Trois ans après, le clergé abdique
Il y a trois ans jour pour jour, le 27 avril 2012, par un vendredi saint, le leader abolitionniste et président de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste, Birame Dah Abeid et ses compagnons, brûlaient sur la voie publique dans le quartier périphérique de Riadh à Nouakchott, certains manuels de la jurisprudence malékites, considérés comme étant le socle religieux par lequel des générations d’esclaves ont été pendant plus de huit siècles, chosifiées, animalisées, opprimées et exploitées en dehors de toute dignité humaine.
Trois ans après, les érudits découvrent enfin que ces actes d’esclavage n’avaient rien d’islamique et violaient les règles de la religion d’Allah et de la Sunna du Prophète, alors que la machine judiciaire héritière de ce passé servile, envoyait pour deux années, les abolitionnistes qui avaient commencé à s’attaquer à une autre forme d’esclavage, celle liée aux terres de culture.
Malgré l’emprisonnement de ses leaders, le mouvement IRA compte doublement commémorer aujourd’hui, 27 avril 2015, la journée anniversaire de l’autodafé des manuels dits malékites. Un accueil triomphal sera ainsi organisé le matin par les militants d’IRA à la porte de la prison civile, pour saluer la sortie de Brahim Ould Jiddou, qui vient de purger une peine de 7 mois de prison pour avoir porté la contradiction à l’imam de la mosquée saoudienne qui s’attaquait lors d’un prêche à IRA et à ses leaders. S’en suivra une conférence de presse au cours de laquelle, les dirigeants du mouvement reviendront sur le combat antiesclavagiste mené par l’organisation depuis sa création en 2008.
Certes, cette année, ce jour-anniversaire sera assombri, selon les dirigeants rencontrés, par le maintien en prison du président de l’Initiative, Birame Dah Abeid, Prix 2013 des Nations Unies pour les droits de l’homme et ses deux compagnons, Brahim Bilal Ramadane et Djiby Sow, condamnés pour deux ans de prison à la suite d’une caravane contre l’esclavage foncier dans la Vallée. Retraçant le bilan accompli depuis leur entrée en scène dans le registre des droits de l’homme en Mauritanie, Hamady Lehbouss, conseiller du président d’IRA, considère qu’IRA a fait bouger les lignes d’une manière extraordinaires dans le domaine de la lutte contre l’esclavage, grâce à un engagement déterminé, un discours radical, des manifestations et sit-in pacifiques, des tournées régionales qui ont sillonné toute la Mauritanie pour sensibiliser les descendants d’esclaves sur leurs droits, avec plus de soixante cas d’esclavage avérés portés à l’attention des autorités.
Par son combat sans faiblesse mais aussi sans violence, Hamady souligne qu’IRA a porté la question de l’esclavage sur les fonds baptismaux et qu’il a secoué la suprastructure sociale et religieuse sur laquelle reposait l’institution de l’esclavage, d’où la contre-offensive violente et non mesurée que l’ensemble du système n’a cessé de mener contre eux, avec la conjugaison des efforts des forces tribales et religieuses soutenues par l’appareil d’Etat. Résultat, dira-t-il en substance, aucune organisation des droits de l’homme n’a subi ces dernières années, une répression aussi brutale qu’IRA, dont le président, les principaux dirigeants et les militants, sont régulièrement interpellés, emprisonnés, battus et torturés. Sur le plan national et malgré les campagnes de dénigrement et de diabolisation par cadres Haratines interposées dépêchées par les pouvoirs féodaux, IRA a vue d’année en année son audience augmenter. En juin 2014, et sans le soutien d’aucune structure politique organisée, le candidat indépendant à l’élection présidentielle Birame Dah Abeid, viendra deuxième juste après le président Mohamed Abdel Aziz soutenu par toute l’administration publique, les érudits et les tribus. Il battait dans la course deux leaders de formation politique connus.
IRA s’est également investie dans le Passif humanitaire, ce qui lui vaudra une audience de plus en plus grande au sein de la jeunesse négro-africaine, mécontent de leurs leaders politiques.
Ils salueront le courage de Birame Dah Abeid, le premier à avoir ouvert le chemin du pèlerinage à Inal, lieu où furent exécutés des centaines de soldats négro-africains entre 1991 et 1992. Il ouvrira également le chemin vers d’autres charniers, comme Sori Malé et Wothié.
Mais après la vague d’indignation et d’appels au meurtre contre les dirigeants et militants d’IRA après l’autodafé des ouvrages dits malékites, soutenus par une force campagne médiatique, le mouvement considère aujourd’hui avoir poussé l’institution religieuse et l’Etat mauritanien à mettre masquebas.
L’Association des Ulémas de Mauritanie vient de publier une Fatwa considérant l’esclavage comme acte interdit et illégal. Le Cheikh Deddew, une autorité religieuse bien écoutée, est parti plus loin, en déclarant que l’esclavage pratiqué depuis huit siècles en Mauritanie était contraire à l’Islam. Un désaveu contre toute l’exégèse religieuse sur l’esclavage, pourtant considérée jusque-là comme sacrée. Une victoire éclatante qu’IRA vient de remporter contre l’institution religieuse après avoir vaincu l’Etat mauritanien et les forces sociales contre leur déni de l’esclavage. La feuille de route en 29 points adoptés sous l’égide du Rapporteur des Nations Unies contre toute forme d’esclavage contemporain, en serait l’illustre exemple. Cela, sans compter l’impressionnant arsenal juridique mis en place et renforcé chaque année, les centaines d’ateliers, séminaires, émissions radiotélévisées, rapports, sorties officielles, consacrées ces dernières années à la question de l’esclavage sous le coup de boutoir du mouvement IRA, la seule organisation qui inquiète réellement le pouvoir mauritanien, grâce à un dynamisme sans précédent sur le plan de la diplomatie internationale des droits de l’homme. En effet, le leader antiesclavagiste, Birame Dah Abeid, a forcé les portes des plus prestigieuses institutions au monde, les salles de conférence de Genève, le Parlement européen et les parlements des pays qui forment l’ensemble, notamment le parlement français, la tribune des Nations Unies, le Congress américain, etc. Honoré par les villes de Weimar, Dublin, Bruxelles, Philadelphie, l’aura d’IRA a dépassé les frontières mauritaniennes pour s’imposer comme une force reconnue par les pays libres à travers le monde.
JOB
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