Islamique a-t-on dit ? Pour l’annecdote, un observateur attentif de la vie politique en Mauritanie fait remarquer que l’islam a déserté ce pays le jour où il a été proclamé religion d’État. En effet, l’islam mauritanien est utilisé comme, fourre-tout passe-partout et mode de légitimation de toutes les forfaitures commises. Pour octroyer à l’actuel président Mohamed cheikh ould Ghazouani une certaine considération à laquelle, son élection controversée aux présidentielles de 2019 et son bilan économique peu élogieux pourraient porter ombrage, on s’empresse de rappeler qu’il est le fils de son « très respecté… défunt père cheikh Mohamed Ahmed El Ghazouani, ayant été le chef d’une grande et influente confrérie soufie de l’est de la Mauritanie »(cf. Jeune- Afrique du 29 juillet 2021). Faut- il croire , que cela suffit dans cette chère République islamique de Mauritanie pour conférer à qui de droit un gage de bonne gouvernance ? En d’autres temps et en d’autres circonstances, l’islam a été utilisé à des fins opportunistes. Pour exemple, dans les années 1980, le régime militaire au pouvoir à savoir le comité militaire de salut national (cmsn) avait instauré la charia, la loi islamique version mauritanienne afin de s’attirer et bénéficier de la générosité de la diplomatie des chèques du royaume wahhabite récompensant tous les musulmans zélés qui se réclament d’un islam rigoriste et qui prétendent appliquer systématiquement la loi islamique. Cette diplomatie des pétrodollars au nom de la solidarité islamique sera à l’origine de l’émergence d’un islam radical qui va nourrir le terrorisme international. Seulement, en Mauritanie l’application de la charia à cette époque et la main tendue au régime whahabite a été purement opportuniste. Elles obéissaient à une stratégie purement économique, il fallait contourner la réticence de la banque mondiale et du fonds monétaire international à aider financièrement la Mauritanie. L’application sélective et discriminatoire de la charia dans cette Mauritanie multiraciale attestent de cet opportunisme. L’application de la charia version mauritanienne n’a eu comme victimes que deux hommes de race noire. Il s’agit d’un guinéen immigré accusé d’un vol banal et à qui on a tranché la main; et l’autre cas d’application discriminatoire de cette fameuse charia fût celui d’un haratine, un esclave affranchi qui était un déséquilibré mental, ayant été accusé d’un crime de sang, fut exécuté publiquement par un peloton de militaires. Aujourd’hui, certes le droit mauritanien n’applique plus ce type de châtiment, toutefois il continue de se référer à la charia et il est stipulé dans la constitution que l’islam est l’unique source du droit en Mauritanie, bien qu’on admette l’existence d’un droit d’inspiration occidentale. En théorie, la Mauritanie est un état de droit dotée d’un système juridique dual, hybride, où droit islamique et droit occidental coexistent, cependant l’application et la pratique du droit est tout autre chose. En tout cas, l’application du droit d’inspiration islamique est des plus cocasse et laisse à désirer quant à sa conformité avec le principe d’égalité et d’équité. Pourtant la constitution mauritanienne en son préambule et dans le titre premier de sa constitution et en son article premier consacre un certain nombre de droits, entre autres l’égalité devant la loi de tous le citoyens sans distinction, le droit à la liberté, à la propriété…Et curieusement, on recourt à la charia, la loi islamique en référence à l’indiras pour stipuler que les terres mortes appartiennent à l’État. Un moyen de déposséder les noirs de leurs propriétés foncières. N’est-ce pas dans ce système politico-jurudique s’inspirant soi-disant du droit islamique que fut votée une loi d’amnistie visant à mettre à l’abri de poursuites judiciaires des éléments des forces armées et de sécurité qui ont été les bras armés d’un programme politique d’épuration ethnique dont ont été victimes des citoyens de race noire. On voudrait bien savoir au nom de quels principes de droit islamique les imams et oulémas mauritaniens se sont appuyés pour organiser une prière aux absents en faveur des victimes des purges racistes de l’État mauritanien et à décréter le pardon pour leurs bourreaux qui circulent librement sans être inquiétés; et ceci sans le consentement et l’avis de l’essentiel des ayant-droits de ces disparus à savoir leurs veuves et orphelins. Drôle de république islamique, celle qui refuse de rendre justice à d’honnêtes citoyennes et citoyens mauritaniens victimes des escroqueries foncières à grande échelle de la part d’un imam à la longue barbe bien entretenue débarquant d’Arabie Saoudite où il a fait école comme en témoignaient ses prêches de haute voltige. Où en est-on avec cette expérience mauritanienne de la tawba comme redéfinition de la violence « légitime » oscillant entre repentance et médiation et exercice de fiqh en matière de djihad. N’allons pas loin dans ce charabia, il ne s’agit ni plus ni moins , sous l’égide de l’État mauritanien, en 2006-2010, de faciliter le dialogue entre les fukaha c’est-à-dire les spécialistes du droit religieux et les détenus dont l’objectif vise à délégitimer l’usage de la violence dans la confrontation politique . Bref, une sorte d’amnistie des djihadistes qui se sont livrés à des actes criminels.La France n’a pas dit mot sur cette expérience mauritanienne de la tawba et a salué les performances de la Mauritanie dans la lutte contre le terrorisme. Pourtant, il semble bien que la proposition faite par l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz à l’ancien président malien déchu Ibrahim Boubacar KEITA, à savoir servir de médiateur à ce dernier afin de négocier avec les djihadistes maliens a été catégoriquement rejetée par la France. Ses révélations faites par ould Abdel Aziz l’ancien président mauritanien, sur la chaîne de télévision France 24, jettent un doute sur les positions ambiguës de la France dans sa lutte contre le terrorisme. Et comme par coïncidence, juste après ses révélations sur France 24, l’ancien président mauritanien fût arrêté par son successeur ould Ghazouani qui fût son ami de quarante ans, son chef d’état-major et son ministre de la défense et qu’il avait pourtant soigneusement installé à la tête de l’État, suite à des élections présidentielles fort décriées par l’opposition politique. La raison invoquée et qui est à l’origine de cette arrestation est le refus de l’ancien président de se soumettre à la décision de justice qui l’a placé sous contrôle judiciaire. Il est accusé d’avoir mis à sac l’économie du pays, permettez-nous cette expression et celle d’un journaliste européen qui aurait dit dans un débat sur la chaîne Telesud que Le président Aziz » a dévalisé la banque centrale » de son pays. Au regard de ce qui précède, il y’a lieu de se demander si le territoire mauritanien, puisque les djihadistes criminels y sont réhabilités, ne sert pas de base arrière, de refuge aux islamistes liés au narcotrafiquants et autres marchands d’armes et de produits de contrebande. Le journaliste député français avait dit sans ambage que le territoire mauritanien est un refuge pour les terroristes, il a été sommé de se taire. Des informations provenant de sources américaines n’avaient -elles pas laissé entendre que l’état mauritanien avait signé un pacte de non-agression avec Al Qaidda ? Une voix autorisée au Mali avait carrément dénoncé le double jeu de la France dans sa lutte contre le terrorisme dans ce pays. Certes, elle a aidé l’armée malienne appuyées par les troupes tchadienne à libérer le nord de l’occupation djihadiste. Mais lorsqu’il s’agissait de libérer la région de Kidal , la France a refusé à l’armée malienne sa participation à cette entreprise. Curieusement, elle a fait appel aux dirigeants touaregs du MNLA réfugiés en Mauritanie et au Burkina Faso, pour les installer dans Kidal, alors que le MNLA ( mouvement national de libération de l’azawad) ne représentait plus une force militaire. Il avait été chassé par les djihadistes du mujao ( le mouvement pour l’unicité et la Djihad en Afrique de l’ouest) et de Ançar Eddine de iyad ag-ghaly. Ceci dit en passant iyad ag-ghaly est installé en territoire algérien, il n’a jamais été inquiété en sachant qu’en 2010 a été créé en Algérie le comité d’état-major militaire opérationnel conjoint (Cemog) regroupant le Mali, le Niger, la Mauritanie et l’Algerie et installé à Tamanrasset. Et par la suite dans la même année , une unité de fusion et de liaison à été créée, pour partager le renseignement militaire et qui sera élargi à d’autres pays africains, pour ne citer que le Nigeria et le Tchad. Ces structures étaient censées contrôler la lutte contre la terreur au Sahel et au Sahara. Bien entendu, avec la Katiba Macina de Amadou Koufa le terrorisme islamiste s’est étendu au centre du Mali. S’il est vrai que la lutte contre l’extrémisme religieux doit rester un impératif, il faut garder à l’esprit qu’une certaine pratique de l’islam est source d’abus notamment en Mauritanie.
M.M. TOURÉ
Vendredi 6 août 2021