A la suite de la parution du communique d’Amnesty international ( France) : « L’apostasie relance la peine de mort enMauritanie » (http://adrar-info.net/?p=32210 ) DrMariella Villasanteanthropologue spécialiste de la Mauritanie a apporte le commentaire suivant :
Le communiqué d’Amnesty International (France) est très important pour coordonner le soutien légal indispensable à Mohamed Cheikh Ould Mkhaitirpour montrer son innocence. En particulier, il devra avoir le droit d’avoir des avocats mauritaniens ou étrangers qui assument sa défense, ce qui n’est pas le cas encore.
Je dois noter aussi que la délégation du Haut Commissariat aux Droits humains de Mauritanie défend depuis le début Ould Mkhaitir devant la justice mauritanienne. Deux petites remarques d’un point de vue anthropologique. La société mauritanienne, dans toutes ses composantes nationales, n’est pas organisée en « castes », mais en groupes statutaires qui distinguent la condition de liberté et la condition du passé servile.
Au sein de la condition de liberté on distingue les groupes qui se donnent un statut religieux et ceux qui se donnent un statut guerrier. Les groupes de métier sont composés par les artisans et par les musiciens, avec des spécialités particulières.
D’autre part, les artisans et les musiciens, très réduits du point de vue démographique, ne vivent pas comme des « citoyens de seconde zone, entre les nobles et les anciens esclaves ». Ces groupes sont considérés comme extérieurs aux ensembles de la qabila et du lignage, et de ce fait ils peuvent être exclus de l’assabiyya et de la sahwa. Cependant, leur position en tant que personnes libres sans passé servile les place en relation proche avec les anciens protecteurs.
Rappelons encore que la hiérarchie statutaire en Mauritanie a commencé à se transformer, et que nous observons actuellement les mouvements de revendication d’égalité sociale, garantie par la Constitution. La situation légale des groupes serviles a été amélioré par la Loi contre les pratiques esclavagistes de 2007 et devra être améliorée par le projet de loi qui sera débattu au Parlement en juin 2015.
Si les lois sont indispensables pour garantir l’égalité citoyenne, le changement des mentalités, l’adoption pleine des valeurs républicaines et modernes, est un processus long qui nécessite d’être compris et débattu par la société civile. L’État peut favoriser ce mouvement en déployant des campagnes nationales pour l’égalité et pour la république, et pour inclure dans la nation tous les groupes démunis du pays.
Dr Mariella Villasante (Rabat, le 9 mai 2015)