Le pouvoir politique en Mauritanie (Suite)

I. Eux… le pays, le peuple, la Mauritanie

2° les militaires : les présidents successifs de leurs comités à la tête de l’Etat

1978. 2007  … suite

Bertrand Fessard de Foucault, alias Ould Kaïge, souhaite vivement correspondre le plus précisément possible aux questions, interrogations, curiosités, contestations des lecteurs de cette rétrospective d’histoire contemporaine. Voulez-vous bien les exprimer au journal ou directement : b.fdef@wanadoo.fr

 

 

Le lieutenant-colonel Ahmed Ould Bouceif n’est à la tête du pays que six semaines (1), mais n’ayant pas participé au putsch et chargé de responsabilités économiques au nouveau gouvernement, il incarne les besoins psychologiques des militaires – un chef – et leurs perplexités, sinon leurs désaccords à propos du Sahara et de la guerre.   Egalement en arrière de la main, un autre non-putschiste, Ahmed Salem Ould Sidi. On lui a prêté plusieurs orientations, libérer le président Moktar Ould Daddah, ne pas céder sur le Maroc. A-t-il été tué ou l’accident de son avion, à l’approche de Dakar, en est-il vraiment un ? Son successeur (Mohamed Khouna Ould Haïdalla) le soutient, mais Ahmed Salem Ould Sidi avait été dissuadé par le seul aviateur du comité : le lieutenant-colonel Mohamed Ould Bah Abdel Kader, de s’embarquer… Hors le témoignage enregistré d’Abdallahi Ould Bah selon beaucoup de coïncidences et aussi de relations communes (2), il n’a pas de biographie (3). C’est avec ce héros de la guerre saharienne qu’il réfléchit et arrête la position du pays pour y mettre fin. Il est davantage considéré comme un civil quoiqu’il ait été le chef d’état-major national de Mars à Juillet 1977. Ce qu’il apporte à l’esquisse du régime militaire, c’est la fonction de Premier ministre, et donc un certain bicéphalisme, quoique recevant celle-ci, le pouvoir est à lui. Mais le système est peu viable puisque le principe de collégialité au sein du Comité militaire, en reste le ciment. Lui non plus ne parvient pas à s’imposer quoiqu’il l’ait voulu.

 

Le lieutenant-colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, est le premier à tenir la barre et durablement. Lui aussi a été l’aide-de-camp du père fondateur. Lui aussi le respecte et le visite à deux reprises à Oualata, s’entretenant encore avec lui à son départ pour la France et donc en exil. Il a succédé, le 20 Juillet 1978, à Moustapha Ould Mohamed Saleck en tant que chef d’état major national. C’est un soldat, pas un homme d’état-major ni de « société civile » et pourtant, aujourd’hui, il est le seul des putschistes de toutes époques, à résider encore au pays, et son exercice du pouvoir a marqué, même si sa biographie manque (4). Mohamed Khouna Ould Haidalla est le premier des putschistes à décider positivement en tous domaines : ses cinq ans à la tête du pays sont donc très denses (5). L’abandon de la Tiris El Gharbia certes et dans des conditions et selon un processus qu’il n’a pas inspirés, marqués par les prises d’otages à Techla, ouvre un cycle de relations belligènes avec le Maroc qui prend possession de l’ancien territoire espagnol et menace souvent le nord-ouest du pays au prétexte que le Polisario a désormais ses bases en Mauritanie. Son régime est très évolutif, un gouvernement civil est tenté, un ordre constitutionnel se cherche en textes et en projet de referendum, la fonction de Premier ministre d’abord confiée à un civil, Bneijara, la personnalité sans doute la plus opérante auprès des futurs putschistes, puis à un militaire, déjà Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, tantôt à ce poste, tantôt à la tête de l’état-major national, est décisif. C’est surtout un pouvoir constamment menacé et soupçonneux, tentatives supposées ou réels de coup d’État, mise en minorité du président du comité militaire par ses pairs. Le sang coule. Mais Mohamed Khouna Ould Haïdalla, le plus saharien des successifs présidents civils ou militaires de la Mauritanie : il est né près de Nouadhibou et, à son renversement, a failli décider de rejoindre le Polisario au lieu de rentrer à Nouakchott… ce qui eut dramatiquement divisé le pays, est surtout celui qui légifère explicitement pour éradiquer les pratiques esclavagistes. Il est également le plus radical pour une mise en œuvre générale de la charia avec un droit exclusif et des instances juridictionnelles, mais aussi des exécutions selon celle-ci. Il incarne une Mauritanie rigoureuse, guerrière, chamelière qui ne craint pas la violence, mais il ne peut conclure qu’en étant victime de son propre système : il a épuisé la collégialité des comités militaires et a inauguré la pratique d’un accaparement du pouvoir politique, sous lequel plie le militaire, la guerre est finie, les dictatures commencent.

À suivre…

Bertrand Fessard de Foucault,
Alias Ould Kaïge

 

Notes :

(1)- chronologie de la période Ahmed Ould Bouceif

6 Avril 1979  un « Comité militaire de salut national » (C.M. S. N.) reprochant à Saleck son « indécision » et son « manque d’autorité », se substitue au « Comité militaire de redressement national » :
– Le lieutenant colonel Ahmed Ould Bouceif, Premier ministre (Haïdalla contribue à sa nomination) ; Ahmedou Ould Abdallah, chef d’état-major: retour à la collégialité
– les lieutenant-colonels Mohamed Khouna Ould Haïdalla à la Défense et Mohamed Ould Bah Ould Abdelkader chargé de la permanence du C.M.S.N.
– le colonel Mustapha Ould Mohamed Saleck reste « Chef de l’Etat »

9 Avril 1979 : le président Senghor à Nouakchott pour « une brève visite de travail »

10 Avril 1979 : Mustapha Ould Mohamed Saleck pose la première pierre du port en eau profonde réalisé et financé par la Chine (100 Mons dollars, ouvrage en 5 ans : passerelle de 732 m, quai de 585 m, jetée protectrice de 810 mètres ; trafic de 500.000 tonnes/an)

11 Avril 1979 : nouvelle Charte des militaires : celle du  C.M.S.N. marquant le retour à la collégialité : .le président du C.M.S.N. est Chef de l’Etat et chef suprême des armées, mais pas de décision ni de nomination sans accord du C.M.S.N.
– le Premier ministre « conduit la politique intérieure et extérieure du pays, conformément aux orientations et aux options du C.M.S.N.. Le chef du gouvernement ne peut cumuler plus de sept jours ses fonctions avec celles du Chef de l’Etat »

13 Avril 1979 : exposé d’Ahmed Ould Bouceif de la position mauritanienne : soutien des résolutions des Nations unies, autodétermination, pas de remise en cause de l’alliance avec le Maroc ; prêt à recevoir une délégation algérienne

14 Avril 1979 : le Polisario fait du retrait des « troupes d’occupation » un préalable à la négociation

16 Avril 1979 : la Mauritanie se déclare prête « en accord avec le Maroc à entamer des pourparlers officiels avec l’Algérie et le Front Polisario pour parvenir à un règlement négocié du conflit du Sahara occidental »

18 Avril 1979 : document secret interne sur la paix au Sahara. Bouceif et Abdel Kader : la paix au Sahara ne peut être que « globale »

24 Avril 1979 : le Polisario détruit la station n° 2 du tapis convoyeur de phosphates de Bou Craa

28-29 Avril 1979 : à Nouakchott, le Premier ministre Ahmed Ould Bouceif ouvre le 2ème Conseil des ministres de « l’accord de non agression et d’assistance en matière de défense » (ANAD créé en 1977 à Abidjan) ; il est suivi du conseil des ministres de la C.E.A.O.

1er-5 Mai 1979 : navette du sous-comité de l’OUA sur le Sahara : les présidents Obasanjo et Traoré du Nigéria et du Mali en compagnie de Edem Kodjo, secrétaire général de l’O.U.A. à Nouakchott le 1er, à Alger les 3 et 4, à Fès les 4 et 5 Mai

2 Mai 1979 : visite de travail au Maroc d’Ahmed Ould Bouceif

3- 4 Mai 1979 : Ahmed Ould Bouceif, à Paris ; il est accompagné du ministre des Affaires étrangères Ahmedou Ould Abdallah

5 Mai 1979 : Ahmed Ould Bouceif rentre de Paris via l’Espagne, puis Fès : pas de cession pure et simple de la partie mauritanienne du Sahara occidental, au préalable l’auto-détermination

7 Mai 1979 : éditorial de Chaab sur le referendum au Sahara

28 Mai 1979 : Ahmed Ould Bouceif tué en accident d’avion au-dessus du Sénégal ; le lieutenant-colonel Ahmed Salem Ould Sidi assure l’intérim du Premier ministre

 

(2)- témoignage d’Abdallahi Ould Bah, après-midi du dimanche 22 Juillet 2001 – conversation avec Ould Kaïge

             Alors, portrait de BOUCEÏF ? Oui, un type extraordinairement gentil. C’est un civil, d’origine. Il a gardé une mentalité de civil ! très paresseux. Quand il partait pour visiter les régions militaires, il partait avec son griot. Quand il descendait de l’avion, il chantait …  il oubliait tout, il ne se souvient de rien. Je l’appelle, je lui donne un ordre : fais ceci ! le lendemain, je l’appelle : est-ce que c’est fait ? Qu’est-ce qui est fait ? Ce que je t’ai dit hier ! Qu’est-ce que vous m’avez dit, monsieur le ministre ? Je vous ai dit ceci. Ah, il me dit : certainement que c’est fait, j’ai répercuté çà. Est-ce que tu as vérifié ? Non, je n’ai pas vérifié. Il fait deux minutes, il m’appelle : non, ce n’est pas fait ! C’est un type qui n’est pas mauvais, mais il n’est pas organisateur, c’est un dépensier, c’est un type assez gentil quand même, il n’est pas faux. Il n’est pas faux. Alors, comment est-ce qu’il arrive à faire un coup de force  contre SALECK… celui qui les a poussés tous, c’est LOULI, c’est LOULI qui a dit à Ahmed Salem d’ailleurs de rester un pas en retrait, par rapport à cette démarche. Ahmed Salem Ould SIDI. La famille émirale.

BOUCEÏF aurait rétabli le Président Moktar ou que se serait-il passé ? D’après ce que j’ai appris, BOUCEÏF lui-même n’était pas mécontent de le faire, mais BOUCEÏF n’avait rien entre les mains, ce sont les officiers qui étaient avec lui, et très tôt sa famille, comme c’est une famille guerrière, une grande famille, lui ont dit que les honneurs, quelqu’un qui les abandonne, il est f… à jamais. Donc, il n’aurait pas abdiqué pour Moktar ! Il n’aurait pas abdiqué. Moi, celui que je pensais qu’il aurait abdiqué pour Moktar, c’est celui-là… je ne le connaissais pas… c’est Maaouya… après, je l’ai connu ! Il est très loin de çà.

            On l’a tué, ils l’ont tué. Cà me paraît être capital. On m’a dit que l’avion à peine avait-il « crashé », que tout le monde était mort et avant que les experts viennent, et il aurait pu y avoir des experts français, puisque c’était proche de Dakar… l’avion avait déjà disparu, donc il n’y a eu aucune expertise de l’avion. Donc on ne sait pas… Je crois que quelques mois après, ils ont trouvé quelques corps, ils ont trouvé l’avion au fond de l’eau. L’avion a coulé. Il a coulé, il y en a qui ont dit qu’il a touché l’eau. Des gens m’ont dit que c’est un coup monté, que même le Polisario… si KADER était vivant, il vous aurait éclairé un peu, parce qu’on m’a dit que lui…KADER a été fusillé, c’était un aviateur ? Oui, c’est un aviateur, il a été sur les lieux, et moi je l’ai vu par hasard dans la rue, avant son départ, il était complètement déboussolé, il y avait quelque chose de… non ! KADER m’a dit, je crois, vous devez : contactez Ahmed Salem pour lui dire de ne pas aller à Dakar. L’avion était… il y avait quelque chose là-dessous.

 

(3)      Wikipédia à jour au 4 Juin 2019 et quelques dépêches diplomatiques, dont celles de l’ambassade de France en Mauritanie : n° 50 DA/DAM, le 11 Avril 1979 – Objet : Institution d’un Comité Militaire de Salut National & n° 84 DA/DAM, le 5 Juin 1979 – Objet : Des difficultés de l’exercice du pouvoir entre le 6 Avril et le 27 Mai 1979 – Les 52 jours du Lieutenant-colonel BOUSSEIF , publiées par le Calame le 18 Août dernier

 

(4)      Wikipédia à jour au 2 Août 2019 et nos entretiens des jeudi 1er et lundi 5 Décembre 2005, publiés par le Calame les 26 juillet et 16 Août 2011

 

(5)      Chronologie de la période de Mohamed Khouna Ould Haidalla

28 Mai 1979 : Ahmed Ould Bouceif tué en accident d’avion au-dessus du Sénégal ; le lieutenant-colonel Ahmed Salem Ould Sidi assure l’intérim du Premier ministre

31 Mai 1979 : Mohamed Khouna Ould Haïdalla, Premier ministre3 Juin 1979  Le lieutenant-colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla forme le gouvernement ; le lieutenant-colonel Mohamed Mahmoud Ould Louly succède comme « chef de l’Etat » au colonel Mustapha Ould Mohamed Saleck, qui « démissionnaire » est écarté du pouvoir

17 Juin 1979 : le lieutenant-colonel Mohamed Ould Bah Abdel Kader, seul militaire mauritanien deux fois cité à l’ordre de la nation pour faits de guerre contre le Polisario, démissionne du CMSN suite à un différend avec Haïdalla, Premier ministre sur la manière de faire la paix au Sahara

7 Juillet 1979 : loi se rapportant aux fêtes officielles : institution du 10-Juillet

12 Juillet 1979 : rupture unilatérale du cessez-le-feu : attaque du Polisario contre Tichla, 61 prisonniers mauritaniens

3 Août 1979 : reprise à Alger de la négociation Mauritanie-Polisario (« mettre au point les modalités pratiques de restitution de la partie du Sahara occidental occupée par la Mauritanie à son titulaire légitime, le peuple sahraoui ») : les colonels Ahmed Salem Ould Sidi membre du C.M.S.N.et ministre chargé de la permanence du C.M.S.N. et Ahmed Ould Abdallah chef d’état-major national
– allocution d’Hassan II, en conférence religieuse à la mosquée de Mechouar ; il rappelle les accords frontaliers d’Avril 1976 et militaire de Mai 1977

5 Août 1979 ; accord de « paix définitive » Mauritanie/ Polisario signé à Alger par Ahmed Salem Ould Sidi et Bachir Mustapha Sayed pour la « RASD » , en présence de quatre ministres algériens : la Mauritanie abandonne la Tiris El Gharbia
– la Mauritanie conserve l’administration provisoire du Tiris El Gharbia jusqu’à ce que son statut juridique soit défini
– clause secrète : évacuation du Tiris el Gharbia dans les sept mois (au 5 Mars 1980)
– pas de reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique

9 Août 1979 : le Maroc décide de retirer ses troupes stationnées dans la région de Zouerate (4000 hommes)

10 Août 1979 : mission du Premier ministre Mohamed Khouna Ould Haïdalla à Rabat : situation après l’accord de paix ; « le Maroc et la Mauritanie s’engagent à ne rien faire qui puisse porter atteinte à la sécurité réciproque de leurs deux pays »

11 Août 1979 :  colonne Polisario de « 3000 hommes » contre Bir Anzaran, près de la frontière mauritanienne
– le Maroc prend le contrôle de la zone mauritanienne du Sahara occidental, occupe par la force Dakhla et rebaptise le Tiris-el-Gharbia en Oued Ed-Dahab(traduction littérale de Rio de Oro)
– la Mauritanie demande au Maroc de retirer ses troupes de Mauritanie
– à Rabat, en même temps, . le Premier ministre Haïdalla s’entretient avec le roi Hassan II. Le lieutenant colonel Abdel Kader, ancien membre du CMSN, annonce la création d’un comité d’ « officiers libres » opposés à l’accord d’Alger

10-12 Septembre 1979 : les troupes marocaines se retirent de Mauritanie, sauf de Bir Oum Ghrein (1000 hommes)

2-4 Octobre 1979 : évacuation sur la France de Moktar Ould Daddah pour raisons de santé

7 décembre 1979 : réouverture de l’ambassade d’Algérie à Nouakchott

4 Janvier 1980 : ouvrant une session plénière de dix jours, le CMSN procède à « d’importants changements afin d’adapter sa structure politique aux tâches importantes de redressement national, à la consolidation de paix »
= attribue à Haïdalla déjà chef du gouvernement, les fonctions de chef de l’Etat et de président du CMSN ; sont évincés lieutenant colonel Cheikh Ould Boide, commandant Thiam El Hadj, lieutenant colonel Mohamed Mahmoud Ould Ahmed Louly, lieutenant colonel Ahmed Salem Ould Sidi (2ème vice-président et chargé de la permanence) : « se débarrasser de tous ceux qui n’œuvrent pas avec engagement et détermination à la tâche de redressement national » ; le lieutenant de vaisseau Dahane Ould Ahmed Mahmoud chargé de la permanence

11 Janvier 1980 : publication de la nouvelle charte constitutionnelle : fin du bicéphalisme

7 Mars 1980 : le conseil des ministres crée une cour spéciale de droit islamique : « les crimes commis contre les personnes et leurs biens, conformément à la législation islamique » ; application de la Charia, main coupée, décapitation ; les jugements sont rendus au nom d’Allah, donc inaltérables

11 Avril 1980 : remaniement du CMSN et du gouvernement
– éviction de Moulaye Ould Boukreiss (considéré comme proche du Polisario), remplacé par commandant Cheikh Sidi Ahmed Ould Babamine (précédemment cdt région militaire de Zouerate, depuis 4 janvier 1980) devient membre de droit du CMSN
– lieutenant-colonel Ahmedou Ould Abdallah remplacé en tant que chef de l’état-major par Maaouya Ould Sid Ahmed Taya, jusque là commandant de la gendarmerie nationale (à qui succède le Cdt Yall Abdoulaye)

14 Avril 1980 : la Mauritanie réclame à la France le retour de Moktar Ould Daddah et se fait dire que « la France n’est pas une annexe des prisons mauritaniennes »

mi-avril 1980 : rumeur de cession du Tiris El Gharbia au Front Polisario, qui serait ensuite invité à se fédérer avec la Mauritanie

28 Avril 1980 : déjà en instance de départ à l’aéroport de Nouakchott, Haïdalla annule au dernier moment sa participation au premier sommet économique de l’OUA qui doit commencer le jour-même à Lagos ; arrestations Mohameden Ould Babah, Abdoulaye Baro, Abdallahi Ould Ismaïl, Sidi Ould Cheikh Abdallahi et d’Ahmedou Ould Abdallah, ancien MAE et cousin de l‘ancien chef d’état-major ; garde militaire des principaux axes de Nouakchott ; renforcement résidence surveillée Hamdi Ould Mouknass et Ahmed Ould Daddah

Mai 1980 : création d’une Commission nationale du Volontariat

22 Mai 1980 : création à Paris et dans plusieurs capitales africaines de l’Alliance pour une Mauritanie démocratique ; elle est rejointe le lendemain par le colonel Ahmed Salem Ould Sidi, signataire de l’accord de paix avec le Polisario, le 5 Août 1979 (il traverse le Sénégal à la nage) ; co-fondateur : le colonel Abdel Kader résidant à Rabat ; pdt. Mohamed Ould Jiddou, ancien ambassadeur, ancien directeur du cabinet du président de l’Assemblée nationale – conférence de presse à Paris : « si le régime actuel, issu du coup d’Etat anticonstitutionnel du 10 juillet 1978, ne cède pas la place à un gouvernement civil et démocratique, les populations mauritaniennes se révolteront. Car la seule voie de salut actuellement pour notre pays, c’est le retour des militaires dans leurs casernes »

29 Mai 1980 : à Paris, l’AMD annonce le ralliement du lieutenant colonel Ahmed Salem Ould Sidi qui avait quitté la Mauritanie clandestinement la veille

20 Juin 1980 : CMSN décide remaniement des structures administratives, sociales, judiciaires et économiques du pays
– action sociale plus rationnelle, élaboration d’un Code mauritanien de justice basé sur la Cheriaa
– la permanence du CMSN chargée de « canaliser toutes les forces vives du pays disposées à soutenir le pouvoir militaire »
– Mouvement national du volontariat « devra être le creuset où viendront se fondre toutes les énergies désireuses de bâtir une Mauritanie libre et prospère »

5 Juillet 1980 : réunion plénière du CMSN « après un débat approfondi autour de l’ensemble des aspects de cette question » : abolition de l’esclavage (prise de conscience à la suite de la vente aux enchères publiques d’une esclave noire au marché d’Atar en Mars)

25 Juillet 1980 : bombardement marocain depuis l’autre côté de la frontière sur campements de nomades autour de Birguendouz

19 Septembre 1980 : première application de la Charia en présence de milliers de personnes : trois mains coupées (Boubou Sow, Mohamed Ould Blal, Mourali Sikosso), un fusillé (Sidi Ould Matalla, pour le meurtre d’un collègue de travail dont il convoitait la femme)

18-20 Novembre 1980 : Cour spéciale de justice à Rosso (organisée par la loi du 14 Septembre 1973) condamne par contumace
– Moktar Ould Daddah aux travaux forcés à perpétuité pour haute trahison, violation de la Constitution et atteinte aux intérêts économiques de la nation (art. 77, 83, 84, 112 & 171 du Code pénal)
– colonel Mohamed Ould Abdel Kader à mort pour abandon de poste et désertion (art. 32 L 62-165 19 Juillet 1962 sur justice militaire et art. 18 L. 62-132 sur recrutement des forces armées), pour trahison et intelligence avec une puissance étrangère pour attaquer le pays (art. 67 Code pénal), pour création d’un Front des officiers libres

19 décembre 1980 : CMSN : publication d’un projet de Constitution (un préambule, 11 titres et 66 articles) prévoyant le multipartisme et destiné à être soumis au referendum à une date non déterminée, après un débat national
– « République islamique, parlementaire, indivisible, démocratique et sociale »
– président élu pour six ans au suffrage universel, rééligible une seule fois : peut dissoudre l’Assemblée sur avis favorable du Conseil constitutionnel
– Assemblée nationale élue pour 4 ans
– Premier ministre exerce le pouvoir exécutif, nomme et révoque les ministres ; nommé parmi membres du parti ou de la coalition majoritaire à l’Assemblée ; nomination effective quand son programme a été approuvée par l’Assemblée ; pouvoirs de crise à la française après avis favorable du président de la République et du Conseil constitutionnel
– multipartisme, proscription du parti unique
– langue officielle l ’arabe
– conseil constitutionnel pour régularité du referendum et des élections : cinq membres désignés pour dix ans par le PR après approbation par l’Assemblée à la majorité des trois quarts

16 Mars 1981 : tentative manquée de coup d’Etat, les lieutenants-colonels Mohamed Ould Ba Abdelkader et Ahmed Salem Ould Sidi (anciens membres du CMSN et n’ayant pas participé au coup d’Etat du 10 Juillet 1978), arrivés en land-rovers du Sénégal ; Ahmed Salem Ould Sidi avait investi la radio pour annoncer la constitution d’un Comité provisoire de salut public et appelé le Maroc à fournir une aide aérienne, et Mohamed Ould Ba Abdelkader la présidence de la République croyant trouver réuni sous la présidence d’Haïdalla tout le CMSN
– de neuf à dix heures, violents combats à l’état-major, puis à la radio, enfin à la présidence de la République et au siège du gouvernement ; le chef d’état-major Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya est pris en otage ;

24 Mars 1981 : attaque sahraouie depuis le territoire mauritanien contre Guelta Zemmour (90 kms à l’ouest de Bir Moghrein) : 3.000 hommes

25 Mars 1981 : à Paris, l’AMD lance un « appel humanitaire » et à une « amnistie globale » « ceci pour permettre à tous les Mauritaniens de s’unir pour le développement de notre pays, au-dessus des problèmes et des querelles individuels »
* démenti du min. AE que le territoire mauritanien ait jamais servi de passage au Polisario
* Haïdalla rejette les recours en grâce

20-21 Avril 1981 : Kadhafi à Nouakchott : trois entretiens avec Haïdalla sur le Sahara ; proposition libyenne d’une union Mauritanie-République sahraouie ; « pacte révolutionnaire » entre la Libye, la RASD, l’Algérie et la Mauritanie
* réunion parallèle et à leur insu de certains membres du CMSN hostiles à toute union avec le Polisario pour ne pas compromettre la neutralité mauritanienne et à tout pacte de défense pour ne pas heurter les voisins (Maaouyia Ould Sid Ahmed Taya chef d’état-major, son adjoint Cabriel Cymper, Sidina Ould Sidya chef de l’aviation, lieutenant colonel Yall Abdoulaye commandant la gendarmerie, capitaine Sid Ahmed Lekhal commandant la place de Nouakchott)
* les officiers hostiles font part aux deux chefs d’Etat de leur refus
* pas de communiqué au départ de Kadhafi (mardi)

25 Avril 1981 : communiqué du CMSN : « a mis fin au mandat du gouvernement civil pour mener lui-même le pays vers la démocratie. L‘exécutif est confié au lieutenant-colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla, chef de l’Etat. Il est assisté dans cette tâche par un  gouvernement dirigé par le lieutenant-colonel Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya et comprenant cinq militaires » pour éviter « au pays les écueils de la déstabilisation et les embuches des forces hégémonistes »
– « L’administration s’obstine à ne pas s’adapter aux orientations pourtant claires du comité »
* remaniement ministériel : le gouvernement est censé composé de nationalistes attachés à la neutralité dans le conflit du Sahara ; 14 membres dont 5 militaires Premier ministre compris – plusieurs avaient été inculpés de complicité dans la tentative du 16 Mars
– lieutenant colonel Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, Premier ministre en remplacement de Sid Ahmed Ould Bneijara (nommé ministre conseiller auprès du chef de l’Etat) ; prend également le portefeuille de la Défense
– commandant Cimper Gabriel devient ministre Intérieur
– lieutenant de vaisseau Dahane Ould Ahmed Mahmoud, secrétaire permanent du CMSN ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, succédant à Mohamed El Moktar Ould Zamel, favorable à l’union avec le Polisario ; ancien collaborateur de MoD, Mohamed Ould Sidi Ali, vice ministre

27 Avril 1981 : communiqué d’Haïdalla : « des directives précises en vue d’une remise en marche totale et immédiate de tous les secteurs de l’administration et d’une redynamisation de l’ensemble des rouages de l’Etat » – « sa ferme volonté de faire appliquer sans détours ni complaisance le programme de redressement et d’assainissement du pays adopté par le Comité militaire en Octobre 1979 »

Taya renchérit : opérer des changements rapides et radicaux dans l’appareil administratif caractérisé par « la lenteur, le manque de motivation, la corruption et le laisser-aller »

28 Juin 1981 : à Taef, le roi Khaled tente de réconcilier Haïdalla et Hassan II ; principal bailleur de fonds pour chacun des deux pays, l’Arabie saoudite avait la charge des intérêts marocains depuis la tentative du 16 Mars ; accord signé par les MAE M’Hamed Boucetta et Dahane Ould Ahmed Mahmoud en présence Hassan II, Haïdalla et du roi Khaled
–  « refus à toute force hostile à l’une ou l’autre partie de transiter par leur territoire ou d’y stationner »
–  « interdiction sur leur territoire de toute activité politique ou militaire hostile à l’un ou l’autre pays et refus d’abriter ou d’aider les ressortissants de l’un ou l’autre pays qui s’adonnent à de telles activités »
– « fin des campagnes d’information hostiles »
– reprise des relations diplomatiques fondées « sur la coexistence pacifique, le respect mutuel de la souveraineté, la non-ingérence de chaque partie dans les affaires intérieures de l’autre et l’instauration de la solidarité islamique »
– « recours au dialogue »
– réaffirmation par la Mauritanie de sa position de neutralité annoncée en 1979

9 Novembre 1981 : ordonnance mettant en œuvre la suppression officielle de l’esclavage proclamée le 5 Juillet 1980

6 Février 1982 : arrestations de l’ancien chef d’Etat, colonel Moustapha Ould Mohamed Saleck et de l’ancien Premier ministre Ould Bneijara, accusé d’avoir tenté un coup d’Etat ; aucune indication sur le déroulement de la tentative ni sur les intentions des conjurés n’est donnée ; devaient enlever Haïdalla à l’aéroport au moment de son départ pour Nairobi « mini-sommet OUA sur le Sahara, qui annule au dernier moment son voyage : « tentative isolée (de personnes) mûes par l’ambition »

17 Mars 1982 : découverte d’un complot « baassiste pro-irakien » visant à « assassiner froidement le chef de l’Etat »

Décembre 1982 : dissolution du Mouvement national du volontariat

23 Avril 1983 : point de départ des « structures d’éducation de masse » ; celles-ci doivent permettre la tenue d’instances régionales et départementales en Janvier 1984

28 Avril 1983 : le Conseil des ministres étudie les modalités pratiques de l’application de la Charia islamique dans les divers secteurs de la vie nationale et adopte des projets d’ordonnance

29 Septembre 1983 : remaniement ministériel : « assurer une meilleure coordination des différents secteurs de l’activité du gouvernement en rationalisant davantage les moyens dont dispose la collectivité nationale »
– le lieutenant-colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla prend de fait le titre de président de la République

27 février 19840 : 27ème pays africain et 54ème Etat dans le monde à le faire, la Mauritanie reconnaît la République arabe sahraouie démocratique « pour l’amener à respecter les frontières mauritaniennes » : « acte de souveraineté et de principe doit être compris comme un nouvel effort pour contribuer à instaurer une paix juste et durable au Maghreb » ; Haïdalla mis en minorité par Taya au CMSN sur le sujet, parvient à faire prévaloir son analyse

7 Mars 1984 :remaniement du gouvernement, Haïdalla concentrant à nouveau tous les pouvoirs
– éviction du Premier ministre Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, refusant l’ambassade de Paris où il  se ferait soigner
– mise à l’écart d’officiers suspects & retour de membres du gouvernement à des fonctions purement militaires par crainte d’une agression marocaine directe :

11 Mars 1984 : changements dans le commandement militaire ; Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, de nouveau chef d’état-major

3-4 Décembre 1984 : à l’invitation de son homologue Sid’Ahmed Taya, Jeannou Lacaze, chef d’état-major des armées françaises, de nouveau en Mauritanie ; coopération militaire (100 stagiaires, matériel, assistance technique), visite le 4 l’école militaire d’Atar

10-12 Décembre 1984 : sommet franco-africain à Bujumbura : participation d’Haïdalla