Cela les disculpe pour autant ? Doit-on continuer à fermer sur les agissements de Mohamed Ould Abdelvettah (ministre du Pétrole au moment des faits et toujours en exercice), Mokhtar ould Djay (ministre de l’Economie et des Finances à l’époque et actuel Adg de la Snim) et Mohamed Abdallahi ould Oudaa (ministre de l’équipement et des Transports au moment de la signature de la Convention)?
Les laisser continuer à occuper des fonctions officielles malgré ce forfait ? Un juriste qui a épluché le contrat ne parle ni plus ni moins que de ‘’haute « trahison ».
« Ils sont nombreux, les gouvernants enclins à conclure des contrats avec des multinationales aux contours insaisissables, en renonçant de manière convenue, par ignorance ou pour des motifs inavoués, à « l’immunité d’exécution » (dont on explicitera plus loin les tenants et aboutissants).
On peut citer à cet égard, le contrat dit « de concession », conclu entre l’État mauritanien et la société Arise-Mauritanie SA, annoncée filiale d’Arise-Mauritius, censée, elle, être immatriculée en Île Maurice mais dont ni le numéro de registre du commerce ni l’identification fiscale ne sont déclinés dans le contrat. Aucune inscription modificative au siège social de la société-mère ne vient non plus corroborer l’existence légale de la filiale qui a conclu le contrat avec l’État mauritanien et la représentation de celui-ci par différents ministres, en vue de conclure celui-là, est sujette à quiproquo.
Renonciation à l’immunité d’exécution
Il ressort de l’article 29-5 de la convention, que l’État mauritanien renonce « de manière irrévocable et inconditionnelle » à se prévaloir de toute immunité, y compris « l’immunité souveraine », et s’engage à « acquiescer à toute mesure d’exécution forcée » qui pourrait être diligentée contre l’un quelconque de ses patrimoines, quelle que soit la forme que puissent prendre ces mesures d’exécution forcée : sentences, exéquaturs, saisies conservatoires, etc. L’article 29-6 précise que les stipulations de l’article 29-5 continuent de produire leur plein et entier effet, au-delà même de la résiliation de la convention.
À cet égard, il est significatif que l’arbitrage prévu par la convention soit de la compétence de la Chambre de Commerce International de Paris, alors que traditionnellement, c’est le Centre International sur le Règlement des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI) qui est désigné, chaque fois qu’il s’agit de mettre en place une procédure d’arbitrage à caractère international, en perspective de tout conflit entre un État et le ressortissant d’un autre État en contrat imputant directement un investissement, étant précisé que la convention fondant ce Centre est ratifiée par la Mauritanie. Il faut insister sur le fait qu’en choisissant la Chambre de commerce internationale de Paris pour régler leurs conflits éventuels, les parties optent pour la commercialité de la convention, ce qui implique, de manière concomitante, le choix fait par la Mauritanie de renoncer aux attributs de souveraineté.
Pour toutes ces raisons, en relation avec la souveraineté nationale, la clause d’arbitrage international pouvait être légitimement être écartée, du fait même de l’inexistence d’un élément quelconque d’extranéité, le concédant et le concessionnaire étant tous deux de nationalité mauritanienne, et le contrat étant conclu pour être exécuté sur le territoire mauritanien. On pouvait donc se limiter pour le règlement de tous litiges, survenant entre les parties, aux compétences de droit commun des juridictions mauritaniennes.
Par ailleurs le contrat prévoit que toutes les créances détenues par la société Arise contre l’État de Mauritanie – créances qu’elle est la seule à déterminer… – puissent faire l’objet de mobilisations, sous forme d’instruments de financement et/ou de crédits, et d’en faire usage par tous procédés tendant à l’exécution des obligations dont le concédant serait débiteur vis-à-vis de la société Arise. Cet usage peut prendre la forme d’affectations diverses en garantie de cette créance (affectations hypothécaires, nantissement de comptes ou de titres, cession de créances, privilèges mobiliers, etc.), sans que ces mesures ne soient assujetties à une quelconque taxe fiscale ni à une quelconque rémunération de notaire pour les formalités d’authentification.
Il reste à souligner qu’il relève de la discrétion de la société de procéder elle-même aux évaluations de ses investissements, au vu desquelles elle a la faculté, en considération des pertes prétendues, réelles ou supposées, de demander la révision du contrat. Si cette révision n’est pas acceptée, la société peut le rompre aux torts du concédant, tout en se réservant le droit d’exiger une indemnisation qui tiendrait compte des pertes subies, des coûts de rupture d’instruments de couverture, du montant non amorti du capital social investi ; ou le montant restant dû en principal, intérêts et frais au titre de tout prêt d’actionnaires, de toute perte de profit du concessionnaire déterminée sur la base du montant le plus élevé, entre la valeur actualisée, à dire d’experts, des flux de trésorerie qui auraient été générés par le projet pour toute la période litigieuse ; outre une somme forfaitaire de 50 millions de dollars USD, auxquels s’ajoutent les autres coûts de résiliation, le tout exempté d’impôts sur les sociétés, doublé d’une indemnisation des actionnaires de la société (art 19-2).
L’inéligibilité de la société Arise SA à la convention de concession
En choisissant de se faire immatriculer en Mauritanie, la société Arise prétendait se conformer à la loi n°2017-06 sur le Partenariat Public Privé (PPP) qui prévoit en son article 9 que seules les sociétés mauritaniennes peuvent être titulaires d’un contrat PPP, s’agissant, en l’espèce, d’un contrat concessif, la rémunération du concessionnaire est prélevée directement sur les recettes d’exploitation.
La suite des événements confirma que la règle de passation des marchés choisie par l’État fut celle de la procédure négociée, sans publicité ni mise en concurrence, mais dont les conditions sont limitativement énumérées comme n’étant remplies que : « lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits pour des considérations techniques ou juridiques, que par une prestation nécessitant l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul opérateur ; dans des circonstances exceptionnelles, en réponse à des catastrophes naturelles ; pour des raisons de défense nationale ou de sécurité publique ; pour les contrats conclus entre une autorité contractante et un contractant sur lequel elle exerce un contrôle comparable à celui qu’elle exerce sur ses propres services ; ou qui réalise l’essentiel de ses activités pour lui, à condition que, même si ce contractant n’est pas une autorité, il applique, pour répondre à ses besoins, les dispositions prévues par la présente loi ».
Or aucune de ces conditions ne s’applique au cas d’espèce. Un appel d’offres ouvert aurait été la procédure la plus adéquate. En effet, on peut difficilement concevoir qu’Arise ait été choisie pour des raisons de défense nationale, celles-ci étant organiquement liées à des attributs de souveraineté ; que ce choix fût dicté par des calamités naturelles ; ou par l’existence d’un quelconque pouvoir hiérarchique de l’autorité concédante sur le concessionnaire ; ou encore que le contrat fît cas d’un droit de propriété intellectuelle que la société Arise détiendrait sur un quelconque brevet d’invention ou de droits exclusifs dont elle serait titulaire et qui la distingueraient d’autres opérateurs immatriculés en Mauritanie.
Par ailleurs, l’application de l’article 9 de la loi précitée aurait permis d’écarter de cet appel d’offres la société mauricienne, dont les conditions d’immatriculation en Mauritanie ne respectent pas les formalités prévues par le Code de commerce, notamment en son article 42 exigeant que la fondation de la filiale en Mauritanie fasse l’objet d’une inscription modificative auprès du siège social de la société-mère, outre une déclaration d’immatriculation déposée auprès du registre local du lieu de fondation de la succursale, avec mention du registre du commerce du siège social de la société-mère.
Toutes ces formalités permettant à la société cocontractante de bénéficier de la nationalité mauritanienne, pour être éligible au contrat de concession, n’étant pas rapportées, son élection viole la loi n°2017-06. Comment qualifier alors les agissements de Mohamed Ould Abdelvettah, Mokhtar ould Diay et Mohamed Abdallahi Ould Oudaa si ce n’est de haute trahison ? »
Synthèse Ben Abdalla
Source : Le Calame (Mauritanie)