Parti du centre ville, l’immense foule est arrivée devant la mosquée « Ben Abass » aux environs de 18 h 30 minutes, avec des slogans du genre « nous exigeons une discrimination positive en faveur des Haratines ».
Fortement mobilisés, toutes les tendances du mouvement historique « El Hor »les partis politiques, les organisations de la société civile, les centrales syndicales, les personnalités indépendantes étaient là. Présence très remarquée aussi de l’Initiative du mouvement Abolitionniste (IRA), et de simples curieux.
Ce vaste monde célébrait ainsi le deuxième anniversaire de la publication du Manifeste pour les Droits Politiques, Economiques et Sociaux des Haratines (esclaves ou descendants d’esclaves) intervenu le 29 avril 2013.
Egalement présent, Ahmed Ould Daddah, leader du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), opposant historique, a fait l’objet de quelques huées. De mauvais gestes qui lui ont valu par la suite les excuses des organisateurs, qui ont attribué ces attaques personnelles condamnables à des « perturbateurs ».
Reste alors à identifier ces « parasites. Des excités issus d’une organisation extrémiste ? Ou juste quelques membres d’une cinquième colonne infiltrés et travaillant pour le compte des Renseignements Généraux (RG) ?
Au chapitre des faits inédits d’une après midi riche en renseignements et en enseignements, on a noté l’absence de Messaoud Ould Boulkheir, leader de l’Alliance Populaire Progressiste (APP), figure historique du mouvement nationaliste « Haratine » et actuel président du Conseil Economique et Social(CES).
Une « défection » pouvant faire l’objet de plusieurs explications. Une thèse fréquemment avancée et sur la base de laquelle ce tribun, bousculé par les jeunes loups depuis son « rapprochement » avec le système, ne vivrait plus qu’une rente de situation tirée de « sa légitimité historique ». Que dire de l’absence de Bodiel Ould Houmeid, président du parti El Wiam ?
Si non qu’elle découle d’une logique élémentaire et basique de la part d’un homme qui a « réglé » l’équation « Haratine » grâce à une position de « notable » embourgeoisé.
Discrimination positive
Le document au centre de la mobilisation de la semaine dernière, dénonçait « l’exclusion » et « la marginalisation » de la frange Haratine de tous les secteurs de la vie politique, économique et sociale (haute administration, diplomatie, milieux des affaires, forces armées et de sécurité…).
Pour corriger le mal, il proposait l’idée d’une révision des règles de partage du pouvoir à travers « une discrimination positive attribuant un quota minimum de 40% (de manière tacite ou solennelle) à la communauté Haratine : au niveau des institutions constitutionnelles, du gouvernement, des établissements publics, de tous les postes de hauts fonctionnaires de l’Etat, de l’administration centrale et territoriale, de la diplomatie, des projets de développement et des grands corps de l’Etat».
Une proposition de discrimination positive qui semble placer la barre très haut, dans un contexte socio politique marqué par la quasi-absence de l’application de toutes les lois pénales incriminant l’esclavage.
Une société traversée par de fortes divergences sémantiques dans la désignation d’un phénomène qualifié de « séquelles » par le discours officiel. Alors qu’il est dénoncé par des groupes stigmatisant une pratique massive, permanente et couverte par « la complicité » d’une bonne partie de la collectivité et des autorités.
Du coup, la législation et la feuille de route pour l’éradication deviennent des « gadgets » destinés à la consommation extérieure. Mais quelque soit le diagnostic fait, pratiques persistances ou séquelles de l’esclavage, son éradication complète et l’émancipation des Haratines requiert d’abord une action rigoureuse et convaincante pour briser la chaine.
C‘est-à-dire permettre aux fils des anciens esclaves d’avoir la possibilité et les moyens d’échapper au sort de leurs pères et ancêtres à travers la facilitation de leur accès à l’école républicaine, unique voie pour l’émancipation sociale.
Mahamed Mahmoud Ould Targui