La discrimination, l’angle mort du sursaut présidentiel

Il est un fait que nul discours, si vigoureux soit-il, ne pourra occulter : la discrimination demeure la gabegie originelle, le terreau de tous nos particularismes, la source première des fractures qui minent notre cohésion nationale depuis l’indépendance.

Or, depuis quelque temps, l’on observe une mobilisation inédite contre les discours identitaires, sectaires, communautaristes, tribalistes ou régionalistes. Cette levée de boucliers semble faire écho aux positions plus fermes que Monsieur le Président de la République a exprimées lors de sa récente visite dans le Hodh Echarghi.
Si l’on peut saluer cet engagement — sincère dans son intention et louable dans ses objectifs — il révèle néanmoins une ambiguïté persistante quant à ses motivations profondes et ouvre des interrogations légitimes.

Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi ce réveil tardif face à des pratiques qui ont gangrené notre vie politique et sociale durant plus d’un demi-siècle ?
Qu’est-ce qui, soudainement, impose un tel sursaut patriotique et républicain ?
Et surtout, comment ne pas s’interroger sur ce revirement de la part de ceux qui, en pleine conscience, ont laissé s’installer l’impasse dans laquelle la nation se trouve enfermée ?
Pourquoi ne pas attendre le dialogue pour soumettre ses questions dans le cadre d’une proposition de renouvellement du pacte social et républicain.

Mais la question la plus lancinante s’impose avec une évidence douloureuse :
pourquoi, Monsieur le Président, n’ insiste pas plus fermement sur la discrimination, pourtant racine première des dérives qu’il dénonce ?

Car, s’agissant des discours particularistes, une vérité simple s’impose :
ils s’effaceront d’eux-mêmes dès lors que la discrimination sera effectivement combattue.
À l’inverse, tant que celle-ci perdure, ces discours seront non seulement difficiles à contenir, mais aussi alimentés par les réseaux sociaux de l’étranger, qui amplifient ressentiments et appartenances fragmentées.

Quant aux manifestations tribales, régionalistes ou autres, leur résolution est autrement plus aisée :
il suffirait d’instruire fermement l’administration territoriale, par un message RAC sans ambiguïté, pour y mettre fin immédiatement.
Le véritable obstacle n’est donc pas technique, mais résolument politique.

Et c’est ici que la question devient incontournable :
dans un régime présidentiel tel que le nôtre, la lutte contre la discrimination dépend directement du système de gouvernance que Monsieur le Président dirige, et donc, très concrètement, de lui-même.
C’est d’ailleurs ce qui rend cette bataille — autrement plus structurante que la lutte contre les discours — à la fois la plus urgente et la plus accessible pour le Chef de l’État.

Restera enfin à espérer que le choix du cadre — celui de sa visite au Hodh Chargui — et celui du moment — particulièrement sensible — ne relèvent pas d’une stratégie visant à prendre à témoin le peuple mauritanien au cas où…
Car ce peuple attend moins l’annonce d’un sursaut que l’acte fondateur qui consisterait enfin à affronter l’angle mort du discours présidentiel : la discrimination.

Mohamed Daoud Imigine
21 Novembre 2025