Affaire de viol à Adel Bagrou, un dossier complètement dévoyé

Affaire de viol à Adel Bagrou, un dossier complètement dévoyéAprès l’affaire de Twil qui avait défrayé la chronique, à cause de sa gravité, un commandant de brigade de gendarmerie accusé de viol et de grossesse sur une file de 12 ans, le cas d’Adel Bagrou a été hissé au summum de l’horreur, car évoquant le viol d’une fillette de 5 ans, alors qu’il s’agit d’une fille majeure. Ce qui lui enlève ainsi toute l’ampleur que certains ont voulu lui donner. En effet, le cas de la fille, Anna Barra, à Adel Bagrou au Hodh Echarghi à la mi-mai 2020, est passé presqu’inaperçu. Deux autres affaires l’avaient couvert, celui de Twil au Hodh Gharbi et celui de Bassiknou survenu dans la même semaine.

En fait, le cas d’Adel Bagrou s’est finalement révélé différent de ce que la presse avait colporté, car peut-on aujourd’hui parler de viol. Il s’agit d’une « affaire de grossesse dont la victime est officiellement une fille majeure, car sa pièce d’identité indique qu’elle est née en 1999, donc âgée de 21 ans » selon un activiste du mouvement IRA.

Selon lui, « l’âge de la fille semble avoir été gonflé comme il arrive souvent dans ses contrées de l’intérieur, où les âges des enfants sont manipulés pour leur permettre de voter, car son âge tranche avec son physique ». Certains de ses proches ne lui donnent pas plus de 15 ans.

Seulement, officiellement, la fille est majeure et si l’affaire devait être jugé selon la loi islamique, elle encoure la prison comme son présumé auteur, pour Zina (adultère), en l’absence de preuves de viol ou de relations non consenties.

L’affaire de Anna Barra a éclaté le 20 mai 2020, lorsque sa maman découvrit qu’elle était en état de deux mois de grossesse. La fille accuse alors le fils d’une féodalité maraboutique de la région dont la famille jouit d’une certaine aura. Ce dernier serait son marabout traitant et l’auteur du forfait.

Le dossier est depuis ce mardi 26 mai 2020 sur la table du Procureur de la République à Néma, la capitale régionale, là où tous les protagonistes se sont rendus.

Ainsi, selon les informations distillées par les proches de la victime, le présumé coupable aurait avoué les termes de l’accusation. Seulement, le poids des traditions dans une région où les pesanteurs socioculturelles sont encore vivaces, expliquerait les craintes formulées par les proches de la victime et le mouvement IRA engagé dans ce dossier, qui parlent déjà de « manœuvres souterraines pour étouffer l’affaire et déjouer les cours des procédures afin de faire éviter la prison au présumé coupable ».

Tenant mordicus à faire prévaloir l’acte de viol commis sur Anna Barra comme argument juridique contre le présumé auteur, les activistes des droits de l’homme évoquent des pourparlers qui seraient en cours entre les notabilités dont est issu le présumé coupable et les proches de la victime en vue d’un règlement à l’amiable du dossier.

Mais les observateurs estiment que même si, sous couvert de relations pluriséculaires entres les parents de la victime et les proches du présumé auteur, un arrangement pourrait en découler en vue du retrait de la plainte et à l’extinction de l’aspect civile du dossier, il restera l’aspect pénal sur lequel les ONG des droits de l’homme pourraient peser pour que le présumé coupable de l’acte de viol ne puisse échapper à la condamnation.

Il faut noter que tous ces viols et crimes perpétrés contre de petites filles issues pour la plupart de classes serviles, celle des Harratines, sont intervenus dans un contexte marqué par un grand débat sur la Loi sur les violences faites aux femmes et aux filles. Alors que les ONG de défense des droits de l’homme plaident pour l’adoption de ce texte protecteur du droit de la femme en Mauritanie, une bonne partie de la classe conservatrice, dont certains religieux radicaux, a déjà entamé une campagne de dénigrement pour faire capoter l’adoption d’une telle loi.

Le Covid-19 n’a pas non plus facilité la vulgarisation de toutes ces affaires de viol, notamment celui d’Adel Bagrou dont les activistes cherchent à lui coller une telle connotation. L’interdiction des rassemblements, des sit-in et des marches de protestations, les restrictions de voyages, auraient ainsi empêché la mobilité des défenseurs des droits de l’homme et partant, les mouvements de protestation populaire qui auraient pu donner une plus grande envergure à ces différents crimes.

Cheikh Aïdara

Source : L’Authentique (Mauritanie)