La question du Sahara : le mémoire de la République Islamique de Mauritanie devant la Cour de justice internationale (Début)

Avertissement – Après avoir commencé de publier les entretiens qui en 2001 m’ont mis à jour sur l’évolution du pays depuis le putsch de 1978 et sur les prodromes de celui-ci, Le Calame va reprendre la publication des documents diplomatiques français tant sur la période fondatrice de 1960 à 1978 en politique surtout intérieure que sur la question et la guerre du Sahara. Mais la meilleure réintroduction à celles-ci est le mémoire soutenu par la Mauritanie devant la Cour internationale de Justice en 1975. C’est aussi un rappel de l’histoire nationale avant l’arrivée des Français et leur prise de possession. Feu Mohamed Ould Maouloud Ould Daddah m’a fait la confiance et l’honneur de me dire en 2003-2005 les résultats de cette recherche sur ces antécédents. Je m’acquitterai bientôt de ce devoir – avec un grand retard que je prie sa belle mémoire de me pardonner. Ce mémoire établissant juridiquement la Mauritanie chez elle dans la possession espagnole, fait partie de cette œuvre publiée posthume.    

Le partage de fait de la Mauritanie entre la France et l’Espagne a été un des éléments du désintéressement de la seconde par la première qui visait le Maroc dans son entier, puisqu’elle était déjà établie en Algérie puis en Tunisie. L’indépendance du Maroc, puis de la Mauritanie aurait dû opérer le mouvement inverse pour les territoires, bien moindre de superficie et de population qu’avait obtenus l’Espagne cinquante ans auparavant. Il en fut ainsi pour le Maroc septentrional, et plus tardivement pour l’enclave méridionale d’Ifni.

 

Le miracle qu’opéra Moktar Ould Daddah fut d’obtenir de Hassan II qui avait initialement espéré troquer la reconnaissance de la République Islamique de Mauritanie contre le désintéressement de celle-ci à propos des possessions espagnoles résiduelles, un condominium économique sur le Sahara occidental et une partie substantielle du territoire de manière à ne pas couper les terrains de parcours des collectivités mauritaniennes du Tiris et à éloigner toute frontière de la voie ferrée de dégagement du minerai extrait de la Kedia d’Idjill. Il a fallu qu’un petit nombre d’officiers supérieurs surprenne la confiance du père fondateur  en leur civisme pour intégrer les forces armées dans le système politique du développement social et unitaire du pays et en leur patriotisme pour soutenir la guerre intentée par l’Algérie contre la Mauritanie, détruise ce système en Juillet 1978 et prive les Mauritaniens et les collectivités du nord d’une partie de leur territoire atavique.

 

Le mémoire présenté par la Mauritanie devant la Cour internationale de Justice, saisie à titre consultatif, est postérieur  à l’échange  secret de lettres entre les deux chefs d’Etat, échange prévoyant un partage territorial et un condominium économique. Ces lettres n’ont pas été publiées et encore moins ont-elles jamais été évoquées autrement que par les mémoires de Moktar Ould Daddah. En revanche, la présentation mauritanienne à La Haye a été publique et pendant les entretiens qu’en Décembre 2003 puis Décembre 2005, m’accorda chez lui, à Aïn Selama, le très regretté Mohamed Ould Maouloud Ould Daddah, celui-ci me prêta son exemplaire. Je ne lui ai pas alors demandé quels avaient été – en dehors de lui – les autres rédacteurs du mémoire. Pour la partie introductive notamment. Il est certain cependant que l’essentiel du dispositif est de lui, c’est-à-dire l’exposé proprement dit des droits historiques et géographiques de la Mauritanie sur le nord-ouest de son territoire.

 

Le texte (156 pages dactylographiées plus une trentaine pour les annexes) que m’avait prêté mon éminent ami – et que j’ai copié il y a maintenant dix ans – est corrigé de sa main, c’est donc cette version que je retiens. Les notes et références du mémoire sont en bas de page pour l’original, elles sont placées en fin du document dans cette publication pour correspondre au format d’un journal.

Bertrand Fessard de Foucault, alias Ould Kaïge

 

 

EXPOSE  ECRIT

DE

LA  REPUBLIQUE  ISLAMIQUE  DE  MAURITANIE

 

DANS  L’ AFFAIRE  DU  SAHARA  OCCIDENTAL

 

Mars 1975

 

 

 

AVERTISSEMENT

 

Les noms arabes cités dans le présent mémoire proviennent de sources diverses : espagnole, française ou anglaise. Les transcriptions diffèrent sensiblement selon les sources. Aucun essai d’uniformisation n’a été tenté. On s’est borné – pour rester fidèle aux documents originaux utilisés – à reprendre les orthographes adoptées dans lesdits documents. Toutefois, dans un appendice au présent mémoire, on trouvera un index reprenant les diverses orthographes utilisées dans le mémoire, les mettant en concordance et indiquant l’orthographe française usuelle en Mauritanie. On fournira aussi une indication sommaire sur la catégorie dont relève le nom (nom de lieu, de région, de tribu, de personne, etc.).

 

 

INTRODUCTION

 

Par sa Résolution 3292 (XXIX) du 13 décembre 1974, l’Assemblée générale des Nations Unies a saisi la Cour internationale de Justice d’une demande d’avis consultatif relative au « Sahara occidental » dont les principales dispositions sont les suivantes :

 

« L’Assemblée générale,

Constatant qu’une controverse juridique a surgi au cours des débats au sujet du statut dudit territoire au moment de sa colonisation par l’Espagne,

Considérant, dès lors, qu’il est hautement souhaitable que l’Assemblée générale obtienne, pour poursuivre l’examen de cette question lors de sa trentième session, un avis consultatif sur certains aspects juridiques importants du problème,

Prenant note de l’Article 96 de la Charte des Nations Unies et de l’article 65 du Statut de la Cour internationale de Justice,

1. Décide de demander à la Cour internationale de Justice, sans préjudice de l’application des principes contenus dans la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale, de donner, à une date rapprochée, un avis consultatif sur les questions suivantes :

«  I. Le Sahara occidental (Rio de Oro et Sakiet El Hamra) était-il, au moment de la colonisation par l’Espagne, un territoire sans maître (terra nullius) ? »

Si la réponse à la première question est négative,

II. Quels étaient les liens juridiques de ce territoire avec le Royaume du Maroc et l’ensemble mauritanien ? »

2. Demande notamment à l’Espagne, en tant que Puissance administrante en particulier, ainsi qu’au Maroc et à la Mauritanie, en tant que parties concernées, de soumettre à la Cour internationale de Justice tous renseignements ou documents pouvant servir à élucider ces questions : . . . »

 

 

RAPPEL  DES  CIRCONSTANCES  AYANT  CONDUIT  A  LA DEMANDE  D’AVIS

 

Il convient de rappeler brièvement les circonstances qui ont conduit l’Assemblée générale des Nations Unies à introduire la présente demande d’avis auprès de la Cour internationale de Justice.

 

Le mardi 17 septembre 1974, dans une conférence de presse, Sa Majesté le Roi Hassan II du Maroc suggérait que le différend relatif au Sahara occidental soit porté devant la Cour internationale de Justice [i]. A la suite de cette conférence de presse, le ministre marocain des Affaires étrangères a, dans une déclaration faite le 30 septembre 1974 devant l’Assemblée générale, invité le gouvernement mauritanien à se joindre à l’initiative marocaine. En même temps, le ministre marocain des Affaires étrangères déclarait :

 

« La Mauritanie est intéressée à l’avenir du Sahara et ne peut être qu’associée en raison de ses droits – au règlement et à l’issue du litige qui oppose le Maroc et la Mauritanie à l’Espagne. »  [ii]

Constatant qu’une controverse juridique a surgi au cours des débats au sujet du statut dudit territoire au moment de sa colonisation par

Le ministre mauritanien des Affaires étrangères, M. Ould Mouknass, répondit en ces termes à l’invitation marocaine :

 

« . . . Mon pays, qui demeure plus que jamais animé par la même volonté, ne saurait ne pas répondre favorablement à l’appel qui lui a été lancé hier, au nom du Gouvernement marocain, par mon collègue et frère M. Ahmed Laraki, ministre des Affaires étrangères du royaume du Maroc. Nous le faisons avec d’autant plus d’aisance et de sérénité que le Gouvernement marocain a expressément reconnu nos droits sur cette région saharienne. Nous le faisons aussi car nous avons la certitude qu’au-delà des malentendus passagers entretenus par le colonialisme, les deux peuples mauritanien et marocain ont hautement conscience de leur responsabilité contre le colonialisme qui continue à dominer les territoires du Rio de Oro et de Saguiet El Hamra. La Mauritanie, qui comprend les motifs légitimes du Gouvernement marocain, déclare que le seul problème, à l’heure actuelle, est la libération de ces territoires, libération qui renforcera l’entente la coopération entre nos deux peuples.

Nous disposons de preuves historiques, juridiques, linguistiques et humaines suffisantes qui démontrent que ce territoire n’était pas une terre sans maître ni administration. C’est pourquoi le Gouvernement mauritanien accepte le recours à la Cour internationale de Justice dont l’avis ne pourra qu’éclairer l’Assemblée générale sur le bien-fondé de notre position et lui permettre de mettre correctement en application les résolutions votées.  . . .»[iii]

 

 

COMMENT  S’EST  POSEE  JUSQU’A  PRESENT  LA  QUESTION DU SAHARA  OCCIDENTAL  DEVANT  L’ ASSEMBLEE  GENERALE  DE  L’O.N.U. ?

 

Conformément à la Charte des Nations Unies (chapitre XI), le Sahara occidental est un territoire non autonome au sujet duquel des renseignements doivent être transmis régulièrement à l’Assemblée générale par la puissance administrante. C’est ce que l’Espagne a fait depuis 1961.

 

Pour sa part, à partir de 1965, l’Assemblée générale de l’O.N.U. allait demander à la puissance administrante de prendre immédiatement certaines mesures pour la décolonisation du Sahara espagnol. Ces mesures allaient être répétées ensuite et précisées dans diverses résolutions [iv].

 

Dès 1965, l’Assemblée générale traitant en même temps du problème du Sahara espagnol et de celui d’Ifni, priait le gouvernement espagnol, puissance administrante, de prendre immédiatement des mesures pour décoloniser le territoire et « d’engager des négociations sur les problèmes relatifs à la souveraineté que posent ces deux territoires. » [v]

 

L’année suivante, la résolution ne parle plus de problèmes de souveraineté mais « réaffirme le droit inaliénable des peuples d’Ifni et du Sahara espagnol à l’autodétermination, conformément à la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale » (§ 1) et invite la puissance administrante à organiser un referendum sous le contrôle d’une mission spéciale nommée par le secrétaire général de l’O.N.U. :

 

« L’Assemblée générale,

4 . Invite la Puissance administrante à arrêter le plus tôt possible, en conformité avec les aspirations de la population autochtone du Sahara espagnol et en consultation avec les Gouvernements marocain et mauritanien et toute autre partie intéressée, les modalités de l’organisation d’un referendum qui sera tenu sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies afin de permettre à la population autochtone du territoire d’exercer librement son droit à l’autodétermination et, à cette fin :

a) De créer un climat politique favorable pour que le referendum se déroule sur des bases entièrement libres, démocratiques et impartiales en permettant entre autres, le retour des exilés dans le territoire ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que seuls les habitants autochtones du territoire participent au referendum ;

c) De s’abstenir de toute action de nature à retarder le processus de décolonisation du Sahara espagnol ;

d) De fournir toutes les facilités nécessaires à une mission des Nations Unies pour qu’elle puisse participer activement à l’organisation et au déroulement du referendum ;

5 . Prie le Secrétaire général, agissant en consultation avec la Puissance administrante et le Comité spécial, de nommer immédiatement une mission spéciale qui sera envoyée au Sahara espagnol en vue de recommander des mesures pratiques touchant l’application intégrale des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale et notamment de décider dans quelle mesure l’Organisation des Nations Unies participera à la préparation et à la surveillance du referendum . . . » [vi]

 

Les résolutions de 1967 et de 1968 [vii] lancent les mêmes invitations à la puissance administrante et au secrétaire général.

 

En 1969, l’Assemblée générale

« regrette que les consultations auxquelles la puissance administrante devait procéder au sujet de l’organisation d’un referendum au Sahara dit espagnol n’aient pu encore avoir lieu. » [viii]

 

L’Assemblée invite à nouveau la puissance administrante à organiser un referendum ; elle lui demande, en outre, de respecter les résolutions de l’Assemblée relatives aux activités des intérêts étrangers économiques et autres, opérant dans les pays et territoires coloniaux pour ne pas retarder la décolonisation [ix].

 

A la session suivante, la mission n’ayant été ni constituée, ni envoyée, le referendum n’ayant pas eu lieu, l’Assemblée introduit de nouveaux dispositifs dans sa résolution. Après avoir réaffirmé le droit d’autodétermination de la population du Sahara espagnol, elle invite tous les Etats à s’abstenir de faire des investissements dans le territoire, elle reconnaît la « légitimité de la lutte que les peuples coloniaux mènent pour l’exercice de leur droit à l’autodétermination et au libre choix et prie tous les Etats de leur apporter toute l’aide nécessaire » [x].

 

La résolution suivante [xi] date de 1972, elle met l’accent sur le droit à l’autodétermination et à l’indépendance de la population du Sahara [xii].

 

La résolution de 1973, tout en insistant moins sur la solution de l’indépendance, réaffirme l’attachement de l’Assemblée générale au principe de l’autodétermination, continue à proclamer la légitimité de la lutte des peuples coloniaux et exprime sa solidarité avec les populations du Sahara sous administration espagnole. On notera incidemment que ces populations ne sont toutefois pas qualifiées de peuple colonial.

 

Le règlement préconisé par les Nations Unies, relatif à la décolonisation, qu’il porte sur la question de souveraineté (résolution 2072 – XX) ou sur celle de l’autodétermination de la population, n’a pas été mis en œuvre par l’Espagne.

 

 

 

LA  NON-APPLICATION DES  RESOLUTIONS  PAR  L’ESPAGNE

 

La puissance administrante n’a pas mis en œuvre les résolutions de l’Assemblée générale. Les populations autochtones du Sahara espagnol n’ont pas été mises en mesure d’exercer leur droit à l’autodétermination dans les conditions de sérieux et d’authenticité requises par l’Assemblée. Bien au contraire, la puissance administrante poursuit dans ce territoire une politique de fait accompli allant à l’encontre des intérêts des populations tels qu’ils ont été réaffirmés dans les nombreuses résolutions des Nations Unies. Le gouvernement de la République Islamique de Mauritanie a eu à dénoncer à plusieurs reprises une telle politique [xiii].

 

L’annonce d’un referendum par l’Espagne, dans les premiers mois de 1975, sans le contrôle de la Commission de l’O.N.U. qui n’a pas encore eu accès au territoire et sans la concertation, exigée par l’Assemblée, avec la République Islamique de Mauritanie et le Royaume du Maroc, pays directement intéressés, tend à mettre ceux-ci, comme l’Assemblée, devant un fait accompli.

 

 

LES DROITS PARTICULIERS DE  LA  REPUBLIQUE  ISLAMIQUE  DE  MAURITANIE

 

Ces circonstances ont amené le gouvernement mauritanien à réaffirmer les liens juridiques qui unissent la colonie espagnole du Sahara occidental à la République Islamique de Mauritanie. En effet, il s’agit là d’une partie du Sahara qui, à l’époque de la colonisation, a été distraite de l’ensemble mauritanien avec lequel elle forme depuis toujours une seule et même entité ethnique, géographique, culturelle et historique..

 

Partant de ces liens multiples, le gouvernement mauritanien s’est donné très tôt comme priorité la récupération de cette partie de son territoire national. C’est ainsi qu’au lendemain de l’accession de la Mauritanie à l’autonomie interne, celui qui allait devenir le Président de la République Islamique de Mauritanie, S.E. Moktar Ould Daddah, alors Vice-président du Conseil, exprimait le 1er juillet 1957 à Atar [xiv] la nécessité de réunir tous les frères mauritaniens :

«  . . . c’est ici que je m’adresse plus particulièrement à nos frères du Sahara espagnol. Je ne peux m’empêcher d’évoquer les innombrables liens qui nous unissent : nous portons les mêmes noms, nous parlons la même langue, nous conservons les mêmes nobles traditions, nous vénérons les mêmes chefs religieux, faisons paître nos troupeaux sur les mêmes pâturages, les abreuvons aux mêmes puits.

. . . Je convie donc nos frères du Sahara espagnol à songer à cette grande Mauritanie économique et spirituelle à laquelle nous ne pouvons pas ne pas penser dès maintenant. . .  Je leur adresse et je vous demande de le leur répéter, un message d’amitié, un appel à la concorde de tous les Maures de l’Atlantique à l’Azaouad et du Draa aux rives du Sénégal. . . J’engage nos frères du Tiris, de l’Adrar Soutoff, du Zemmour, de Khat (actuel Sahara Espagnol) à se tourner ensemble vers un avenir commun, à partager avec nous les heureuses perspectives que nous réservent l’exploitation des richesses de notre sol et la mise en valeur de notre pays. » [xv]  [xvi]

 

Depuis 1961, date de l’admission de la Mauritanie aux Nations Unies, le gouvernement mauritanien ne s’est jamais départi de cette position comme en témoignent les nombreux documents de l’Organisation.

 

Le Président de la République Islamique de Mauritanie a constamment rappelé cette position du gouvernement mauritanien dans ses discours prononcés à l’occasion de la fête nationale du 28 novembre. Déjà en 1963, il déclarait :

 

«  l’attitude du gouvernement espagnol face au problème colonial, permet d’escompter que nous parviendrons à définir la solution qui permettra, le moment venu, de régler le problème du Sahara espagnol, partie intégrante du territoire national, en plein accord et dans l’amitié. » [xvii]

 

Encore tout récemment, par une note verbale du 19 août 1974, le ministère des Affaires étrangères à Nouakchott croyait utile de rappeler que :

 

«  La République Islamique de Mauritanie a toujours considéré et considèrera toujours le Sahara sous administration espagnole, comme une partie intégrante de son territoire national . . .

A la suite de l’action menée sur le plan international par le Maroc, le gouvernement mauritanien, à travers le Secrétariat général de l’O.N.U., le Secrétariat général de l’O.U.A., le Secrétariat général de la Conférence islamique, le Bureau des Non-alignés, attire l’attention des pays frères ou amis qu’il n’a pas renoncé et ne renoncera pas à ses droits sur le Sahara sous domination espagnole qu’il a toujours considéré comme partie intégrante de son territoire national. »

 

En même temps, le gouvernement mauritanien réitérait « son attachement sincère au respect fidèle de la volonté librement exprimée des populations concernées » [xviii].

 

 

 

Les déclarations faites par les ministres des Affaires étrangères de la Mauritanie et du Maroc comme les interventions des représentants des deux pays devant la Quatrième Commission ont évidemment inspiré les questions posées par l’Assemblée générale à la Cour internationale de Justice.

 

Il convient de noter à ce propos qu’aux termes mêmes de la Résolution 3292 (XXIX), les « deux pays se sont reconnus mutuellement intéressés au devenir du territoire ».

 

D’autre part, les questions posées révèlent le souhait de l’Assemblée générale de connaître les éléments de fait et de droit dont elle peut, le cas échéant, tenir compte dans la politique à suivre pour la décolonisation de ce territoire. Elle peut notamment prendre en considération les liens juridiques existant, au moment de la colonisation, entre le Sahara occidental, le Royaume du Maroc et l’ensemble mauritanien.

 

C’est peut-être pour ces raisons que l’Assemblée générale a demandé à la puissance administrante de :

 

«  Surseoir au referendum qu’elle a envisagé d’organiser au Sahara occidental, tant que l’Assemblée ne se sera pas prononcée sur la politique à suivre pour accélérer . . . la décolonisation du territoire . . . à la lumière de l’avis consultatif donné par la Cour internationale de Justice. » [xix]

 

L’exercice du droit à l’autodétermination des populations du Sahara peut, en effet, aux termes des Résolutions 1514 (XV) et 1541 (XV) être envisagé de plusieurs manières.

 

A côté de l’indépendance, la Résolution 1541 (XV) du 15 décembre 1960 a prévu la libre association à un Etat indépendant (principe VII) ou l’intégration à un Etat indépendant (principe VIII). La déclaration sur les relations amicales d’octobre 1970 a mentionné à nouveau ces modalités de décolonisation en y ajoutant le cas du territoire qui acquiert tout autre statut politique librement décidé par le peuple.

 

Au surplus, le paragraphe 6 de la déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux (1514 XV du 14 décembre 1960) stipule expressément :

 

«  Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et principes de la Charte des Nations Unies. »

 

C’est donc dans le but d’éclairer l’Assemblée sur l’existence de certains points de fait et de droit au moment de la colonisation, et de l’aider ainsi à choisir certaines modalités de décolonisation du territoire du Sahara occidental que la Cour est amenée à examiner si, à cette époque, le territoire était res nullius et dans la négative, quels étaient ses liens avec le Maroc et l’ensemble mauritanien ?

 

 

À suivre – PREMIERE  PARTIE

 

 

 

 

 

[i] – Le Monde, 19 septembre 1974.

 

[ii] – A/PV . 2249, p. 97.

 

[iii] – A/PV. 2251, p. 83.

 

[iv] – 2072 (XX) du 16 décembre 1965 ; 2229 (XXI) du 20 décembre 1966 ; 2354 (XXII) du 19 décembre 1967 ; 2428 (XXIII) du 18 décembre 1968 ; 2591 (XXIV) du 16 décembre 1969 ; 2711 (XXV) du 14 décembre 1970 ; 2983 (XXVII) du 14 décembre 1972 ; 3162 (XXVIII) du 14 décembre 1973.

 

[v] – 2072 (XX) du 16 décembre 1965.

 

[vi] – 2229 (XXI) du 20 décembre 1966.

 

[vii] – résolutions 2354 (XXII) du 19 décembre 1967 et 2428 (XXIII) du 18 décembre 1968.

 

[viii] – 2591 (XXIV) du 16 décembre 1969, § 3.

 

[ix] – 2591 (XXIV) du 16 décembre 1969, § 4.

 

[x] – 2711 (XXV) du 14 décembre 1970.

 

[xi] – il n’y a pas eu de résolution en 1971, mais une décision renvoyant la question à la 27ème session.

 

[xii] – 2983 (XXVII) du 14 décembre 1972.

 

[xiii] – A.AC.109/480 du 26 février 1975.

 

[xiv] – chef-lieu de l’émirat de l’Adrar.

 

[xv] – Maître Moktar OULD DADDAH, Discours et interventions, République Islamique de Mauritanie

 

[xvi] observation BFF – curieusement la version donnée par le mémoire du discours d’Atar omet deux passages dans l’extrait cité :    et omet quelques-uns des territoires visés : « la Séguia El Hamra, de l’Imrikli, de la Gaad et du Chebka »

 

[xvii] – idem

 

[xviii] – voyez aussi le discours du ministre des Affaires étrangères, M. OULD MOUKNASS, le 1er octobre 1974, à l’Assemblée générale de l’O.N.U., A/PV. 2251 , pp. 81 – 82

[xix] – résolution 3292 (XXIX), § 3.

Source:Le Calame