Déclaration | En finir avec l’esclavage en Mauritanie : De la commémoration à la poursuite du combat

Déclaration | En finir avec l’esclavage en Mauritanie : De la commémoration à la poursuite du combat Le 6 mars, journée de la lutte contre l’esclavage, célèbre, surtout, l’enracinement de l’égalité citoyenne, pour l’abolition des privilèges de naissance et l’éradication de toute forme d’exploitation de l’être humain, quelles qu’en soient les motivations, raciales, religieuses ou de rentabilité économique.

Le Forum des organisations nationales des droits de l’Homme (Fonadh), où militent les plus importantes associations de lutte contre la servitude s’efforce, depuis sa création en 2000 d’enraciner la culture de l’Etat de droit et de la gouvernance vertueuse, grâce à la consolidation des acquis démocratiques ; il œuvre à rendre irréversible la marche vers une société dans laquelle l’individu-citoyen exerce son libre-arbitre et obéit aux lois qui sont les mêmes pour tout le monde, à l’abri de la moindre discrimination.

Certes, plusieurs normes de pénalisation de l’esclavage et des pratiques connexes ont été adoptées par la Mauritanie et des tribunaux spéciaux ont été créés mais en vain : le phénomène persiste ; l’appareil d’Etat et une partie de l’opinion s’obstinent à l’occulter, pour mieux assurer la reproduction du système d’hégémonie ethno-sociale sur lequel repose l’ordre dominant, depuis des siècles.

Or, outre le frein à la libération des énergies et des capacités rationnelles au sein de la fraction la plus laborieuse de la population, l’esclavage – brut ou en ses manifestations secondaires – mine la cohésion du pays.

Ainsi, parmi les opprimés montent, de jour en jour, la frustration et l’acrimonie qui en résulte. Malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation, l’exigence de sanction exemplaire fait encore défaut : les auteurs de la pratique honteuse, les victimes et le personnel en charge d’appliquer les lois s’observent, dans la perpétuelle méfiance que dictent les déterminismes de l’appartenance et de l’identité.

En particulier les magistrats, agents de l’administration civile et officiers de police judiciaire demeurent tributaires de l’ordre ancien, quand ils sont issus de milieux esclavagistes.

Il prévaut, entre eux, un réflexe de solidarité qui se traduit, souvent par la grève du zèle, la manipulation des preuves ou la pression tribale sur les plaignants, tant et si bien que le droit se trouve circonscrit aux marges de la vie sociale, presque vidé de sa substance éthique.

Sur 17 affaires initiées par SOS-Esclaves en 2013-2016, seulement deux se sont soldées par des condamnations pénales, d’ailleurs extrêmement légères au regard de la loi en vigueur et de l’atrocité des actes commis.

Oui, la société mauritanienne est malade de l’esclavage ; les serviteurs, leurs maitres et les descendants des deux ont besoin, ensemble, d’une thérapie par l’action où la pédagogie du vivre-ensemble se conjugue à la réfutation du sentiment de supériorité, à l’origine du racisme hérité et transmis, d’une génération à la suivante.

Aussi, le Fonadh exhorte-t-il le gouvernement à mobiliser tous les moyens (notamment matériels) pour éradiquer cette tare et rétablir les équilibres de la paix par la justice, dans un environnement débarrassé de l’impunité, réceptif à l’innovation, dont le mérite et l’utilité sociale constituent le premier fondement.

Nouakchott, le 6 mars 2017

Les organisations membres du FONADH signataires

• Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH)

• Collectif des Rescapés Anciens Détenus Politiques Civils Torturés (CRADPOCIT)

• Collectif des Veuves

• Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des droits de l’homme (CSVVDH)

• Groupe d’Etudes et de Recherches sur la Démocratie et le Développement Economique et Social (GERDDES)

• Ligue Africaine de Droits de l’Homme / Section Mauritanie

• Regroupement des Victimes des Evénements 89 -91 (REVE)

• SOS-Esclaves

• Association Des Femmes Chefs de Familles (AFCF)

• Association Mauritanienne pour la Promotion de la Culture et de la Langue Sooninke (AMPCLS)

• Association pour la Renaissance du Pulaar en R.I.M (ARPRIM)

• Association pour la Promotion de la Langue Wolof en RIM (APROLAWORIM)

• Association d’Appui au Développement à la Base des Communautés (SALNDOU)

• Association pour le Développement Intègre de l’Enfant (APDE)

• Association pour le Renforcement de la Démocratie et l’Education Citoyenne (ARDEC)

• Ligue Mauritanienne des Droits de l’Homme(LMDH)

• Collectif des Anciens Fonctionnaires de la Police Victimes des Evénements de 1989

• Union Nationale des Rapatriés Mauritaniens du Sénégal (UNRMS)

Source : FONADH