Ghazouani, le général Corona et Clemenceau : Qui enfourchera le cheval blanc?/Par Brahim Bakar Sneiba

Honneur et horreur deux mots qui riment, sans avoir le même sens. Leur prononciation ‘’con-sonne’’. Ils ne sont pas synonymes. Ils sont des paronymes. Ils ne sont pas considérés comme des contraires en grammaire, mais ils différent par le sentiment  qu’ils inspirent. L’un, bien sûr, l’honneur, est souhaité, aimé, cherché et recherché de tout le monde. Tout en insultant l’horreur, tous les hommes, sous tous les cieux, recherchent l’honneur. Chez les Romains, il est l’objet d’une vaste littérature. Bien des dramaturges ont traité de drames et de psychodrames tournant autour de l’honneur, de sa perte et de la crainte de le perdre. Au lycée, nous eûmes droit à un régal avec Le Cid de Corneille. Don Rodrigue, partagé entre l’amour de Chimène et le devoir incontournable de venger son père, giflé par Don Diegue, le père de Chimène. Dans Antigone de Jean Anouilh, Antigone est obligée d’enterrer son frère allant à l’encontre des décisions de son père, Œdipe, le Roi de Thèbes. Chez les Arabes, le sens de l’honneur est si aigu que l’infanticide fut un douloureux devoir. Alors  païen, Omar ibn AL khatab dût  mettre en terre sa fille vivante. Entré en Islam, le  futur khalife dira que la seule chose qui lui fit la plus grande peine est qu’au moment où il mettait sa fille en terre, la petite innocente encore vive, leva son bras pour lui épousseter sa barbe. On se rappelle que Ghays, le « fou de Leila »ne put l’épouser, puisque, question d’honneur, un homme qui déclame un poème pour une femme ne pourra plus la marier, tant les vers impudents déshonoraient  les parents de la fiancée. Cette phrase  de François premier a traversé l’histoire comme un fil rouge : « Tout est perdu fors l’honneur.» Dans sa lettre  à Louise de Savoie après la bataille de Pavie, le 25 février 1525, il écrit : « « Madame, pour vous avertir comment se porte le ressort de mon infortune, de toutes choses ne m’est demeuré que l’honneur et la vie qui est sauve. » Le sens de l’honneur culmine au hara-kiri que font les Japonais ; on voyait couplés l’honneur et l’horreur quand le suicidé se faisait enfoncer un sabre dans les entrailles.

 

Guerre non conventionnelle

Après chaque guerre, l’honneur est objet de litige  et constitue le plus grand enjeu; tous les chefs de guerre réclament tout ou partie de la paternité de la victoire. La victoire d’octobre 1973, après la traversée par les armées arabes des lignes Bar-Lev,  fut éphémère, tant les  animosités commencèrent très tôt  entre  le Président Sadate et le Général Chadhily. La controverse entre le spécialiste des transmissions et le fantassin sur la façon de casser l’encerclement de la 3émé Armée arabe, n’était que la goutte qui fit déborder le vase.

Chez nous, aujourd’hui, nous sommes en passe de remporter une guerre. Oui, une guerre, tant on peut ainsi l’appeler, la guerre du Corona. Suivant le Littré, voici la définition d’une guerre : « Lutte armée entre groupes sociaux et spécialement entre Etats, considérée comme un phénomène social ». Mais la prochaine édition du dictionnaire accepterait une nouvelle acception du mot. La nouvelle guerre a tout d’une guerre, puisque tous les moyens sont mobilisés pour tirer sur un objectif, mais nouveauté, il n’est pas un groupe social. Même pas un être visible ou ayant une forme humanoïde. Mais les ingrédients sont là : l’argent (le nerf de la guerre), les armes de tous calibres et  de tous gabarits. Des porte-avions sont mobilisés. Avec la ruse, la raison et l’argent, le gouvernement de Ghazouani a mené un combat appréciable. Mis à part de petits ratés, le pays peut être considéré comme indemne de tout virus cliniquement ou radiologiquement décelable. Le grand érudit Dedew  a fait un rêve, qui lui fait dire que la pandémie va être vaincue dans la dernière décade du Ramadhan. Ce que croyant, nous allons faire la fête. Quelqu’un a imaginé qu’il y aura un défilé militaire. Et comme on a bien des russophiles, quelqu’un rêva  que nous allons faire comme l’URSS, à l’issue de la deuxième guerre mondiale. Le 8 mai 1945, les forces allemandes capitulent devant «  le maréchal de Staline », Serguei Joukov. Lorsque les troupes alliées commencèrent les préparatifs du défilé de la victoire à Berlin, les russes harnachèrent un cheval tout- blanc. Staline fit à Joukov l’honneur de caracoler sur le cheval blanc devant les troupes à travers Berlin. Joukov de décliner l’offre, considérant que c’est Staline lui-même qui était le père légitime de la victoire. A s’en tenir à des informations prises auprès du fils de Staline, ce dernier avait bien accepté de monter sur le cheval blanc, mais seulement l’étalon blanc trop vigoureux fit tomber « le petit père des peuples ». Dans le rêve, dit le russophile, on a partout cherché un cheval blanc et bien racé ; ce qui relevait quasiment d’une gageure, sachant qu’il n’y a plus d’écuries dans nos familles princières. Finalement on en  trouvera un.

Le PR prit la bride du cheval et  pria le ministre de la Santé : « Allez-y montez, Monsieur le Ministre ; à tout seigneur tout honneur ! »

  • Le M S : M. le Président, l’honneur est à vous. C’est  par votre intelligence, votre sens de l’écoute et du patriotisme que nous avons pu endiguer l’épidémie. En peu de temps vous avez appréhendé tous les aspects du problème les plus sophistiqués. Loin d’être radin, vous avez cassé la tirelire et déversé flots d’argent.
  • Le PR : je vous ai bien dis que vous êtes des ministres ; fini le temps où  vous demandiez l’autorisation de signer un bon. Un membre du Gouvernent, s’il n’est pas un ministre devient un sinistre.
  • Le M S : Vous savez M. le Président, je ne sais pas conduire un cheval ; mon éducation est orientée vers le soufisme.
  • Le PR : Moi aussi, plus soufi que moi tu meurs, mais un homme du XXIème siècle doit tout savoir faire ; tu ne vois pas que j’ai vaincu la Qaida.
  • Le PR : MH, venez, ouvrez la marche !
  • Le M H : Monsieur le Président, nous sommes citadins depuis des siècles, nous avons construit des maisons en briques ; nous cultivons le blé sous les palmiers, et notre défense est confiée à nos alliés, les guerriers du Tagant.
  • Le PR : MIDEC, avancez !
  • Le MIDEC : Nous avions une étable pleine de chevaux et je chevauchais à merveille, d’ailleurs je participais à la compétition du 28 novembre. Mais avec les eaux de bassins, j’ai un problème de bassin.
  • Le PR : Ah ! Les Almoravides, les Béni Hassanes, l’empire de Ghana ; le Tekrour ! Que sais-je ? Hum ! Plus aucun cavalier ?
  • Le MEJS : M. Le PR, je savais monter à cheval, mais j’ai dû désapprendre ? Je risque de tomber.

(Il mit le pied à l’étrier mais resta suspendu sur le flanc du cheval)

  • PR (choqué) : Personnes ?

(Tous les Ministres répondirent à l’unisson) :

  • Monsieur le Président, veuillez le garder pour votre victoire du troisième mandat.
  • Vous êtes fous ! Quel troisième mandat ? ; je ne ferais que deux, après avoir mis le pays sur les rails pour le progrès et le bien-être de mes compatriotes ; j’irai chez moi  « cuire mes sourates » pour préparer une place au Paradis. L’essentiel est que j’ai vaincu le Général Corona. Qui avait dit que «  la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires » ? Clemenceau ? Il a faux !

Fin du rêve.