Congo Brazzaville, les ressorts de la dictature

 

Dans son recueil de nouvelles, Cédric Mpindy révèle les ressorts de la dictature

Une chronique de Bedel Baouna

Originaire du Congo-Brazzaville, Cédric Mpindy vit en France depuis plusieurs décennies. Sur les réseaux sociaux, il anime une Page Facebook, La balade des idées, dédiée à des publications d’extraits de livres, mais aussi de textes inédits. Passionné de lettres et d’écriture, il a publié en janvier 2020 son premier livre, Sérénade à Island no Law (Editions Société des écrivains), un recueil de nouvelles, axées sur les ressorts de la dictature, quelque part en Afrique centrale.

Ça aurait pu carrément un roman – toutes les nouvelles se passent au Pays de tous les possibles -, mais l’auteur a préféré en faire des nouvelles. Qu’à cela ne tienne ! Dans Sérénade à Island no Law, Cédric Mpindy essaie de décortiquer les ultimes ressorts d’une belle dictature. Un écho, serait-on de dire, à L’Automne du patriarche de García Márquez – dont l’auteur est fan d’ailleurs -, tant les sujets se ressemblent, à s’y méprendre. De quoi s’agit-il ? Au Pays de tous les possibles, que dirige d’une main de fer La Quintessence du pouvoir, assassinats politiques, népotisme, tribalisme, médiocrité, etc, sont monnaie courante. Un pays où tout être, même un simple enseignant, émettant la moindre critique contre le régime, est soumis à une torture psychologique impitoyable. « Un militaire s’avançait et lui entailla le ventre du nombril à la poitrine ; on entendit un cri effrayant déchirer le silence de la salle(…). On aurait dit une bête sauvage sur le point de rendre l’âme. L’enseignant voulut se voiler le visage avec ses mains pour ne pas voir cela, mais les militaires présents à ses côtés se saisirent de ses mains et l’obligèrent à regarder (…) Servais Eluka-Makambo venait d’assister à la mise à mort d’un homme qui n’avait commis aucun crime, si ce n’est celui de prétendre faire usage de son cerveau et de sa parole pour dire ce qui n’allait pas et surtout ce qu’il reprochait au président du Pays de tous les possibles. » (Pages 18, 19)

Oui, dans ce pays dictatorial, tout est possible. Un pasteur peut demander à ses ouailles de voter pour un candidat aux élections législatives, moyennant finances ; une femme venue de France peut faire tabasser son mari par son amant politique, etc. Toute dictature, en fait, ne repose que sur la peur. Cette peur que tout citoyen a en lui et qui lui fait comprendre qu’à la moindre philippique contre le régime, il sera jeté en prison. Mais la faute de tout dictateur, et Cédric Mpindy – à l’instar de Garcia Marquez-, le montre bien, c’est de se prendre comme une Quintessence. Du moins un héros national. Conséquence : il se coupe de toute réalité. Paranoïaque, le monarque voit le mal partout. Il va jusqu’à imaginer des complots venus de l’étranger. Alors, coûte que coûte, il faut éliminer les opposants de l’extérieur. Surtout ceux qui sont basés à Paris. Dans Sérénade à Island no Law, c’est Georges qui se charge de supprimer les opposants de Paris. Un exercice qu’il mène à merveille.

A quel pays pourrait-on comparer le Pays de tous les possibles ? En parcourant le livre de Cédric Mpindy, on est surpris de tomber sur des noms et des phrases en lingala. « La foule criait maintenant dans le dialecte national : Papa soki yo té nani ? Mobikisi, y ondé mozalisi, Wuméla na yo (Fils, il n’y a que toi, personne d’autre dans nos cœurs et nos pensées, toi seul sait nous comprendre, toi notre consolateur, longue vie à toi !). »

Ceux des Congolais, bornés et qui ne supportent pas les critiques contre le pouvoir en place, apprécieront.

Sérénade à Island no Law de Cédric Mpindy, Roman, 284 pages, 24 euros