La mort de Jacques Chirac, ancien président de la République française : 1995 à 2007

Les leçons d’un hommage
Né le 29 Novembre 1932 à Paris – et non en Corrèze (Auvergne) dont il sera l’élu emblématique pendant près de trente ans – de grands-parents maternel et paternel instituteurs et d’un père employé de banque monté en grade, Jacques Chirac reste désormais dans la mémoire française pour deux fortes raisons qui n’ont rien à voir avec le bilan de ses deux fois deux ans Premier ministre, et de ses douze ans à l’Elysée. Son don, minutieusement cultivé, pour la camaraderie et son accueil toujours chaleureux, l’ont fait aimer des Français même, si sa popularité n’a été en moyenne qu’à peine supérieure à celle de ses trois successeurs, environ 30 % des personnes interrogées. Sa longévité politique : quarante ans, et toujours très en vue, l’a rendu contemporain de beaucoup de Français se situant de naissance ou d’âge mûr par rapport à l’une de ses positions.

La mémoire mauritanienne est plus brève.  C’est Jacques Chirac qui accueille à l’aéroport d’Orly, le président Moktar Ould Daddah, en visite d’État du 3 au 5 Décembre 1975, à la veille de la guerre du Sahara : « je suis accueilli par le Premier Ministre, M. Chirac que je ne connaissais pas. Durant le séjour, j’aurai avec lui des contacts surtout protocolaires : à Matignon, et au Quai d’Orsay où il offre un dîner en l’honneur de la délégation mauritanienne, avec échange de discours. Lors de tous ces contacts, il m’a paru spontané, affable, chaleureux : sympathique en un mot. » ( 1)

 

Bien plus significativement, s’étant pris de sympathie pour le colonel Maaouyia Ould Sid’Ahmed Taya, chacun étant président de la République dans son pays respectif, Jacques Chirac soutient ouvertement la réélection d’un hôte lui offrant quarante-huit heures (les 5 et 6 Septembre 1997) d’un séjour « folklorique et purement touristique », selon le ministre de l’Intérieur, le 13 Octobre suivant. Or, cette élection est vivement contestée par le Front uni de l’opposition, formé le 25 Février 1997 : il espère cependant.  Le scrutin est avancé d’un mois pour coïncider avec le « 12-12 », et le président Moktar Ould Daddah de son exil en France a appelé au boycott : « très déçu de la politique de la France en Afrique », les cinq partis d’opposition espèrent cependant que cette visite contribue à « faire évoluer le régime dans le sens d’une plus grande démocratie ». Jacques Chirac s’est fait accompagner par le ministre français des Affaires Etrangères, Hubert Védrine, proche collaborateur de François Mitterrand, et surtout Pierre Messmer, ancien commandant du cercle de l’Adrar, puis gouverneur du Territoire avant d’être ministre des armées du général de Gaulle, puis Premier ministre de Georges Pompidou. Il accède à la demande de l’ancien putschiste que la Mauritanie ne soit plus dans l’organisation de la diplomatie française ressortissante de la direction des affaires africaines et malgaches, mais de celle du Proche-Orient, et appelle ostensiblement son homologue : mon ami.

Le 25 Novembre 1997, au contraire, le président Moktar Ould Daddah, de son exil français, appelle lui aussi au boycott. « Au moment où des élections présidentielles sont programmées hors de tout consensus national et dans un contexte de crise politique, morale, économique et sociale d’une extrême gravité, je tiens à exprimer mon total appui au boycott du scrutin tel que décidé par le Front des partis d’opposition. J’encourage vivement le Front des partis d’opposition à renforcer son unité et sa cohésion, gages d’un indispensable changement démocratique dans l’intérêt supérieur de la nation. J’engage tous les patriotes à transcender les problèmes personnels et les querelles partisanes pour sauver du naufrage notre cher pays et restaurer son rayonnement dans le cadre d’une nation mauritanienne réconciliée avec elle-même comme avec ses voisins, unie, égalitaire et fraternelle ».

Le « 12-12 » 1997, le président sortant est réélu – censément  – à 90,25 %. Jacques Chirac n’y est pas pour rien. « Chirac l’Africain ».

 

Et voici ma propre mémoire de Jacques Chirac. Je pleure, sans doute autrement et plus que beaucoup de Françaises et de Français. Pourquoi ? Parce que cet homme a fait partie de ma vie, une vie d’analyse politique par amour de notre pays (qu’il avait certainement lui aussi, et Emmanuel Macron a vu très juste : Nous, Français, perdons un homme d’État que nous aimions autant qu’il nous aimait, c’est même essentiel et le plus vrai hommage qui puisse lui être rendu, car cela peut … ? tout contrebalancer), parce que je l’ai rencontré, toujours seul à seul, une seule fois en réunion (la réception à l’Hôtel de Ville du président du Kazakhstan quand j’y ouvrais notre ambassade, fin Septembre 1992, et son discours, lu, était très bien, je l’en félicitais, ce furent d’ailleurs mes dernières paroles verbales à son endroit), parce que c’était un homme dont la mémoire particulière que j’ai et garderai de lui n’est qu’entre lui et nous, même si maintenant j’essaye de la dire et de la faire partager. Elle va à l’encontre des clichés, des hommages de maintenant et n’est pas non plus celle des combats qu’il mena ou qui furent menés contre lui. Je pleure quelqu’un que j’ai connu, vraiment, même si ma vue et mon expérience de lui, sont partiels : je n’ai jamais travaillé ni avec lui ni pour lui, je n’ai pas été de son entourage. La dialectique peut se résumer ainsi : il me remarqua au combat (alors que la plupart des politiques ne me remarquèrent qu’en me lisant dans Le Monde, notamment : Mars 1972 à Avril 1982), c’était ma tentative de succéder dans le Haut-Doubs à Edgar Faure  ( 2) quittant par sécurité la députation pour le Sénat, ce qu’il faillit manquer, l’automne de 1980. J’eus presque aussitôt : Février 1981 à choisir entre lui, une candidature sous son étiquette à Thionville et contre la gauche pour les législatives à venir, de date inconnue puisque dépendant de la présidentielle dont nous étions à quatre mois, et François Mitterrand J’avais choisi François Mitterrand depuis Juin 1977 et avant, depuis que je l’avais vu/entendu à la télévision, en Avril 1966, aux côtés de « mon » préfet, maître de mon stage E.N.A. à Blois. Choisi en ce sens que je ne partageais pas la haine méprisante des « gaullistes » pour lui. J’appartenais d’âme à de Gaulle depuis mes quinze ans, ceux du retour au pouvoir de celui-ci et jusqu’aujourd’hui (l’homme du 18 Juin a conduit ma vie et mon intelligence de la chose publique et de notre pays), mais après lui ou en dehors de lui, ce serait François Mitterrand que je préférerai et que je préfère encore. Je refusai donc. Deux entretiens déjà auparavant. Il avait son candidat « indépendant » à Pontarlier, choisi par raccroc, médiocre mais bon camarade qui, élu en Novembre 1980, a du rester dans la place jusqu’il y a peu (2012 ou même 2017). Pierre Messmer, fréquenté depuis sa tentative d’Avril 1974 vers l’Elysée depuis Matignon, m’avait dit que je ne pouvais rester seulement en écriture, professionnellement j’étais attaché puis conseiller commercial près nos ambassades, et alors à Munich (consulat général), très proche de la France. Il me pressentit pour Verdun, j’eusse accepté (la mémoire du maréchal Pétain et son vœu d’y être inhumé avec les combattants qu’il y avait commandé, jouait aussi) mais quelqu’un d’autre vint et Pierre Messmer n’était que relatif au R.P.R. Je n’aimais pas (alors) Valéry Giscard d’Estaing d’Estaing, qu’à tort je jugeais depuis 1966, l’anti-de GAULLE, comme l’immense majorité des « gaullistes » qui diminua à son élection (Jacques Fauvet ( 3) entre les deux tours les qualifia : « ce ne sera pas une ruée, ce sera une ruée sauvage »). Jacques Chirac sut, son comportement le plus magistral avec la « prise » de l’Hôtel-de-Ville de Paris (élection pourtant créée par Valéry Giscard d’Estaing et réservée à son ami d’Ornano : manque total de discernement), prendre un mouvement qui avait toujours eu la culture du chef et venait de tomber en déshérence, mais entreprit sa quête du pouvoir (la politique, comme cela a été remarqué hier, selon je ne sais plus quelle dépêche, a un caractère exceptionnel en France, au contraire de tout autre pays, et sans doute est-ce notre trait le plus monarchisant, pas la personne du roi ou son sacré, mais la noblesse du métier au regard de toutes autres catégories d’emploi et de vocation chez nous) dans la haine, et celle-ci, dirigée contre Valéry Giscard d’Estaing, puis contre François Mitterrand, ne le quitta jamais. C’était sans doute son ressort, détester qui est à la place qu’il brigue, pas du tout – je le crois – par conscience d’une supériorité (Valéry Giscard d’Estaing… Emmanuel Macron…), mais simplement par trajectoire, par conséquence des opportunités l’ayant placé dans la course, sur la cendrée. Suivant intensément notre vie politique, depuis mon retour de quinze mois de service national en Mauritanie, et selon DG et les éphémérides électoraux, sociaux, gouvernementaux, je ne le remarquais qu’en fin de la campagne de 1974. Ministre de l’Intérieur, carte jeune et maîtresse de Georges Pompidou ( 4) tentant son va-tout pour une réélection anticipée suffisamment pour que la maladie ne l’ait pas trop diminué encore. Il avait gagné une popularité propre en étant ministre de l’Agriculture, y apprenant une façon de séduction et de proximité qu’il garda toujours : gouaille et familiarité, photogénique et chaleureuse à l’antenne. La haine ne venait sans doute pas de son tréfonds, mais d’un couple qui prétendit le « formater » sinon le « robotiser », Pierre Juillet et Marie-France Garaud. Un homme sous influence… et écrivant peu par lui-même… ses Mémoires, ni aucun de ses livres… avec parfois le retournement provoqué par une emprise passagère : Philippe de Saint-Robert (gaulliste intégral, plume et discernement exemplaires, mais triste et parfois médisant, Michel Jobert ( 5) me le rappela, à mon endroit) pour « l’appel de Cochin » Jacques Chirac s’y affirmant anti-européen. Il avait également inspiré Georges Pompidou lui faisant citer Kiel et Tanger ( 6) devant un aréopage rue Saint-Guillaume (l’Ecole libre des Sciences Politiques – Sciences Po.). Haine des deux compères contre Jacques Chaban-Delmas ( 7), plus rayonnant que Georges Pompidou leur maître, puis haine de Valéry Giscard d’Estaing nourrie et argumentée par sa collaboration avec celui-ci mais en sous-ordre (Premier ministre). Je n’aimais pas, alors, Valéry Giscard d’Estaing mais en 1978 je pris parti pour lui, contre la haine des « gaullistes » et du R.P.R. Je ne sus que beaucoup plus tard , par le très généreux Jean Charbonnel ( 8), la genèse qui me manquait. Celui-ci élu dans la vague imprévue mais magnifique de Novembre 1962, à la suite du referendum sur l’élection du président de la République, désormais au suffrage universel direct, parraina de Brive-la-Gaillarde à Ussel, le « jeune loup ». Georges Pompidou en avait lancé beaucoup à l’assaut du Massif Central tenu depuis près d’un siècle par les radicaux. JC était alors d’amours et de comportements d’extrême-droite, en relation indirecte avec les généraux putschistes emprisonnés à Tulle. Il aura l’honnêteté de bien dire qu’il était « fana-mili » pendant la guerre d’Algérie. Auditeur à la Cour des comptes à sa sortie de l’E.N.A. et au cabinet du Premier ministre, dans des circonstances que je ne sais pas, mais l’Auvergne peut-être (mot du dernier Premier ministre du Général, Maurice Couve de Murville sous Valéry Giscard d’Estaing : trop d’Auvergnats à se succéder au pouvoir), il séduisit Pompidou par une prise de notes en réunion, une mise au net et des photocopies en sorte que la ou les pages étaient sur le bureau du Premier ministre, son arrivée le lendemain matin (je ne sais comment je l’ai appris, mais bien des vies « notoires » commencent par ce genre de toutes petites circonstances et par un rapport pratique avec un puissant). Ensuite, un rôle : secrétaire d’État à l’Emploi, donc subordonné à Jean-Marcel Jeanneney ( 9) qui m’en dit du bien trente ou quarante ans plus tard. Un rôle en Mai 1968, des relations avec la C.G.T., un revolver dans la main, tandis que se préparèrent les négociations rue de Grenelle, au ministère des Affaires sociales, l’homme de Pompidou évincé de Matignon, pour piéger la formation du gouvernement Maurice Couve de Murville en Juillet 1968, recommandations de Georges Pompidou à Alexandre Parodi, vice-président du Conseil d’État : refuser le ministère du Travail et des Affaires sociales.

Première rencontre
L’homme qui me reçoit à l’Hôtel de Ville, en plein ma campagne pontissalienne, aux frais mesurés mais excédant mes émoluments, est plus que chaleureux, nous parlons de confiance, il va dans un angle de son vaste bureau, dissimulé par un lourd rideau, coffre-fort, liasses de billets le bourrant et me donne 80.000 francs, même si un jour vous me traitez de tout, de « va-de-la-gueule », je n’en parlerai jamais. Je remarque la belle photo de Georges Pompidou, portrait devant un monument aux morts pendant sa propre campagne de 1969 qui sera sa photographie pour les dossiers de presse, sur fond noir, le contexte effacé, et évidemment celle du Général, à la Ville de Paris, compagnon de la Libération. Il n’en a pas une pour lui-même ni de De Gaulle ni de Pompidou, les proches des deux grands personnages n’ont pas pensé en demander une dédicacée. Chez aucun des anciens ministres de DG, je n’en ai vue. Il m’en fait choisir une de lui qu’il dédicace très chaleureusement. Est-ce à cette première rencontre qu’il m‘interroge sur sa candidature à la très prochaine élection présidentielle ? Je lui réponds de laisser courir Michel Debré ( 10), il ne court aucun risque et ce sera honorable. Nous nous revoyons une seconde fois avant le dénouement : 2,7 % des suffrages exprimés, mais dans les villages où le contact s’est noué, je suis parfois en tête devant les deux conseillers généraux rivalisant pour la place. Je quitte Pontarlier avant les résultats du vote, en publiant que les électeurs sont majeurs et décideront sans recommandation pour le second tour. A quatre heures du matin, je suis déjà dans le midi (Saint-Tropez que j’affectionne et où je passe quelques jours avant de regagner mon poste d’attaché commercial en Bavière, dont je m’étais mis en congé pour un mois), Jacques Chirac m’appelle au téléphone : pour une première et en solitaire, c’est très bien. La bataille est au couteau, communiquez que vous soutenez… Impossible, Monsieur le Premier ministre, j’ai dit que je ne donnerai pas de consigne. Il semble ne pas m’en vouloir puisque nous nous revoyons (à ma demande?) en Février. Je continue alors de rencontrer François Mitterrand, seul à seul, rue de Bièvre puis rue de Solférino qui s’inaugure. Nous apprenons l’un de l’autre, Michel Jobert (qui n’a pu recueillir les 500 parrainages!) et moi que nous faisons le même pari et la même alliance : François Mitterrand et je porte à celui-ci deux idées que nous mettons au point et qui seront prises : quitte à « supprimer » les préfets, leur titre, dire comme à la Libération ou en 1968, quelques minutes du 30 Mai, commissaire de la République. Et marquer la rupture en politique étrangère ou une autre manière d’être et de faire : le ministère des Relations extérieures. A l’Hôtel de Ville, le maire et Jacques Toubon, l’homme du parti. Thionville, mais je ne veux pas combattre la gauche surtout si elle est communiste. Je suis envoyé faire connaissance avec Alain Juppé ( 11), rue de Tilsitt. C’est de là que j’assiste au lancement officiel de la campagne de Jacques Chirac.

Nous correspondons beaucoup quand la mairie de Paris s’oppose à l’Elysée sur une exposition universelle pour le bicentenaire de la Révolution : Jacques Chirac calcule les dépenses incombant à la Ville, j’essaye de l’amener,  sur ce point précis, à FM. Le ton est souvent à la confidence, mais nous n’allons nous revoir – je suis rarement à Paris puisque affecté à l’étranger, Grèce, Brésil – qu’à l’Elysée. J’attends d’être reçu par Jean-Louis Bianco, le secrétaire général avec qui François Mitterrand, ayant recommencé à me recevoir à partir de Janvier 1983, m’a mis en relation qui sera durable, pas efficace mais très informative. Et voici le Premier ministre, Jacques Chirac , montant l’escalier, apparaissant, venant pour le Président de la République : il me voit et s’écrie, vous : ici ! Je n’ai pas l’esprit de répliquer : mais vous aussi. De là, sans doute, le fossé, le mur. Un aparté en Septembre 1993, je l’ai déjà dit. Je suis « viré » de « mon » ambassade d’Almaty et du Quai d’Orsay (je n’y étais que détaché et à un très mauvais grade, malgré des promesse de Bérégovoy et de Dumas ( 12), mais ce ne sont pas les ministres qui règlent les carrières, surtout là…), et je deviens demandeur, d’autant que mon administration d’origine (la Direction des Relations économiques extérieures au ministère de l’Economie et des Finances) me répudie, que le « privé », banques ou avocats, ne me considèrent que si j’apporte du chiffre et beaucoup. Hâte pour m’exclure, crainte que la gauche gagne la présidentielle et que je revienne en cour. Donc, Jacques Chirac : je parviens à l’approcher lors d’une réception dont une relation amicale (Quentin, plume de Jacques Chirac alors et candidat à la succession de Lipkowski à Royan) me ménage l’entrée. A parte aisé et sympathique avec le président de la République : oui pour vous recevoir, voyez avec Villepin. Sept ou huit ans plus tard, je sus par Bertrand Landrieu, préfet de la Manche, rencontré à la Trappe de Bricquebec, et dirigeant désormais le cabinet à l’Elysée, que Dominique de Villepin, secrétaire général, avait systématiquement détruit mes correspondances vers Jacques Chirac. Je tentais même – , ce me semblait, sans emploi, et probablement contraint de vendre mon seul bien immobilier, acquis à l’instant de m‘envoler en Asie centrale (Juillet 1992), vie ou mort ou presque ? – de faire passer une lettre par Claude Chirac, sa fille. J’attendis plusieurs heures sa sortie, un soir, rue de l’Elysée, mais sans qu’elle apparaisse. La lettre fut pour son chauffeur.

Jugement politique. Critique. Il a introduit la haine en politique, par pour les idées mais pour les personnes, pour le tenant du pouvoir, son pouvoir en brigue et en avenir. Peut-être initialement instillé par Marie-France Garaud et Pierre Julliet, mais avérée et structurelle ensuite.

Resquiescat in pace. De très loin, le meilleur livre sur Jacques Chirac est celui de mon condisciple à l’E.N.A, Bernard Billaud, au cabinet du maire de Paris, où Jean Guitton ( 13) prenant celui-ci pour le sauveur en puissance de la France (chrétienne), l’avait introduit après l’avoir discerné à notre ambassade près le Saint-Siège. Bernard dit excellemment comment évolua et apparut JC à mesure des circonstances et de l’entrée en influence d’Edouard Balladur ( 14). L’audience puis la messe privée de Jean Paul II : récit saisissant, l’ennui affiché, la désinvolture du futur président français, pourtant préféré à Rome à Valéry Giscard d’Estaing, l’avortement légalisé, refusé d’audience quant à lui. Il l’attendait, il en était sûr à l’été de 1995, l’ambassade dans l’Église, parmi les cardinaux qu’il connaissait tous, la Villa Bonaparte. Jacques Chirac ne l’y nomma pas. D’un Chirac l’autre.

Voilà. Président de la République, on peut beaucoup défaire. Succès incontestable : avoir su maintenir pendant quarante ans une même image très favorable d’empathie et de sincérité. Aucun avant lui et depuis lui, n’y est parvenu. Au total, l’homme était mystérieux et secret : ses engouements, les « affaires », ses liaisons qui firent la méchanceté sinon la haine de Bernadette. Mystère de ses structures mentales et spirituelles. Aurai-je pu en approcher en travaillant avec lui, ce que je n’eusse pas refusé, quand plus rien d‘autres ne me fut à portée, moins que proposé : peut-être … Ceci est mon témoignage, sans doute pas généralisable, sur la personne. En revanche, certain et argumenté sur la malfaisance politique, sur nos structures nationales. Exception, son discours sur le drame dans une de nos banlieues. Villiers-le-Bel, Novembre 2005.

 

Hommage pour la forme, oui ! Mais pour le fond ?

 

Bertrand Fessard de Foucault,

vendredi 27 septembre 2019

 

 

NOTES:

(1) Moktar Ould Daddah, la Mauritanie contre vents et marées (l’Harmattan . Octobre 2003 . 669 pages – disponible en arabe et en français) p. 543 (retour au texte)

(2) Président du conseil sous la IVème République, il fait restaurer l’indépendance du Maroc, et ministre e l’Agriculture puis de l’Education nationale avec le général de Gaulle, il est l’un des hommes politiques français les plus brillants
(retour au texte)

(3) Directeur du journal le Monde de 1969 à 1982 (retour au texte)

(4) Agrégé des lettres, sans engagement pendant l’Occupation allemande de la France, Premier ministre du général de Gaulle d’Avril 1962 à Juillet 1968 puis président de la République de Juin 1969 à Avril 1974, il est venu en Mauritanie, en visite officielle à Nouakchott du 3 au 5 Février 1971 (retour au texte)

(5) Né au Maroc, dont il se sentira toujours frère, « énarque », directeur du cabinet du Haut-commissaire en A.O.F. Gaston Cusin en 1956-1958, il dirige le cabinet de Georges Pompidou, Premier ministre, pendant « les événements de Mai 68 », devient secrétaire général de l’Elysée à l’élection de son maître, puis ministre des Affaires étrangères de Mars 1973 à Mai 1974, tenant tête spectaculairement au secrétaire d’État américain, et enfin ministre d’État au début de la présidence de François Mitterrand. Mort en Mai 2002, il m’honora de sa confidence et de son amitié. C’était aussi un superbe écrivain. Sa réplique pendant la guerre israélo-arabe d’Octobre 1973 : «  est-ce être agressif que de vouloir rentrer chez soi ? » (retour au texte)

(6) Charles Maurras, son très brillant auteur, directeur de l’Action française, tenant du « nationalisme intégral » et donc classé très à droite, mais un des maîtres à penser français et grand écrivain du XXème siècle : 1868 + 1952 (retour au texte)

(7) Compagnon de la Libération, ministre de Pierre Mendès France sous l’IVème République en 1954, président de l’Assemblée nationale française de 1958 à 1969, Premier ministre de Georges Pompidou de Juin 1969 à Juillet 1972, candidat malheureux pour lui succéder à l’Elysée, il m’honora lui aussi de son amitié (retour au texte)

(8) Très ardent gaulliste, secrétaire d’État à la Coopération, il visita la Mauritanie en 1966, ministre de l’Industrie sous Georges Pompidou, émule en Corrèze de Jacques Chirac (retour au texte)

(9) Fils du dernier président du Sénat, sous la IIIème République, agrégé de sciences économiques, très grand ministre du général de Gaulle à l’Industrie en 1959 (où il lance Raymond Barre, son directeur de cabinet), aux Affaires sociales (le  premier « Grenelle » pour tenter de conclure la grève générale en Mai 1968), puis ministre d’État préparant le referendum qui, en Avril 1969, provoqua la démission de l’homme du 18 Juin 1940. Intelligence et mémoire de premier plan jusqu’à sa mort en Septembre 2010 (retour au texte)

(10) Le premier en date des Premiers ministres du général de Gaulle : 1959-1962, et rédacteur de la Constitution de la Vème République (retour au texte)

(11) Fidèle de Jacques Chirac en binôme avec Jacques Toubon, il sera davantage ministre que celui-ci : le Budget, le Quai d’Orsay, Matignon, mais piégé par les « emplois fictifs » de la Ville de Paris, où il « paye » pour le maire, il aura manqué l’ambition de sa vie : l’Elysée. Il a mis la France sens dessus dessous en Novembre-Décembre 1995 et manqua la dissolution de l’Assemblée nationale qui suivit (retour au texte)

(12) Respectivement Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, à la fin de la seconde législature socialiste, sous François Mitterrand (retour au texte12)

(13) Philosophe chrétien, ami du pape Paul VI (retour au texte)

(14) Conseiller de Georges Pompidou, Premier ministre, au moment au moment des négociations de la rue de Grenelle, en Mai 1968, successeur de Michel Jobert, comme secrétaire général de l’Elysée (1973-1974), c’est lui qui théorise la « cohabitation » entre Jacques Chirac et François Mitterrand. Omnipotent ministre de l’Economie, des Finances, du Budget et des Privatisations en 1986-1988, il est le Premier ministre de la « seconde cohabitation » et tente vainement de disputer à Jacques Chirac, son « ami de trente ans », l’Elysée en 1995. Toujours en vie et avec sur la conscience les rétrocommissions pour les frégates livrées au Pakistan, et qui ont donné lieu à mort d’hommes (retour au texte)