La Légende du wagadou revisitée pour servir le présent

« Le  Ouagadou bida, un grand serpent, vivait dans une grotte de la Forêt sacrée. Il était le génie protecteur des Soninké. Chaque année, ces derniers devaient sacrifier la plus belle fille de Koumbi Saleh. Mais une année, le choix des Anciens tomba sur la belle Sia qui était déjà fiancée à Amadou Séfédokoté, c’est-à-dire « Amadou qui parle peu ». Le fiancé, qui aimait beaucoup la belle Sia, devint inconsolable à l’idée que sa promise devait être la proie du Ouagadou-Bida. Il refusa de se soumettre au choix des Anciens. Le jour du sacrifice, il se cacha derrière un arbre et, au moment où le grand serpent sortait de sa caverne, il lui trancha net la tête d’un coup de sabre. Après la mort du Ouagadou-Bida, la sécheresse s’abattit sur le pays, les grains semés ne poussèrent plus, les troupeaux furent décimés par la soif, les Soninké épouvantés se dispersèrent ».Cette histoire  est caractéristique de la grandeur et la décadence du peuple Soninké. Au-  delà de la mort du Bida, la légende montre la révolte d’un peuple contre une tradition dont je me réserve de juger. Cette  tradition qui était respectée de tous mais devenue  avec le temps inacceptable  a fini par sonner le glas de l’harmonie du peuple soninké : conséquence de l’entêtement du souverain et de sa cour.Les soubresauts que vit la société soninké aujourd’hui autour de l’esclavage par ascendance ou coutumier m’amènent à penser que la Légende de Wagadou  n’a rien servit,  ou du moins, elle est restée dans la conscience collective soninké comme un repère chronologique et une histoire banale.Or une légende  est par essence symbolique, cosmogonique et  exprime un message de fond : une sagesse.Plus explicitement, dès lors qu’une tradition, une pratique est source de conflit et cesse d’être consensuelle, elle convoque la communauté au dialogue, à la concertation, au débat pour  la changer, la modifier, la perfectionner, la réajuster ou l’interdire tout simplement.La noblesse dans la  société soninké était d’abord sa marque de grandeur et sa cohésion sociale autour des valeurs et projets  unanimes.  Dans la légende tous les symboles tournent autour de la noblesse : la vierge, le cheval, le coupe- coupe pour trancher les sept têtes du serpent caractéristique de la bravoure et du courage des valeurs chevaleresques.Mais au finish, entre les lignes, le souverain ne voulait rien entendre si ce n’est le respect scrupuleux d’une tradition devenue source de contestation et de division.Mais à force d’opiniâtreté  le Wagapou, si fort, si craint et séduisant par son modèle, tombe dans la décrépitude, la déchéance, la débandade  et la  malédiction et des représailles sans fin.Ainsi, la noblesse n’est- elle pas d’abord l’humilité, la capacité à écouter et à entendre les récriminations des autres ?L’histoire n’est-elle pas en train de se répéter ?Aujourd’hui encore, le peuple soninké est plus que jamais au bord de la rupture : il est confronté à un autre Bida, cette fois la bête de l’apocalypse soninké  s’appelle esclavage coutumier.Le sujet divise profondément la société soninké qui peine à s’entendre tellement les positions sont passionnelles et irrationnelles sur une tradition passéiste et obsolète dont les fondateurs ne sont plus de ce monde. Aux contemporains d’inventer  maintenant une nouvelle échelle des valeurs consensuelles prenant en compte les nouvelles préoccupations d’une société qui aspire à une noblesse des valeurs à contrario de celle  liée à  la naissance.

Seyré SIDIBE  Journaliste