Note d’information, 8 octobre 2023
A la faveur d’un communiqué publié, le 6 octobre courant, la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) en Mauritanie affirme avoir rendu visite, au captif Youba Siby ould El Ghoth, de nationalité sénégalaise ; enlevé à Dakar par des policiers de l’Etat dont il est ressortissant, il fut enchaîné et remis, à leurs homologues mauritaniens, le 15 septembre 2023 ; séquestré, à Nouakchott, sous la responsabilité de la Direction générale de la sûreté nationale (Dgsn), il se retrouve désormais poursuivi en justice, au motif de propos de dénonciation de l’esclavage et du racisme, dans son pays d’origine. A en croire la Cndh qui prétend lui porter assistance au titre d’une « d’une mission conjointe avec le bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’homme, le 03/10/2023 », Youba Siby se porte bien, ne se plaint d’aucun mauvais traitement « y compris durant son transfert » mais n’a pu voir sa famille et ne dispose d’un avocat ; les auteurs de l’annonce promettent de régler les deux défauts susmentionnés.
La réaction de la Cndh, porte-voix officieux (et quelquefois officiel) des autorités en charge de la répression, appelle une batterie de commentaires factuels, aux fins de rétablir la vérité :
1. Du 15 septembre au 3 octobre 2023, Youba sera « cuisiné » selon le jargon local des tortionnaires, à l’intérieur des cachots de la sûreté ; il n’usera du droit – comme le prévoit la loi dès le début de sa captivité – aux visites des siens, de son conseil ou d’un médecin. Durant la période de l’isolement et jusqu’aujourd’hui, nul ne sait quelles avanies il subissait. La présomption de torture et de harcèlement moral se justifie, ici, par le caractère systémique de l’impunité et des violences policières en Mauritanie. Malgré un riche passif en matière de torture et d’homicide volontaire, aucun agent du maintien de l’ordre ni des forces armées et de sécurité n’a jamais été jugé au grief de commission de sévices contre des personnes désarmés. Les commissariats de police de la Mauritanie comptent parmi les lieux les plus dangereux en Afrique, surtout aux dépens d’un justiciable, étranger ou citoyen d’extraction subsaharienne. A cet égard, les « bavures » de 2023 (Souvi Jibril Soumaré 9 février et Oumar Diop 28 mai) témoignent d’une réalité structurelle à laquelle les pouvoirs publics opposent, toujours, le déni, l’intimidation des témoins et la fraude sur les actes de médecine légale.
2. A la suite du communiqué tendancieux, un militant de l’Initiative de résurgence abolitionniste (Ira) a pu approcher le détenu, le même jour mais en présence imposée du Secrétaire général de la Cndh. Devant ce dernier, Youba Siby trahissait des signes de trouble et n’osait le regarder en face. Il avait perdu de sa verve et ne tarissait d’éloges quant au comportement de ses geôliers mauritaniens, non sans accabler la police du Sénégal. Ainsi s’explique, après des semaines d’insistance, le refus d’autoriser, l’Ira, à le rencontrer. Il fallait d’abord ramollir la volonté de la victime et briser sa virulence habituelle avant de la rendre « présentable » ; cette méthode de conditionnement, fort connue, constitue l’un des automatismes de la coercition légale en Mauritanie. Elle remonte à l’ère du Comité militaire de salut national (Cmsn) avant de se banaliser durant la phase civile de la dictature du Colonel Ould Sid’Ahmed Taya (1992-2005).
3. L’implication du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme procède d’une identique inclination à manipuler les partenaires extérieurs, souvent acteurs, en toute bonne foi, de leur propre ingénuité : quand la gentillesse, l’exotisme et les cadeaux ne suffisent à endormir la vigilance de l’allié ou de l’hôte, la machinerie de la triche se charge de la relève. Combien de visiteurs bilatéraux, de diplomates accrédités et de touristes n’ont-ils pas été ainsi exposés au mensonge d’Etat ! C’est, ici, l’occasion de les mettre en garde, encore une fois. La république islamique de la tromperie ne cessera de leur servir le réchauffé perpétuel d’un narratif rapiécé à force d’outrance, de cachotteries, de poussière sous le tapis, de cadavres dans le placard et de laborieuses esquives. La Cndh reste l’artisan principal de cette industrie de l’évitement. Son accréditation au système des Nations unies pose, à présent, un sérieux problème de crédibilité à l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (Ganhri).
4. D’ici l’échéance du rendez-vous imprévisible où le désir d’équité balaiera les paravents du faux en Mauritanie, Youba Siby croupit, en pleine incertitude, entre les mains des faussaires. Ils l’ont brisé. Sa condition de paria requiert un secours d’urgence.
Nouakchott, 08/10/2023
Commission Communication