La réponse est simple : c’est le contrôle du BASEP qui lui a permis de faire son putsch et de s’imposer au reste de l’armée et au pays dans son ensemble. Il est arrivé au pouvoir et s’y est maintenu par la force, à travers le BASEP, qui constituait une unité d’élite au sein de l’armée. Depuis la formation de ce dernier, il contrôlait directement le recrutement de ses membres, cultivant ainsi leur loyauté à l’égard de sa personne.
Il a notamment multiplié ses effectifs, lui donnant une large autonomie par rapport à l’armée, avec un budget conséquent, ce qui lui a permis d’être mieux équipé que celle-ci. Mohamed Ould Abdel Aziz a pu ainsi créer une unité homogène, fidèle à sa personne plus qu’aux institutions.
C’est pourquoi le nouveau président était tenu, dès son élection, de dissoudre de facto cette unité, en dispersant ses membres parmi les unités de l’armée, avant même que l’opposition ne le demande, parce qu’il savait très bien que Mohamed Ould Abdel Aziz pouvait être tenté de l’utiliser à nouveau.
En réalité, l’accession au pouvoir de Mohamed Abdel Aziz est un accident et une anomalie de l’Histoire. Il a bénéficié d’un miraculeux concours de circonstances, qui a fait d’un simple aide de camp, porteur de valise et de documents, un chef d’Etat au pouvoir quasi-illimité.
Pour éviter la répétition d’un tel scénario, dont le pays paiera pour longtemps les conséquences, il faudrait renforcer la séparation des pouvoirs et l’autonomie des institutions. Celui qui exerce l’autorité civile ne doit pas être le même que celui qui contrôle directement l’autorité militaire, même si l’armée est sous le commandement général du chef de l’Etat.
Aussi, une attention particulière devrait être accordée au recrutement des soldats et des officiers, de manière à assurer l’égalité des chances au sein de l’institution militaire et sa loyauté à l’égard de l’Etat.
Les soldats doivent être formés dès le début à être loyaux à la République, et non à une personne. A cet effet, ils devraient en particulier faire l’objet d’une formation poussée sur l’exercice de la force dans un contexte démocratique, ainsi que sur le système démocratique.
Les officiers devraient être des intellectuels plus que des baroudeurs, à l’instar de leurs homologues issus des grandes écoles militaires de par le monde. Il faudrait peut-être inverser la répartition des cours à l’académie militaire, avec un contenu à 80% intellectuel et à 20% physique.
Le côté intellectuel devrait comprendre la planification et les stratégies militaires, mais aussi la géopolitique, l’histoire, le droit, le système politique démocratique… N’importe qui ne devrait pas pouvoir devenir officier.
Par ailleurs, pour que cela soit dissuasif pour tous ceux qui seraient tentés par l’aventure putschiste, il faudrait déconstruire l’héritage de l’ancien chef de l’Etat, en particulier les mécanismes mis en place pour pomper les ressources publiques et s’enrichir de manière illégale.
Compte tenu des fortes présomptions sur l’implication de ce dernier dans des pratiques douteuses, il faudrait organiser un procès retentissant, avec une véritable enquête et une instruction sérieuse, afin de démonter le système mis en place tout au long de cette décennie. Il faudrait écouter toutes les personnes impliquées et les témoins pour remonter la piste.
Toutefois, il est impératif d’élargir les investigations à tous ceux qui en ont bénéficié ou tiré profit de telles pratiques. Mohamed Ould Abdel Aziz ne devrait pas être le souffre-douleur du pays dans son ensemble, et payer pour tous.
Le principe est très simple : ceux qui se sont enrichis de manière illégale doivent payer. Il ne doit pas s’agir d’une chasse aux sorcières, mais simplement de l’application de la loi.
Pour que cela serve d’exemple, il faudrait frapper fort, en veillant à la restitution des fonds détournés, en Mauritanie et à l’étranger, saisir les biens publics spoliés, notamment les propriétés foncières qu’il faudrait exproprier, dénoncer les accords qui ne sont pas avantageux pour le pays.
Il conviendrait aussi de mettre un terme à cette grande mystification que l’ancien chef de l’Etat aurait légué le pays à son successeur dans de bonnes conditions et que son héritage serait fait de réalisations grandioses qui auraient permis d’arrimer la Mauritanie à la modernité.
Il ne faut surtout plus qu’on laisse courir ce genre de mensonges. Refermons vite la parenthèse Mohamed Ould El Aziz mais faisons-le en tirant les enseignements de cette expérience, pour renforcer la résilience du pays face aux risques de reproduction des pratiques autoritaires.
Mohamed El Mounir
Source : Adrar Info (Mauritanie)