Que ceux qui voulaient politiquement enterrer dare-dare l’ex-président Mohamed ould Abdel Aziz se détrompent ! Il avait d’ailleurs prévenu, avant de quitter le pouvoir en 2019, qu’il pourrait continuer à faire de la politique. C’est aujourd’hui chose faite. L’homme, ses proches et soutiens ont atterri depuis quelques jours au parti Ribat du docteur Saad Louleïd. Leur adhésion a été officialisée le vendredi 9 Avril, lors d’une cérémonie au siège dudit parti, en présence d’une grande foule. Beaucoup espéraient y apercevoir leur mentor : ils furent déçus, l’ex-Président n’a pas prêté le flanc aux autorités qui n’auraient probablement pas hésité à interdire la manifestation. Il n’a donc pas effectué le déplacement au siège où son portait trônait auprès de celui de Saad Louleïd, ancien activiste des droits de l’Homme.
Au cours de la cérémonie, Saad Louleid a listé les raisons qui ont poussé les deux hommes à s’associer au sein de Ribat. Notamment le droit de l’ex-Président à poursuivre sa carrière politique, ses « réalisations » (grands chantiers et autres…) mais aussi et surtout sa « décision historique » de réécrire l’histoire de la résistance à la pénétration coloniale française en Mauritanie, son patriotisme, et son travail à ancrer la démocratie dans le pays… Voilà pourquoi, martelait Ould Louleïd, Ribat, soucieux du respect des principes démocratiques conformes à notre Constitution, de la liberté d’expression et d’agir, a accueilli ce leader et patriote en son sein. Et d’ajouter : l’arrivée au parti Ribat de Mohamed ould Abdel Aziz entouré de ses proches et soutiens fera date sur l’échiquier politique mauritanien.
Quel poste pour l’ex-président ?
Reste maintenant à savoir maintenant quel rang occupera l’ex-Président dans l’organigramme dudit parti. Saad Louleïd acceptera-t-il de lui en céder la direction ? Les proches d’Ould Abdel Aziz accourus en force vendredi soir à la cérémonie se contenteront-ils de jouer les seconds rôles ? Ne vont-ils pas noyauter Ribat ? Saad Louleïd ne risque-t-il pas de se voir ravir le contrôle de son parti ? Autant de questions qui seront suivies avec intérêt par les observateurs. Ajoutons-y celle de la place de Ribat au sein de l’opposition, dans la mesure où celui-ci se réclame de celle-ci. De toutes façons, Ould Abdel Aziz dispose désormais d’une tribune politique qu’il pourrait utiliser à fustiger l’action du gouvernement de son désormais ex-ami de quarante ans.
Dans une lettre adressée jeudi aux Mauritaniens, l’ex-Président leur a demandé à se mobiliser derrière Ribat afin d’en faire une machine politique. Et d’accuser, dans sa missive, le pouvoir en place de favoriser, entre autres, la corruption et le clientélisme ; de saper l’unité nationale et de saborder la démocratie mauritanienne. Ould Abdel Aziz se présente en bâtisseur, garant de la paix et de la stabilité du pays. À bon entendeur salut !
Depuis son départ du Palais, le 1er Août 2019, Ould Abdel Aziz ne s’est offert qu’un trimestre de pause à l’étranger, laissant ainsi croire qu’il avait choisi de ne pas gêner son ami Ghazwani. Mais on le voyait, aussitôt rentré à Nouakchott, s’afficher dans une sorte d’opposition au régime. Première discorde avec son ami : le contrôle de l’UPR qu’il avait fondée en 2009. Il perd la partie, ledit parti et tous ceux qui l’avaient encouragé à briguer un troisième mandat en violation flagrante de la Constitution. Deuxième clash, son refus de participer aux festivités du 28 Novembre 2019 à Akjoujt. On le suspecte alors d’avoir tenté, via l’ex-BASEP, un coup de force contre le pouvoir. C’est le début de la véritable rupture entre les deux « amis de quarante ans ». Elle sera définitivement consommée avec la fondation, par le Parlement, d’une Commission d’enquête parlementaire qui fera, de l’étonnamment richissime « président des pauvres », le principal suspect d’un scandale inouï en Mauritanie. On connaît la suite : Ould Abdel Aziz est inculpé, depuis Mars dernier, avec treize de ses proches et placé « sous contrôle judiciaire strict ». C’est, comme dirait l’autre, le début d’une descente aux enfers. Le voilà accusé de tous les maux, avec ceci de particulièrement révoltant, à ses yeux, que les salves les plus virulentes émanent de ceux qu’il avait contribué à sortir du néant. Des gens qui invitaient les Mauritaniens à signer des pétitions pour faire de lui un roi, en violation flagrante de la Constitution. Des gens à la mémoire singulièrement courte, « qui ne croient à rien », nous disait, il y a quelques jours, un grand leader politique qui a totalement renoncé, lui, à descendre en cette arène nauséabonde.