« Je suis jaloux de la médaille du camarade Yeslem Ebnou Abdem ! »
Suite à l’article précédent à propos de l’anniversaire de la publication du premier numéro de Sayhat Elmadhloum, j’ai reçu un commentaire de l’un des membres de notre ancien comité de rédaction. Celui-ci était présent à la cérémonie de décoration. Feu Mohamed Salem Ould Zeine, un ancien camarade, un dirigeant de grande envergure, sincère et d’une fidélité inébranlable me rappelait une fois qu’il fut le premier à prendre contact avec le camarade en question juste après sa sortie de la funeste prison de Beyla dans l’ancien quartier du Ksar.
Il s’agit de l’ancien ministre, l’ancien ambassadeur dans de nombreux pays du monde, l’ancien directeur de plusieurs institutions nationales dont la présidence du comité du « Prix Chinguit », le doyen Vadel Ould Dah(à qui nous souhaitons longue vie et bonne santé). Difficile d’oublier encore la résistance héroïque du camarade Vadel à toutes les formes de torture et de privations durant toute la longue période de sa détention.
Feu le camarade Mohamed Salem Ould Zeine m’avait donc raconté la réaction à chaud du camarade Vadel juste après sa sortie de prison. « Il souriait, il avait le visage rayonnant d’enthousiasme, raconte Mohamed Salem Zeine. Devant moi, il ouvrit une chemise pour en sortir de nombreux documents. Puis il déclara : voilà tous les diplômes que j’ai obtenus après tant d’efforts. Des diplômes décernés par de célèbres universités. A l’époque, rares étaient les mauritaniens titulaires de diplômes équivalents.
A ma grande surprise, Vadel se mit à détruire l’ensemble de ses précieux documents et il ajouta : désormais je me mets entièrement à la disposition de la révolution de mon pays jusqu’à sa délivrance complète de toutes les formes d’oppression. »
Je vous livre ici le contenu du texte que vient de me transmettre le ministre Vadel O Dah :« En dépit de l’enthousiasme qui nous avait envahi devant un repas de qualité pour la première fois, le méchoui fumant, en dépit de la modestie de la décoration de notre camarade Yeslem, je vous rappelle que j’avais franchement éprouvé à cet instant une réelle jalousie. Je ne sais pas si c’était le cas des autres camarades. Avaient-ils réussi à dissimuler la leur ? Je rappelle, que contrairement à aujourd’hui où les gens s’adonnent à une course folle pour conquérir n’importe quel prix, la plus belle maison, la plus belle voiture, la meilleure place au soleil, à notre époque, les jeunes de notre génération, sacrifiant tant de facilités qui s’offraient à eux en ce moment, se bousculent afin de réaliser les tâches les plus ardues dans notre combat quotidien pour l’émancipation de notre peuple.Malgré tout, je me rappelle que la décoration de Yeslem était parfaitement bien méritée. N’est-ce pas c’était bien lui qui, au moment où nous autres profitons de quelques moments de repos, passait son temps à taper sur sa vieille machine dans des conditions de travail intenables à l’aide d’un seul doigt pour produire notre Sayhat Elmadhloum, un effort uniquement comparable à celui de Beethoven au moment où il réalisait sa cinquième symphonie sur son piano à chaque fois qu’ il s’enfermait dans sa petite chambre fuyant les harcèlements permanents du cupide propriétaire du très modeste lieu cherchant son loyer à la fin de chaque mois ? », concluait le doyen Vadel.
« Salut à toi Sayhat Elmadhloum,
Un salut qui remplit mon cœur d’admiration ! » …
Comme promis je reviens au passionnant récit du poète Ahmedou Abdelkader. Juste après la cérémonie fêtant l’anniversaire de Sayhat Elmadhloum, le poète nous demanda de lui accorder une journée de réflexion et de méditation, le temps de sillonner quelques jardins situés à Tevragh Zeina, le quartier chic de la ville. Chaer (le poète) voulait promener son regard et pomper son cœur de la vue des fleurs dans leur diversité de formes et de couleurs, une façon pour lui de réveiller son inspiration poétique et artistique.
Entamant sa marche à partir de l’avenue Jemal Abdennasser (l’Avenue de la Dune alors), il évoluera dans la rue enjambant l’hôpital National, pour continuer sa marche jusqu’à la plage au bord de la mer. Juste après l’hôpital, il jeta un coup d’œil rapide sur la kebba à côté. Son attention fut attirée par un spectacle non réjouissant : l’une des baraques qu’on utilisait pour la reliure et l’emballage de Sayhat Elmadhloum, fut emportée par le vent et réduite en ruines, éparpillée hors de sa place d’origine. Notre matériel était intact. Il était enfoui au sous-sol de la baraque dans une malle en fer couvert d’un modeste tapis étalé sur un espace de sable. Tout un décor de camouflage bien soigné par des mains professionnelles.
Chaer revint avant d’achever sa marche d’inspiration après avoir réussi à sauver notre trésor enfoui sous la baraque.
« Salut à toi Sayhat Elmadhloum,
Un salut qui remplit mon cœur d’admiration ! » … le début de son célèbre poème célébrant le premier anniversaire de Sayhat Elmadhloum.
Plus tard, suite à une loi d’interdiction de Sayhat Elmadhloum, la police du régime lancera une campagne de recherche contre « X », visant à arrêter ce monsieur « X », jugé hors-la-loi, sans adresse précise, insaisissable puisque hors de portée de toutes mains malveillantes.
En ce moment de souvenirs du vrai beau vieux temps, nous souhaitons de tout cœur un prompt et bon rétablissement à un compagnon de lutte inestimable, Yeslem O Ebnou Abdem !
L’unité du peuple, arme et bouclier
Un de mes camarades les plus en vue au sein de l’appareil des Tâches Spéciales (TS), M. Dah Sid’Elemine m’a posé la question suivante : les participants à la réunion de Tokomadji étaient-ils encore nationalistes quand eut lieu la rencontre ? Ou bien s’étaient-ils déjà reconvertis dans d’autres ismes ? Formaient-ils une entité homogène, ou se recrutaient-ils dans diverses paroisses ?
Réponse :
Mon cher Dah Sid’Elemine ; Meilleurs salutations ! Sachez mon cher frère, que je tiens en bonne estime l’action qui fut la vôtre du temps où vous étiez militant agissant au sein des T.S.
Vous avez fait don de ce que vous avez de plus cher, votre jeunesse, pour prendre la défense des intérêts des opprimés, des couches marginales et des laissés pour compte.
Je puis témoigner devant Dieu que vous vous êtes dévoués au service du peuple mauritanien, toutes composantes confondues, sans lésiner sur quoi que ce soit et sans reculer devant les sacrifices, quels qu’ils soient.
Pour en revenir à votre question, les camarades ayant pris part à la réunion de Tokomadji et que j’ai eu à énumérer nommément, ont tous, soit avant soit en cours de réunion, cessé d’épouser toutes convictions autres que celles des Kadihines. Ils ont rompu avec toute pensée ou action de nature à ségréger les nationalités et ethnies composant notre pays. Nous avions ôté l’uniforme du nationalisme primaire et revêtu, en lieu et place, celui de l’unité du peuple mauritanien, convaincus que le salut de ce peuple réside dans son unité. Elle sert à notre peuple, à la fois d’arme et de bouclier contre les ennemis si nombreux qui le guettent de toute part.
A y voir de près, les rapports entre les différentes composantes de notre peuple ont de tout temps été résilients. Toutes sortes de brassages et de métissages passés au fil du temps, ont noué entre elles des liens indéfectibles. Les Kadihines en fin de compte, n’ont rien inventé sur ce registre. La sagacité des ancêtres a précédé leurs théories. Aujourd’hui encore, l’amour et la concorde que ceux-ci ont su cultiver demeurent le meilleur de nos trésors.
Dans la série d’articles que j’ai publiés sur la page Facebook de l’ancien ministre Abdelkader Mohamed, j’ai relaté l’essentiel des faits se rapportant à la réunion de Tokomadji sur la rive droite du fleuve Sénégal. Les participants à cette réunion ont fondé le Mouvement National Démocratique. Ils constituaient un groupe unique et homogène que ne fractionnaient ni sensibilités, ni tendances. Après sa constitution, ce groupe a commencé à coordonner son action de lutte avec celles du « Groupe Libération » et du « Parti du Travail de Mauritanie » (PTM). On en est resté là pour quelque temps.
Le Groupe de Tokomadji n’a cessé de prendre de l’ampleur. Il a fondé seul le journal « Sayhat AlMadhloum», avant de proclamer à la face du monde la création de son parti d’avant-garde, le Parti des Kadihines de Mauritanie (PKM) dont ce journal est l’organe et dont le programme a été publié au grand jour. Le PKM constitue le noyau dirigeant du Mouvement National Démocratique (MND). C’est à lui que revenait la Direction effective de la lutte contre le néocolonialisme et l’oppression.
Par la suite, le « Groupe Libération » s’est dissous de plein gré et a rallié le PKM. Plus tard, le PTM a fait de même.
Suite à cette intégration, les éléments dirigeants des deux formations, Daffa Bakary et Traoré Ladji, pour le PTM ; Moustapha Abeïderrahmane et Abdellahi Ould Ismaël, pour le Groupe Libération ont été cooptés au Comité Central du PKM. Ils prenaient part à toutes les réunions de l’organe dirigeant du parti des Kadihines y prenait part également le camarade ministre Mohamed Vall Bellal : cadre éminent des Kadihines.