Entretien avec Brahim Bilal Ramdane, président de la Fondation Sahel

Entretien avec Brahim Bilal Ramdane, président de la Fondation Sahel « La feuille de route pour les concertations prévues est trop vague et même ambiguë comme si on cherche à dissimuler quelque chose »

Le Calame : Les préparatifs des concertations politiques entre les acteurs politiques battent leur plein. C’est un moment important mais la société civile est, semble-t-il, laissée en marge. Avez-vous été approchés par les acteurs ? Sinon, comprenez-vous pourquoi ?

Brahim Bilal Ramdane: Je n’ai pas été approché par les acteurs de ce qui va avoir lieu, qu’il soit dialogue ou concertation, et je pense que la raison se trouve dans le fait que nos politiciens sont des touche-à-tout. Ils sont à la fois des hommes politiques mais aussi des activistes de la société civile et alors ils sont suffisants pour discuter de tout. Partout dans le monde, la société civile et les partis politiques sont distincts.

C’est en Mauritanie seulement où l’on assiste à ce mélange des genres. Tu trouves une personne qui a à la fois dans son sac un parti politique, une ONG, une coopérative et un club culturel parce que le but pour la plupart de ces gens, ce n’est pas de servir les populations mais de se servir d’elles.

-Vous avez certainement scruté la feuille de route que les acteurs ont concoctée. Quelle appréciation vous en faites globalement ? Et quels sont les thèmes qui ont accroché le plus votre attention ?

-Ah oui j’ai bien scruté la feuille de route en question que je trouve trop vague et même ambiguë comme si, quelque part, on cherche à dissimuler quelque chose. On veut faire un travail de fond tout en vidant les sujets de leurs sens. Il y a vraiment un besoin de dialogue social inclusif et général qui va aborder tous les points de discorde qui sont pendants depuis plus de vingt ans et tenter de leur trouver des réponses justes.

Je pense notamment au système de gouvernance, le partage équitable des richesses, l’esclavage, la problématique Hratin et le passif humanitaire qui est loin d’être résolu.

-Quelles sont les attentes de la société civile pour ce genre de rencontres ?

La société civile a ses propres sujets et ses priorités qui ne sont pas forcément ceux des politiques, même si, quelque part, ils peuvent se recouper. Nous voudrions trouver une solution acceptable – et acceptée tous – pour ce problème du passif humanitaire, qu’il y ait une commission vérité et réconciliation, à l’image de ce qui s’est passé en Afrique du Sud, pour que nous fermions à jamais ce dossier.

Il en va aussi de même pour le problème de l’esclavage et de ses conséquences. C’est l’une des questions qui fâchent qui, avec celle du passif humanitaire, doivent être traitées et résolues à jamais.

Parmi nos priorités, il y a surtout l’esclavage foncier qui constitue une menace sérieuse pour la paix sociale à Likseiba 2, Boumdeid et Tamchket ..! Nous devons réhabiliter la loi foncière de 1983. Sur le plan de l’éducation de l’esclavage, il y a lieu de ne pas se voiler la face en parlant simplement de « séquelles ». Reconnaître que le problème existe, c’est s’assurer 50% de la solution.

Nous devons exiger une école républicaine où tous les enfants mauritaniens se retrouvent pour fonder la cohésion sociale sur des bases solides et il faut résoudre ce problème de langue d’enseignement en dehors des calculs politiciens en cours depuis l’indépendance de la Mauritanie qui n’ont produit que des réformes inachevées et souvent contestées.

Propos recueillis par Dalay Lam

Source : Le Calame (Mauritanie)