En Mauritanie, « les actions pour la fin du racisme et de l’esclavage systématiquement réprimées avec violence »

En Mauritanie,  Biram Dah Abeid, Prix des Droits de l’homme des Nations unies en décembre 2013, candidat à l’élection présidentielle en 2019, Président de l’IRA* en confinement à Bruxelles, nous accueille pour un partage de points de vue, inquiétudes et espoirs.

La nonviolence dans une logique de pouvoir violent.

Aujourd’hui, après des résultats électoraux inacceptables, l’action non-violente reste le mot d’ordre de l’IRA et doit faire face à une logique de violence à tout prix de la part du gouvernement.

« Ce qui est paradoxal » nous explique Biram Dah Abeid, « c’est de constater que le pouvoir cherche à tout prix à avoir en face de lui une opposition violente, quitte à pousser les militants non-violents à la violence ! En 2016, le pouvoir a retiré des gens de l’IRA et a créé avec eux une manifestation violente, prétexte idéal pour y assimiler notre mouvement et arrêter les manifestants. Le 20 avril dernier, la manifestation pacifique pour la libération de Mariem Mint Cheikh** a été une fois de plus violemment réprimée par la police. Et lorsque cela ne marche pas, ils tentent de nous dépeindre comme étant les violents ! »

Les actions pour la fin du racisme, la fin de l’esclavage et pour les droits de l’homme sont systématiquement réprimées avec violence.

Heureusement, aujourd’hui, le peuple se reconnaît dans la force non-violente ; la violence ne trouve plus de résonance.

Fin juin 2019, par un coup d’état électoral et militaire vivement dénoncé, est élu à la Présidence le général Gazhouani, ancien général de l’armée, dauphin de l’ancien Président. « Rappelons tout de même », souligne Biram Dah Abeid , « que ce général a participé au génocide des Afro-Mauritaniens de 1986 à 1992. En 2005, il devient le numéro deux du régime mauritanien, rétablissant les lois discriminatoires. Le général Ghazouani est le premier chef d’Etat mauritanien à mettre en application des lois répressives et de manière expéditive contre des personnes présumées homosexuelles condamnées dès son arrivée au pouvoir à des peines lourdes et dans des procès expéditifs.»

Un chef d’état ayant contribué au génocide contre les noirs peut-il être garant des droits de l’homme ?

« Les pays de l’Union Européenne et le Royaume-Uni considèrent ce chef d’état comme représentant des droits de l’homme. C’est une ineptie », s’insurge Biram Dah Abeid « Au regard des intérêts économiques en jeu, on comprend vite que la priorité, ce ne sont pas les êtres humains mais bien les enjeux financiers. L’Union Européenne, des grandes sociétés comme Total, BP… sont présents en Mauritanie. La pêche, les mines d’or, de fer, le gaz… autant de richesses mauritaniennes qui détournent vite le regard des droits de l’homme au bénéfice des intérêts économiques. »

Le confinement, en Europe et en Afrique

« Avec le confinement », d’après Biram Ad Abeid, « rien ne va changer ! La logique d’une politique mercantiliste va continuer et accentuer la pauvreté. En Afrique, tout s’est arrêté, les sources de survie deviennent rares et la famine gagne du terrain. Quant aux pouvoirs dictatoriaux, il est à craindre que certains profitent du confinement pour renforcer un pouvoir autoritaire. En effet, si certains gouvernements avaient peur de critiques internationales, ceux-ci se rendent compte que les occidentaux sont à présent bien occupés par leur propre sort ! »

A Bruxelles, en Europe, on constate cette peur panique des gens dans cette situation de pandémie. Cette peur de l’autre n’existe pas en Afrique. Par contre, aujourd’hui, les Africains sont conscients de la vulnérabilité de l’Occident. Certains ont fui l’Occident ! C’est donc un flux contraire.

Moins l’Afrique est atteinte par la pandémie, plus elle devient le recours pour le futur de l’Afrique, mais aussi de l’Europe !


* Initiative de Resurgence du Mouvement Abolitionniste en Mauritanie

** voir article Pressenza « Mauritanie : Libération immédiate exigée pour Mariem Mint Cheikh, militante pour la non-discrimination »

Bruxelles, Belgique
Tatiana De Barel