Mauritanie, la brouille est consommée entre Aziz et Ghazouani

Le 30/11/2019 – Mondafrique

 

La cérémonie du 59 ème anniversaire de l’indépendance organisée jeudi 28 novembre a été l’occasion de rendre publiques les prémices d’une rupture entre l’ancien président Mohamed Ould Abdelaziz et son successeur Mohamed Ould Cheikh Ghazouani, dont la dégradation des rapports alimentait toutes les discussions.

Le divorce ne pouvait avoir meilleure scène. Les soupçons qui alimentent les discussions en Mauritanie depuis quelques jours d’une rupture entre le nouveau président et son prédécesseur ont laissé place à une cassure spectaculaire lors de la levée des couleurs à la fête de l’indépendance célébrée cette année à Akjoujt (260 kilomètres à l’est de la capitale Nouakchott).

Alors qu’il y était officiellement convié à titre d’ancien chef de l’Etat comme le consacre la tradition, Mohamed Ould Abdelaziz a préféré bouder l’événement, le premier du genre organisé par son « ami de 40 ans », Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, qui lui a succédé au pouvoir il y a un peu plus de trois mois seulement.

La place qui lui a été réservée sur la tribune officielle est restée vide, contrairement a celles de Mohamed Khouna Ould Haidalla et Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, seuls autres anciens présidents encore en vie.

La rupture entre les deux anciens généraux, coauteurs de plusieurs putschs dont celui qui avait installé initialement Aziz au pouvoir en 2008, a commencé avec le retour de ce dernier en Mauritanie, après un long séjour à l’étranger entamé dès les premières heures qui ont suivi l’investiture de Ghazouani le premier août dernier.

Dès son arrivée au pays, l’ex chef d’Etat a convoqué et présidé une réunion extraordinaire du comité provisoire de gestion du parti au pouvoir, l’Union pour la République (UPR). Réunion au cours de laquelle il a déclaré formellement qu’il est l’unique référence de cette formation politique qu’il a fondée dès les premières années de son règne (2008 – 2019).

Cette déclaration n’a pas été du goût de Ghazouani qui a, à son tour, convoqué le même comité de gestion pour lui signifier que c’est lui la seule et unique référence du parti tout en lui recommandant de ménager son ex-ami et complice.

Suite à ce rappel à l’ordre, la quasi-totalité des députés de la majorité ont tourné le dos à Aziz et adhéré solennellement à la position du Président de la République.

Mais c’était sous-estimer l’entêtement du président qui a immédiatement convoqué les chefs des sections des jeunes et des femmes au sein de l’UPR. Il leur a affirmé qu’il persiste à se considérer comme chef du parti au pouvoir quitte à ce qu’il reste seul.

L’UPR devait initialement organiser un congrès pour élire sa nouvelle direction avant les élections présidentielles, mais a fini par le reporter sine die.

C’est pourquoi l’ex président se l’approprie toujours puisque c’est lui qui avait nommé son actuel comité de gestion. D’autant plus qu’il considère – et il l’a martelé haut et fort – que la Constitution mauritanienne interdit à tout président en service d’adhérer à une quelconque formation politique.

« L’homme a régné avec une main de fer trop longtemps pour accepter de redevenir un citoyen ordinaire comme tous les autres », a expliqué Sidi Yahya Ould Cheikh, analyste politique à Nouakchott.

« Mais il s’est bien trompé en oubliant que la classe politique mauritanienne est spécialisée dans le retournement de veste à chaque fois qu’un nouveau dirigeant prenne les rennes du pays », a-t-il confié à APA jeudi à Nouakchott.

Pour l’analyste politique, la question qui se pose maintenant est jusqu’où Ould Abdel Aziz ira dans sa provocation de son ex-ami et son test de sa patience.

« Personnellement, je pense qu’il risque de se tromper une seconde fois s’il continue à croire que Ould Ghazouani tolérera infiniment ses agissements contre-constructifs », a conclu Ould Cheikh.

Dans une mesure considérée par les observateurs comme une suite logique de la rupture entre les deux hommes, Ould Ghazouani a limogé mercredi 27 novembre le commandant du bataillon de la sécurité présidentielle et l’a remplacé par l’un de ses proches officiers.