Profil de cas : la haine de la honte

Nous sommes quatre millions de mauritaniens noirs ou blancs. Noirs, (noirs), maures (noirs) et maures (blancs). Depuis 1966, date du début du « commencement », des difficultés de cohabitation entre nous (maures et noirs), nous évoluons en direction d’un échec lamentable.

Nous ne nous aimons plus vraiment les uns et les autres. Le constat est amer mais c’est comme ça. Nous nous acceptons malgré nous. La nuance est de taille. Le malheur dans tout cela, c’est que nous ne nous aimons que selon des variantes de nos besoins les uns des autres.

Lorsque nous sommes parfois « unis », nous le sommes plutôt pour des pactes ou des alliances d’intérêts. Il arrive par exemple qu’un maure (blanc) se marie avec une noire que celle-ci soit noire (noire) ou noire harratine, (s’il n’est pas son maître).

Il arrive aussi qu’un noir hartani se marie avec une mauresque mais c’est toujours très très compliqué. Une noire (noire) qui se marie avec un hartani c’est tellement courant que ça passe inaperçu.

On peut être un Soninké et se marier avec une halpoular c’est du déjà vu et c’est fréquent dans le Gorgol et dans le Guidimakha. On peut être un Wolof et se marier avec une Halpoular ou une hartaniya. C’est un genre de mariage mixte devenu standard.

On peut être soninké et se marier avec une mauresque blanche mais c’est très rare car le cas relève d’un l’exploit extrêmement difficile à réaliser aussi bien pour l’un que pour l’autre des éléments du couple. Mais par exemple un soninké (trop pingre) peut se marier avec une hartaniya ou une poular « bas de caste » pour des économiques.

Toutes ces combinaisons dans les mariages mixtes sont possibles. Elles sont possibles surtout dans un environnement géographiquement localisé et surtout en fonction de configurations géopolitiques et sociales favorisées par une certaine proximité. Dans le Sud par exemple, soninkés et poulars peuvent contracter des mariages avec des mauresques noires par intérêts économiques, politiques ou sociaux. Ces mariages généralement sont décidés pour perpétuer des relations de bon voisinage.

Unis par la Constitution et séparés par les discriminations.

Nous sommes quatre millions d’habitants et nous nous partageons un seul et même territoire. Nous sommes régis par la même constitution. Cette Constitution bâtie sur un socle qui date de 1959, a été « rechemisée » en 1961, « peinturée » en 1985 puis « congelée » jusqu’en 1991.

Elle a été suspendue lors de la « passe » difficile de 2005, avant d’être amendée et rétablie en 2006. C’est cet amendement, un exploit qui avait réduit de deux ans la durée du mandat présidentiel et avait « verrouillé » la limite du mandat à deux. Heureusement d’ailleurs.

Recadrée en 2012 suite à l’accord « arnaque » de Dakar, notre Constitution avait, à cette date suite à une très forte pression de l’opposition exercée sur le régime de Ould Abdel Aziz, reconnu la pluralité ethnique et l’interdiction de l’esclavage dans le pays.

Mais cette Constitutions ballotée depuis 1959, par exemple n’oblige pas un soninké à aimer un maure, ou un maure à aimer un wolof. Elle n’oblige pas un halpoular à aimer un soninké. C’est une constitution qui prône la « self-relation » qui permet à chaque mauritanien de vivre sa vie comme il l’entend et d’aimer qui il veut, ou de détester qui il veut. Ce n’est pas anticonstitutionnel.

Depuis 1959, et ça a toujours été comme ça, les mauritaniens, malgré leurs divergences parfois très profondes ont toujours vécus soudés et unis dans un environnement de cohésion nationale qui assure à chacun un respect pour l’autre quel que soit sa race et sa couleur.

C’est pourquoi, les mauritaniens ont toujours vécus comme les enfants des blocs manivelle de Nouakchott, comme des enfants de Guataga de Kaédi, les enfants du Silo de Sélibaby, ceux de N’Diourbel de Rosso, de la Khadhima de Kiffa, de la Batha d’Aioun, d’Argoub de Tidjikdja, de Ghanamrite d’Atar ou de Guiranes de Nouadhibou.

Ce qui s’est passé en 89 est très grave, douloureux, regrettable. Ces événements ont certes provoqués une déchirure profonde dans notre tradition millénaire du vivre ensemble léguée par nos ancêtres.

Ces événements nous marqueront à vie parce qu’ils nous ont blessés dans notre chaire nous tous, que nous soyons blancs ou noirs. Pulaars, Wolofs, Soninkés ou maures. Mais fort heureusement pour nous, en bons musulmans nous avons depuis toujours essayés d’oublier même si nous n’arrêterons jamais de réclamer justice, vérité et réconciliation pour enterrer le mal qui a alité notre fraternité.

Malheureusement, depuis quelques temps on constate que la haine, le racisme extrémiste et la ségrégation sous des formes de plus en plus graves polluent notre environnement du Vivre Ensemble encore fragilisé par des événements sanglants en 1989. Cette propagande qui tend à monter des communautés contre d’autres complique une situation déjà trop compliquée.

Quand un chien aboie croyant que la caravane va passer.

Dans un enregistrement audio, largement partagé sur les réseaux sociaux, un maure blanc raciste -(il faut appeler les choses par leur nom)-, Ahmed Mahfoudh Ould Nah, a appelé à l’extermination et à la déportation massive des halpoulars.

C’est une déclaration abjecte et d’une ignominie inimaginable. Cet appel à la haine raciale n’a pas passé. Et il ne passera pas, parce qu’il a été difficile à avaler même pour les racistes maures qui regardent en chiens de faïence les noirs depuis 1966.

Les propos tenus par ce délinquant drogué par la haine et le racisme sont d’une telle violence et d’une telle gravité qu’ils prouvent bien, qu’encore de nos jours certains maures arabes sont atteints d’une forme de rage raciale contre laquelle les pouvoirs publics doivent administrer un remède paralysant très efficace, pour que plus jamais, cette prophylaxie ségrégationniste qui ronge le cœur de certains malades mentaux ne se reproduise plus sous forme que se soit dans notre pays.

Ahmed Mahfoudh Ould Nah, un soi-disant intellectuel a écrit sa propre histoire sur l’une des pages déjà sombres de notre histoire. L’histoire que croit pouvoir forger ce malade mental atteint d’un syndrome incurable d’un complexe de race l’a poussé à « pisser » sur les réalités et les vérités historiques du passé de la Mauritanie plurielle.

Ses propos, même s’ils étaient tenus par un malade mental reconnu cliniquement comme tel, sont inadmissibles et surtout impardonnables. A plus forte raison qu’ils viennent d’un homme saint d’esprit, qui jouit de toutes ses facultés mais qui cherche simplement à s’illustrer par un cynisme abject à l’égard de nos parents de l’ethnie poular.

Nous pouvons, ne pas nous aimer les uns les autres comme je l’ai dit. Nous pouvons même nous détester les uns les autres. Mais aucun de nous, quel qu’il soit n’est investi d’un droit quelconque qui doit le pousser à douter même un seul instant du droit inaliénable de chacune de nos communautés d’appartenir à part égale et entière à cette Mauritanie bâtie sur une diversité ethnique historique, et légendaire qui est soudée sur des valeurs morales et sociales de fraternité.

Quand un raciste usurpe des réalités historiques incontestables.

Ce que Ould Nah a fait, quelles que soient les raisons qui l’ont poussé à le faire, n’est pas une provocation injurieuse qui vise uniquement les Halpoulars. Cette provocation vise la cohabitation dans notre pays encore en convalescence.

De mon avis, elle ne devait pas déclencher seulement des réactions de riposte et de protestations de la part du FRUD (le Front Républicain pour la Démocratie, de « Touche Pas à ma Nationalité », des avocats Idriss Sow et Alassane Touré ou du collectif du Fleg. En plus de toutes les réactions justifiées de Kadiata Malick Diallo, de Lô Gourmo, des anonymes(Maestro et Hamaodo commentateurs sur Cridem), elle devait aussi provoquer les réactions et faire réagir tous les Mohamed, tous les Brahim, tous les Sidi, tous les Guèye, tous les Diawara parce que comme l’a si bien dit Kadiata Malick Diallo la députée : « ces actes sont graves et menacent même les fondements de l’Unité Nationale ».

De tels propos doivent être dénoncés par chacun de nous tous qu’il soit Pulaars, soninkés, Wolofs ou maures pluriels. Parce que simplement, nous avons été tous offensés à travers nos frères halpoularen.

Ould Nah, a joué avec un feu qui brule nos doigts.

On savait certains mauritaniens capables de tout. Certains même, capables de « pacser » avec le Diable pour des intérêts matériels.

On savait aussi que nous vivons avec des mauritaniens de toutes couleurs qui passent des longueurs de journées à amplifier les paroles du Satan pour diviser et créer des environnements hostiles à la cohabitation nationale. Nous savons tous qu’il y’a des mauritaniens (maures et noirs) dont les loisirs sont les cultures de la haine pour détruire les socles déjà fragiles de l’unité nationale secouée par les événements sanglants de 1966 et leur récidive de1989.

Mais maintenant on se rend compte que, de plus en plus ces formes de haine très destructrices sont « importées » par des idéologies et « propagés » sur le terrain de la cohabitation nationale comme des virus mutants pour provoquer des troubles sociaux.

Quand le Satan sous sa forme humaine s’exprime à travers les réseaux sociaux.

Mais, malgré tout ce qu’on savait déjà, c’est pour la première fois que nous nous rendons compte que Satan sous une forme humaine et physique se manifeste. Ce Satan, en « pseudo intellectuel » et en adepte du mépris de l’autre, Ould Nah, s’est adressé à des citoyens de notre pays pour leur demander de réécrire l’histoire de la Mauritanie à son gout d’aliéné mental perturbé psychiquement.

Mais Ould Nah nous a permis quand même de constater à quel point certains d’entre nous sont capables de s’autoriser à aller au-delà de toutes les lignes rouges censées empêcher les « extrémistes marginaux incontrôlables » de franchir la barrière de l’intolérable de la haine raciale.

Des racistes « titulaires de maitrises » dans la tenue et la propagation de propos haineux pour monter certaines communautés contre d’autres on en trouve partout dissimulés dans toutes les couches des populations mauritaniennes. Si Biram Dah Ould Abeid, Samba Thiam, Alex et Ould Nah sont les plus illustres, d’autres ont été recensés. On en trouve donc partout, particulièrement au sein de la communauté maure ou la communauté halpour.

Il n’est un secret pour personne que depuis les années 66, certains racistes de tous bords se battent sur différents fronts. Sur le front de la linguistique, une guerre de tranchées est déclarée entre baasistes et nasséristes. Une guerre est en cours entre « émigrés exploitants » et des autochtones sur l’expropriation des terres de la vallée.

Une guerre de tranchées sans trêve est déclarée entre tous négros-mauritaniens confondus et un « système » racial et féodal qui, d’après eux bloque les issues de l’intégration de tous les mauritaniens sans exclusive au niveau de toutes les sphères de l’administration.

Mais jamais, jamais, jamais ces « petites » guerres intestines (parfois graves) ne se sont terminées par des batailles sur les origines identitaires des uns ou des autres des mauritaniens. Ahmed Mahfoudh Ould Nah vient donc de franchir toutes les limites rouges et même il a enjambé les barrières de l’intolérable.

Actuellement incarcéré, il doit donc répondre de ses actes qui constituent une grave violation du droit inaliénable d’une des communautés de ce pays de rester attachée à ces racines ancestrales. Cette vérité historique de l’arrivée des noirs les premiers sur cette terre avant nous autres (maures arabes), n’est pas négociable.

L’histoire réelle de la Mauritanie est têtue. Elle affirme bien qu’Aux alentours de la période Néolithique (8000 ans avant l’ère chrétienne), on avait déjà enregistré l’arrivée de populations de chasseurs noirs venues du sud profiter du gibier abondant et pêcher les poissons et coquillages aux abords des lacs intérieurs et de l’océan.

Les premiers habitants de la Mauritanie sont apparus il y a au moins 70 000 ans. Le climat était alors plus humide, le territoire était parsemé de cours d’eau et de lacs poissonneux et la faune y était abondante. Dans ce contexte, des populations venues du Sud (Bafours) y ont développé une civilisation de chasseurs-pêcheurs.

Ce qui a fait dire par certains historiens qu’à l’arrivée des Béni Hassan en Mauritanie au 15 ème siècle, les populations noires vivaient déjà dans le pays. Et ils étaient à cette époque islamisés sous l’empire peulh du Foutatoro, bien avant donc la naissance de l’empire almoravide qui lui dominait à cette époque l’ensemble de l’Afrique du Nord-Ouest et la péninsule ibérique connuau 11 ème siècle sous le nom de l’Andalousie.

Maintenant nous tous, mauritaniens, noirs (noirs), maures ou que nous soyons pulaars Soninkés Wolofs, nous devons tous nous porter partie civile devant la justice de notre pays, pour réclamer que le Droit soit dit clairement et fortement dans l’affaire de Ould Nah, ce raciste extrémiste pour que plus jamais des historiens perturbés mentaux comme lui n’écrivent une histoire taillée sur le degré de leur folie.

Des Ahmed Mahfoudh Ould Nah, il y’a en a beaucoup dans ce pays où l’anarchie raciste commence sérieusement à envenimer gravement votre « Vivre-Ensemble ». Mais surtout qui bloque notre volonté de tendre vers une réconciliation nationale pour l’intérêt suprême de la nation.

« Incinérer » la haine raciale par une répression judiciaire très forte.

Des Ould Nah, sont partout mais souvent dissimulés derrière un silence cynique. Les pouvoirs publics doivent donc prendre toutes leurs responsabilités comme l’a si bien dit la député Kadiata Malick Diallo. Il reste maintenant à la Justice mauritanienne, de montrer par une correction répressive très forte et exemplaire à chaque mauritanien qui s’aventurerait sur cette chaussée glissante, que l’unité nationale est une ligne rouge et que, quiconque la franchira, subira les foudres de la loi.

Ahmed Mahfoudh Ould Nah doit être jugé et condamné à la mesure de la gravité de ses propos. Il doit même être si possible déchu de la nationalité et renvoyé dans son pays d’origine, (le Yémen), pour revoir sa leçon d’histoire celle qui précise bien que quand nos ancêtres (les maures) étaient arrivés en Mauritanie au XI ème siècle, il y’avait déjà sur les lieux des hommes de couleurs appelés pulaars.

Sinon, il peut (ce qui lui serait beaucoup plus profitable), aller aux Emirats Arabes Unis faire du « Porta Potty » pour rentabiliser sa bouche « puante » de haine, loin de nous autres progressistes qui avons franchement ras-le-bol de tous ceux qui s’adonnent à ces « acrobaties » de la haine raciale dangereuses qui jettent de l’huile sur un incendie déjà en flammes.

Mohamed Chighali.
Journaliste indépendant