie ou plus exactement, depuis le coup d’état du 10 juillet 1978, qui consacra le renversement du Père de la Nation Moctar Ould Daddah, à nos jours, l’armée mauritanienne a toujours confisqué le pouvoir politique et l’alternance au pouvoir.

Et quand il s’agit d’un candidat civil qu’elle présente, elle pèse de tout son poids dans la vie politique mauritanienne.

Le régime militaire a continué à se perpétuer sans changement, ni alternance au pouvoir, au sens de pluralisme politique, donc de succession au pouvoir de partis politiques différents ayant chacun son programme.

Le départ dans quelques mois du président Mohamed Ould Abdel Aziz au profit d’un autre militaire, le Général Mohamed Ould Ghazwani, inscrit au chapitre de l’alternance démocratique, le mot FIN en lettre noire.

Après Moctar Ould Daddah, le père de la nation, Haidalla, l’homme d’exception, Maaouiya le contesté, Ely le légaliste, Sidi le candide, le Palais ocre perd momentanément, son illustre locataire en la personne du président Mohamed Ould Abdel Aziz, principal artisan des coups d’état de 2005 et de 2008.

C’est un sort curieux que celui de ce locataire artisan.

Quant on regarde l’insignifiance d’où il est parti (simple mécano de l’armée) et le faîte de réussite où il est arrivé, on s’étonne de ce que l’esprit humain puisse favoriser les circonstances.

Sa conquête du pouvoir ne fut pas de tout repos. C’était un véritable parcours du combattant. Le chemin fut parsemé d’embûches et de soubresauts, notamment, l’opposition farouche de l’opinion nationale, africaine (l’UA), et internationale (l’UE), à laquelle il mit fin grâce aux accords de Dakar.

Cette ascension ne fut pas fulgurante. Elle exigea de la persévérance, une foi tenace, une opiniâtreté irréductible et une détermination sans faille.

Il lui a fallu rallier l’armée à sa cause. C’est en renforçant l’institution militaire mauritanienne dans son statut de rouage essentiel du système de gouvernance qu’il a réussi à se maintenir.

Auparavant, c’est cette même armée, à la fin des années 70, suite à l’échec du Comité Militaire (CMRN) qui avait choisi Haidalla en tant que chef de la Junte en 1979, après le décès accidentel du Colonel Ahmed Ould Bousseif, autre officier légaliste et héros légendaire de la guerre du Sahara.

Cette armée renversa Haidalla 4 ans plus tard au profit du Colonel Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya.

C’est encore l’armée qui avait placé Sidi Ould Cheikh Abdellahi à la tête de l’Etat en 2007, avant d’intervenir à nouveau, une année après en 2008 pour l’écarter définitivement.

Colonel légaliste

Il faut reconnaitre qu’avant cela en 2005 et 2006, le Président et Colonel légaliste Ely Ould Mohamed Vall, avait tenté de réduire le rôle de l’armée dans la vie politique mauritanienne au point qu’il interdit à tout membre du Conseil Militaire et même du gouvernement de se présenter aux élections présidentielles.

Malgré tous ces efforts, il n’a pas réussi à dépouiller l’Institution Militaire de ses Seigneurs de guerre, ni à la ramener sur la voie de la légalité.

En 2009,  après les accords tronqués de Dakar, c’est encore l’armée par la pression et l’influence des officiers de l’état major, des services de renseignement et de sécurité, de certains hommes d’affaires véreux et parlementaires félons qu’elle a joué un rôle décisif et permis la victoire, certes contestée du Général Mohamed Ould Abdel Aziz.

Maintenant, nous avons devant nous des élections présidentielles de juin 2019. La victoire du candidat du pouvoir et de l’armée, le Général Mohamed Ould Ghazwani ne fait l’ombre d’aucun doute.

Il s’agit par un incroyable come back du président Mohamed Ould Abdel Aziz d’un 3ème mandat par personne interposée, suivi très probablement d’un 4ème et d’un 5ème mandat, enchainant ainsi succès après succès.

Il pourrait même, après son retour en vogue, s’autoproclamer : Président à vie.

Alors qu’il nous faut une renaissance de la démocratie débarrassée de ces puissants groupes civils et militaires qui se sont accaparés de tous les postes clés et s’efforcent continuellement d’orienter l’action des pouvoirs publics dans un sens qui leurs est favorable, cherchant uniquement à défendre leurs propres intérêts.

Mais, peut être ai-je tort de m’étonner ? Après tout, ce n’est pas la première fois qu’on prend du retard avant d’adopter chez-nous un exemple étranger convaincant.

Alors que partout ailleurs, dans les pays du tiers monde, le débat sur la limitation du rôle de l’armée dans la vie politique fait salle comble, il est surprenant que chez-nous on n’éprouve même pas le besoin de se concerter pour réfléchir en commun sur l’ingérence quasi permanente de l’armée dans la vie publique.

Pourtant, les sombres perspectives des prochaines élections présidentielles cette année en Algérie, du fait de la candidature imposée par l’armée algérienne de Bouteflika dont l’état de santé est tellement dégradé, qu’il n’arrive même plus à parler, devraient nous faire réfléchir quant à l’avenir de notre pays et de son armée.

De fait, beaucoup auront toujours intérêt au maintien du statuquo, quoiqu’il en coûte au pays dans son ensemble, comme c’est le cas chez notre grand voisin du Nord Est.

Malgré l’état de santé du Président Bouteflika, maintenu artificiellement en vie, l’armée algérienne poussée par une ambition folle tient à le faire représenter pour un 5ème mandat, malgré la crise politique, économique et sociale sans précédent qui secoue le pays, avec son cortège de manifestations grandioses, de grèves illimitées, et d’instabilité explosive.

Quant à nous, que Dieu nous en garde et nous préserve d’une telle situation aussi malsaine.

N.B : Aux dernières nouvelles, nous apprenons que Bouteflika renonce à briguer un 5eme mandat, sans pour autant renoncer au pouvoir. Les élections présidentielles en Algérie sont reportées sine die. Aucune date n’a été fixée. Ce qui est un leurre, et une supercherie.

Bouteflika et l’armée Algérienne obtiennent ainsi une rallonge du 4eme mandat pour régner encore pendant une durée indéterminée.

L’avenir reste chargé d’interrogations en Algérie. Il faut encore une conférence nationale et un referendum pour changer la constitution.

L’armée et le clan présidentiel auront tout le temps pour placer leur futur candidat  et assurer la continuité du système.

 Lehbib Ould Berdid

Diplômé d’études supérieures de l’ITB

Du Conservatoire National  des Arts et Métiers Français