En juin 2008, le colonel putschiste Felix Joseph Négri, le troisième mousquetaire, était le premier chef d’état-major de la Garde nationale à violer de façon flagrante, les textes de ce corps et à s’en vanter.
Quand il a pris service dans la deuxième semaine du mois de juin, il avait porté l’uniforme de la Garde, avec insignes et attributs du corps, comme l’ont fait tous ses prédécesseurs militaires. Une semaine après, de retour de la Présidence, il s’était débarrassé des épaulettes de la Garde pour les remplacer par ceux de l’Armée nationale.
Informé par un officier de ce geste, j’ai aussitôt demandé son audience, qu’il m’a accordée immédiatement. Constatant qu’il avait repris les galons de l’Armée nationale, je lui ai demandé pourquoi ? Il m’a répondu que ce matin à la présidence, le chef – il s’agit du 1er mousquetaire, le président du HCE – lui avait fait l’observation suivante : « Pourquoi tu portes les galons de la Garde alors que tu seras promu général le 1er juillet, dans une dizaine de jours? » J’en ai déduit, dit-il, qu’il voulait que je reprenne mes galons et c’est ce que j’ai fait.
Je lui ai répondu : « Je trouve que cette question du chef est vraiment absurde ! Mon colonel, pour vous conformer aux textes de cette institution que vous commandez, vous avez deux choix. Le premier c’est de respecter la tradition du corps, qui porte depuis sa création le 30 mai 1912 les galons de la coloniale – les troupes de marine française.
Quelques années avant l’indépendance, nous avions remplacé leur insigne, l’ancre de la marine, par une panthère, puis à l’indépendance nous avions remplacé la panthère par la tête d’un chameau blanc sur fond du drapeau national et au milieu des années 2000 un aigle irakien conçu par un baathiste nous avait été imposé.
Dans ce cas, vous pouvez demander à l’intendance de vous commander les galons du général de brigade des troupes de marine française. Le deuxième choix, c’est de commander des galons de général de brigade de l’Armée nationale sur fond bleu roi, la couleur de la Garde.
Dans tous les cas, vous devez garder les galons de colonel de la Garde jusqu’au 1er juillet en vertu de l’article 35 alinéa 2 du décret N° 2001/PG du 31 décembre 2001 relatif à l’uniforme et aux accessoires d’uniforme des personnels militaires de l’armée nationale qui stipule : « Le militaire porte les uniformes, insignes et attributs de son corps d’affectation ».
Pour toute réponse, le chef d’état-major me dit : « Pour nous les militaires, la loi, c’est le chef. » Pour faire plaisir à son chef, qui ne porte pas la Garde nationale dans son cœur et, par mépris pour ce corps séculaire, il avait gardé les galons de l’Armée durant ses huit années de commandement, jusqu’à sa retraite.
En sortant de son bureau, je m’étais rendu compte qu’il était utopique de demander à des officiers, qui prennent notre constitution pour une note de service qu’ils peuvent changer quand ils veulent, d’appliquer des actes réglementaires qui organisent un corps de troupe.
Depuis 2008, ce chef d’état-major avait réduit d’autorité, la permission annuelle du personnel à 30 jours au lieu de 45 jours comme dans les autres forces armées, conformément au décret portant statut de la Garde nationale. Ainsi pendant huit ans, le personnel de la Garde a été privé arbitrairement de quatre mois de son droit à permission, soit quatre mois de salaire, que l’Etat mauritanien doit nécessairement dédommager un jour.
Par note de service N° 3259/EMGN N° 332/ B1 du 21 février 2013, il avait imposé illégalement aux candidats au recrutement d’élèves gardes, une fourchette d’âge allant de 18 à 25 ans, en violation des dispositions de l’article 18 du décret 80 – 286 du 31-10-1980 portant statut de la Garde nationale qui stipule : « Le personnel de la Garde nationale est recruté parmi les candidats réunissant les conditions suivantes : Etre de nationalité mauritanienne ; Etre physiquement et mentalement apte au service armé ; Etre âgé de 20 ans au moins et 30 ans au plus ; Avoir une taille minimum de 1m 65 ; Jouir de ses droits civiques et être de bonne moralité ; Toutefois, la priorité de recrutement est accordée aux anciens militaires spécialistes. »
Pour lui, il faut se conformer obligatoirement aux règlements de l’Armée nationale, qui ne recrute que des jeunes civils, alors que la Garde nationale avait prévu de s’enrichir au recrutement de l’expérience d’anciens militaires, gendarmes ou policiers de bonne moralité, et c’est pour cette raison qu’elle a opté pour cette fourchette de 20 à 30 ans. La même note de service a introduit irrégulièrement une nouvelle condition de recrutement : Savoir lire et écrire l’arabe et/ou le français.
La loi ce n’est pas le chef
Pendant son commandement, Félix Joseph Négri, s’était emparé des prérogatives du ministre de l’Intérieur, en agissant par message, en matière de recrutement qui se faisait de plus en plus rare, et en matière de révocation du personnel, son sport favori, il avait renvoyé arbitrairement des centaines de gradés et gardes, de façon ciblée, et à sa convenance.
Plus tard, les ministres de l’intérieur régularisaient souvent avec enthousiasme, par arrêtés, toutes ses bavures sans oser prendre la peine de vérifier la régularité des textes, pourvu que ce soit le chef d’état-major qui le demande. Felix Joseph Négri avait aussi cédé d’autorité une importante partie du patrimoine foncier de la Garde nationale à Atar, à son corps d’origine sans consulter la tutelle pour laquelle il n’a d’ailleurs aucun respect.
Aujourd’hui c’est un autre général issu des rangs de la Garde nationale, et fils de Garde, qui dans un communiqué annonçant le recrutement d’une promotion d’élèves gardes pour le 13 et 14 février 2016, transgresse lui aussi les règlements en vigueur comme son prédécesseur.
Pour les conditions de recrutement, il a fixé une fourchette d’âge entre 18 et 27 ans alors que le statut fixe l’âge de 20 à 30 ans pour les nouvelles recrues, et a exigé un niveau scolaire de brevet d’études du premier cycle ou de l’une des classes du second cycle au minimum, alors qu’aucun niveau scolaire n’est prévu pour les élèves gardes par les textes en vigueur, et il a volontairement omis trois conditions statutaires.
Le niveau scolaire des gardes n’est évoqué que dans le cadre de leur avancement au grade de brigadier, en cas d’obtention des diplômes professionnels et techniques CAP2 ou du CT2, par l’article 30 du statut, dernier alinéa, qui stipule : « Cependant aucune condition d’ancienneté n’est exigée des gardes de 1er et 2ème échelon titulaires du brevet du 1er cycle ou d’un certificat de scolarité de l’une des classes du second cycle de l’enseignement secondaire pour le passage au grade de brigadier. ».
La constitution des dossiers de candidatures a été, elle aussi, modifiée et ne correspond plus à l’esprit et à la lettre de l’article 20 du statut de la Garde
Ce recrutement en cours à la Garde nationale se déroule donc en dehors des règles du droit et doit être repris pour se conformer à la loi, et permettre la participation de tous les jeunes citoyens ciblés par la loi et exclus par abus d’autorité.
Car ces abus de pouvoir, hérités des périodes d’exception, ne contribuent pas à l’émergence d’un Etat de droit et n’augurent pas de lendemains meilleurs. Si pour les militaires, la loi c’est le chef, pour les Gardes, la loi n’est pas le chef et le chef n’est pas la loi.
Pour les Gardes, la loi est une règle générale et impersonnelle qui s’applique à tous, sans discrimination aucune. Sans exception aucune. L’article 4 de la constitution stipule : « La loi est l’expression suprême de la volonté du peuple. Tous sont tenus de s’y soumettre ». L’état-major de la Garde doit absolument se conformer aux lois et règlements en vigueur dans cette République.
L’insoumission des forces armées et de sécurité
Les ministres civils de la Défense du pouvoir d’exception qui est toujours là, n’ont pas pu amener les chefs d’état-majors de l’Armée et de la Gendarmerie, à se soumettre à leur autorité. Les ministres civils de l’Intérieur du même système, n’ont pas, eux non plus, osé soumettre à leur autorité, le chef d’état-major de la Garde nationale et le directeur général de la Sûreté Nationale.
En effet, ces chefs de corps peu dociles, à cause de leur séjour aux différents comités militaires ou au HCE, organes hiérarchiquement supérieurs au gouvernement, ont tendance à considérer leurs ministres comme des subordonnés.
Ces ministres civils béni-oui-oui, plus préoccupés à se maintenir en place, et à garder coûte que coûte leurs avantages matériels, au détriment de leur autorité sur les différents corps, au mépris des lois et des règlements de la République, se sont accommodés de cette situation, où les rôles sont souvent inversés. Ce qui est incompatible avec l’existence d’un véritable Etat de droit, et qui a causé beaucoup de préjudices au bon fonctionnement de ces deux institutions.
Il faut signaler que ces ministres n’ont aucune ascendance sur ces puissants chefs de corps, dotés d’une autonomie financière et administrative, ainsi que d’une autonomie de commandement, qu’ils ne peuvent ni noter, ni contrôler, ni inspecter, ni contredire et qu’ils considèrent comme des alter ego du chef de l’Etat.
Au ministère de la Défense, annexe de l’état-major national, les civils sont indésirables. Depuis l’avènement du pouvoir d’exception, tous les postes à pourvoir, sans exception aucune, y compris celui du secrétaire général, sont occupés par des militaires désignés par le chef d’état major-national, un véritable détachement du Bataillon de Commandement et des Services, donc plus soumis à son autorité qu’à celle du ministre de la Défense. La nomination de ce dernier, seul civil parachuté à la tête de l’institution, comme pour amuser la galerie, est le plus souvent soumise à l’approbation, ou au choix du chef d’état-major national.
Tous les ministres civils qui ont occupé les portefeuilles de l’Intérieur et de la Défense, pendant la période d’exception, et particulièrement depuis le 12-12-84, sont responsables chacun en ce qui le concerne, de cette situation d’insubordination des forces armées vis-à-vis de leurs chefs hiérarchiques légitimes, à cause de leur insouciance et de leur désinvolture. L’insoumission des forces armées à l’autorité civile, discrédite l’élite politique, conforte les officiers putschistes et compromet sérieusement la construction d’un Etat de droit.
Si le chef d’état-major de la Garde veut changer les conditions de recrutement des élèves gardes, il lui suffit d’initier un projet de décret dans ce sens abrogeant les articles 18,19 et 20 du statut, qu’il soumettra, par voie hiérarchique, à la signature du premier ministre qui ne peut rien refuser à un général, au lieu de continuer à naviguer dans une zone de non droit.
Avant de dénoncer publiquement l’irrégularité de ce recrutement d’élèves gardes, j’avais cherché vainement à amener le chef d’état-major de la Garde nationale à se conformer au statut du corps, en commissionnant deux de ses proches, le premier est mon voisin, le colonel chef du troisième bureau qui m’avait promis d’informer l’intéressé.
Le second est le plus ancien et le plus fidèle de ses agents de renseignement, mon frère et ami le brillant lieutenant à la retraite Daouda Jibril Niang, major de notre promotion d’élèves officiers, rescapé du génocide de 1990 et l’une des plus grandes victimes du racisme d’Etat dans notre pays, transformé malheureusement, en négationniste par opportunisme et qui ne sait plus à quel drapeau se vouer, au point de considérer comme un exploit sa participation à la farce de Kaedi.