Séparer la bonne graine de l’ivraie… Démêler le vrai du faux
La situation politique de la Mauritanie à l’heure des bouleversements des partis et de l’inquiétude grandissante pour le vivre ensemble et de la cohésion sociale exige une analyse profonde et un état d’esprit critique dans le champ politique et social.
Le bouleversement et la perturbation de la vie des citoyens mauritaniens et l’agitation dans le milieu politique et intellectuel trouvent leur explication dans l’acte de naissance même du pays et de l’évolution oscillante et déviante du pays à travers des évènements tragiques et douloureux.
Cependant ici, nous nous intéressons spécifiquement aux débats actuels qui minent la société et les politiques. Dans la sphère politique, nous avons un vieux système monstrueux qui cherche à survivre, une opposition pauvre, vieillie et fatiguée et un peuple abusé, désorienté et somnolant qui se fait miroité des miettes, qui se fait tenir en laisse par un président mégalomane entouré de « nègres de service », et d’opportunistes véreux, fourbes et assez peu malhonnêtes.
Le pouvoir en place issu du système « taya’iste » cherche à maintenir sa survie malgré les dissensions et les coups bas entre les cadres et les « sagafas » « thioy » du système. En effet depuis l’éviction de Maouya par un de ses bras droits Ely Ould Mouhamed Vall, la traitrise et des coups montés sont devenues monnaie courante. En date le conflit fratricide entre Ely Ould Mohamed Vall et Mohamed Ould Abedel Aziz.
Ceci dénote les caractéristiques d’un système qui est entrain de vaciller, rattrapé par les crimes du passé, et des affaires criminelles allant de la mal gouvernance, de la corruption et des détournements de deniers publics.
Dans ce tourment chacun des hommes forts du système cherche à sauver sa peau à force de stratégies à moins d’un sou, de manipulations et de batailles fratricides. Cependant nous ne sommes qu’au début de l’effritement avec la résistance de celui que je considère comme le dernier d’entre eux ou le cadet de l’héritage de Taya, M. Abdel Aziz.
S’il a annoncé qu’il ne briguera pas un 3eme mandat, il s’est désigné, à la Poutine, un successeur bien indiqué en la personne de Mohamed Ould El Ghazouani pour garder la maison, en attendant qu’il puisse revenir dans 5ans, convaincu de ce destin. Le choix de ce remplaçant n’est pas fortuit car, il veillera sur les intérêts du patron dont la main mise sur l’économie du pays est totale ainsi que l’influence sur l’armée.
Les timides grognements du peuple et les menaces inefficaces d’une opposition affaiblie par des conflits d’égo et d’intérêts n’y font rien. Ils déroulent leur programme, convaincus du soutien des populations négromauritaniennes prises à la gorge par la faim, l’ignorance et l’influence néfaste des nègres de service.
Le paradoxe, c’est que Mouhamed Ould Abdoul Aziz l’homme fort du pays, qui dirige le pays d’un bras de fer, tant décrié par une grande partie de la population, est arrivé à se maintenir au pouvoir sans être inquiété, en passant par les urnes.
Le coup d’éclat aux dernières élections Présidentielle, législatives et municipales du Président Abdel Aziz et de son parti, en dit long sur l’état léthargique des partis traditionnels d’opposition comme Ajd/MR, UFP, Tawassoul ect. mais aussi sur l’influence des cadres négromauritaniens par le biais de la corruption sur les populations sans droits du Sud dont les territoires sont de vrais réservoirs de voix pour le système.
Toujours dans ce paradoxe, le plus hilarant, c’est que le président et son parti tant décrié, considéré comme étant le produit d’un système qu’on accuse de génocidaire à l’endroit de la population noire du pays, notamment peule, puise sa force dans une grande majorité au sein de la population noire du pays. Le plus invraisemblable, c’est qu’il trouve plus de voix chez les peuls, qui sont les plus grandes victimes des évènements de 1989-1991.
Comment expliquer un phénomène aussi paradoxal ?
La réponse à cette question est systémique. Car les réponses sont hétérogènes.
La population noire traumatisée par les évènements sanglants de 1989 à 1991, notamment les peuls, vit une peur refoulée dans le subconscient collectif et qui se manifeste dans les réalités socioculturelles, économiques et politiques.
Appauvrie économiquement, discriminée politiquement, exclue dans le dessein d’une Nation à travers des injustices et des inégalités profondes, cette dernière est devenue vulnérable et corruptible. Le système profite de cette situation de chaos, de perte de repères due aux facteurs précédemment cités et accentuée par la désintégration du système éducatif pour les maintenir sous ce joug déshumanisant, oppressant et sectaire.
Ainsi le système va créer un bloc de « nègres de service » (dont la plupart ont directement ou indirectement contribué à l’assassinat de leurs frères d’arme ou du moins leur silence durant cet évènement en tant que cadre ou placé au haut rang de l’armée), pour les utiliser à des fins politiciennes. En échange de leur dévouement et loyauté envers le système qui fait d’eux des instruments de domination contre leur propre peuple.
Comment cela se manifeste ?
Le système est très machiavélique dans son mode de gestion du pouvoir et de gouverner. Il procèdera par le système des lignages socio-anthropologique de ses bras droits issus des populations noires pour prendre en otage leur peuple. En retour ils gardent leurs privilèges au sein du système. Privilèges qui les rendent forts et puissants, faisant d’eux des hommes d’influences notoires, des corrupteurs actifs, sans vergogne ni état d’âme, régnant comme des princes souverains nantis par les avantages du pouvoir.
Le fait socio-anthropologique du système lignager est très déterminant dans ce rapport de dominé-dominant. En effet le pouvoir conscient de l’importance du système lignager à travers la structure des groupes sociaux des populations noires utilise et exploite cette donnée à des fins politiques.
Ces hommes noirs issus du système nantis de leurs positions individuelles de membres du parti UPR, prêts aux compromissions les plus abjectes et absurdes pour conforter leurs positions au détriment d’un activisme civique nécessaire à l’évolution des mentalités des populations pour l’avancée de la démocratie, la valorisation et la vivification de la fraternité et de la cohésion nationale composent désormais toutes conditions sociales de base confondues, la nouvelle aristocratie qui suce et rend exsangue toute volonté des populations de rester dignes et fières.
Ainsi ils entrainent avec eux leurs villages et leurs villes dans leurs aspirations et projets politiques qui ne servent en réalité que leurs intérêts égoïstes et celui du système.
L’ambiance de révolte, de dégout et de mépris comme au début du PRDS n’ est plus de même ampleur envers le régime actuel et son parti en dépit d’une liberté de parole plus répandue.
Néanmoins ces populations sont partagées entre le mépris du système, bourreau de leur communauté et le soutient massif de leurs fils qui sont dans le système et qui sollicitent leurs voix lors des échéances électorales. Le phénomène est plus marquant de nos jours car avec le temps, le cœur des victimes s’est assagit, la vraie colère se dissipe laissant place à une colère de façade affichant et des larmes de crocodile.
Ce qui facilite grandement la manœuvre des enfants du pays, complices du système, et qui aujourd’hui en raison de leur rang social procuré par l’accointance avec le régime, bénéficient du soutient de leurs populations. Un paradoxe criant car ces populations, malgré leur désapprobation à l’endroit du président en place, par le soutient communautaire et parental apportent leur aide à leurs « cadres » qui sont aux ordres du système.
La logique voudrait que quand un peuple est dominé, il doit se lever pour se révolter, et user de tous les moyens nécessaires pour se libérer sans quoi le dominant n’est pas prêt à cesser les discriminations et les injustices à leur encontre. Sauf que souvent, ce n’est pas le cas.
Et ce ci s’explique :
Un peuple dont on a assassiné ses plus dignes fils, ses héros, ses savants et brillants intellectuels, devient un peuple vulnérable à toutes les tentatives de domination et d’asservissement. Il suffit de faire la liste de braves hommes et dignes fils du pays issus de la population négro-mauritanienne, lâchement et sauvagement assassinés par le régime de Taya, pour s’en rendre compte.
Mieux, pour se rendre compte de la perte énorme de ces populations en ayant perdu ses plus vaillants fils, il faut connaitre la valeur de ses fils sur tous les plans humains, intellectuels et moraux. La liste est longue mais on peut citer quelques uns d’entre eux : Tene Youssouf Gueye (un écrivains et brillant intellectuel, dont le génie me fut vanté et narré par un de mes professeurs ici dans l’une des universités françaises, qui dit de lui qu’il avait une plume divine), Tapsirou Djigo (un homme doté des qualités extraordinaires et très compètent dans son domaine), Abdoul Ghoudous BA (brillant officier), et les trois lions sommairement exécutés, dont un parmi eux, est devenu une icone à travers sa mort légendaire, car on raconte que quand son bourreau lui tira la première balle, il lui dit héroïquement : « soldat ! tu m’as blessé, pour m’abattre vise mieux. »
Perdre des hommes de cette nature, peut abattre et anéantir le peuple victime. Si certains fils de ce peuple sont utilisés par le système pour fortifier le pouvoir, c’est qu’en réalité, ce peuple orphelin de ces grands hommes se retrouve dans la gueule du loup.
Beaucoup d’individus issus de ce peuple dominé préfèreront tout simplement se taire pour essayer de survivre et de trouver des moyens de subsistance ou de s’enrichir par le pouvoir qui les maintient dans la misère.
Aujourd’hui ces populations sont divisées, car d’un coté on a ceux qui pensent que c’est peine perdu d’avance et qu’il faudrait faire avec, en essayant de s’insérer dans le système pour s’en sortir. C’est en grande partie, chez ce type d’individu que l’on rencontre ce type de raisonnement :
–« Vu l’état dans lequel vivent nos familles, il faut essayer de profiter le maximum possible, pour s’intégrer dans le système et voler comme tout le monde, en se remplissant les poches et faire vivre ses proches. Ces derniers, soit par opportunisme préfèrent courber l’échine pour profiter du système ou par nécessité préfèrent fermer les yeux pour survivre. »
Sauf que ces gens là oublient que la plupart des populations du sud vivent dans la misère, et que leur communauté dans leur absolu est victime des discriminations, de l’injustice et de profondes inégalités. Et malheureusement la plupart de ces individus issus du système ne servent que leurs propres intérêts et même la plupart des élus locaux ne travaillent que pour leurs propres intérêts.
Si non comment expliquer que les populations locales dépendent de la diaspora, dans un certain sens, sans nier l’effort de certains élus locaux issu du pouvoir ou non, pour construire des hôpitaux, des établissements scolaires ou de l’amélioration des besoins fondamentaux pour leur épanouissement. Ou sont les élus ? Ou est l’Etat ?
Et d’autre part, nous avons des gens qui refusent de courber l’échine et qui refusent de trahir la cause de la lutte entamée depuis les premières années de l’indépendance. Parmi ces insoumis, beaucoup font partis du célèbre mouvement de lutte contre la discrimination des populations issus du bord du fleuve les « FLAM », et récemment nous avons le mouvement IRA qui lutte contre le système et l’exploitation des populations harratines qui suppléent le mouvement politique de Massoud Ould boukheir.
La plupart de ces militants « flamistes » vivent en Europe, mais quelques uns d’entre eux se redéploient sur le terrain pour continuer la lutte, ce qui crée l’ambiance tendue et électrochoc dans le paysage politique.
Le système rattrapé par ses crimes de tentative d’épuration ethnique, par le biais de l’actuel homme fort du pays le président Aziz, cherche à discréditer et à traiter tous les militants de la cause noire comme étant des ennemis de la Nation, des individus qui sabotent l’unité nationale en distillant de la haine et en portant atteinte à la sureté de l’Etat, de semer la pagaille et des troubles à l’ordre public.
Ainsi, le pouvoir, instrumentalisant la loi en sa faveur, accusant les militants des faits précédemment cités, s’emploie à des méthodes brutales pour annihiler leur force, en les mettant en prison, procédant également par des menaces et des intimidations.
Aujourd’hui l’Etat emploie une méthode très sournoise, qui relève d’une grande farce, en se faisant la victime d’acte raciste et haineux de la part des militants de la cause des noirs, les considérant comme des extrémistes noirs qui envisagent de déstabiliser le pays, et par la même faire de la victime le bourreau et le bourreau une victime.
Récemment le pouvoir a organisé une marche pour l’unité nationale et contre les discours qu’il considère haineux et raciste ! C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
Un Etat issu d’un système tortionnaire et génocidaire qui continue sa politique de ségrégation et de discrimination à l’endroit d’une communauté ose de nos jours taxés les militants de la cause négro-mauritanienne comme étant des racistes et des extrémistes.
La marche qu’il a organisée en date du 09 janvier 2019 relève bien que c’est l’hôpital qui se moque de la charité. Le comble. Une insulte à la justice, à l’égalité et à l’équité. Ceci étant, le président Aziz se moque tout simplement du peuple mauritanien principalement des victimes en leur envoyant ce message : « je suis le chef suprême de ce pays, je fais ce que je veux, d’ailleurs, tellement fort de mon pouvoir, qu’aujourd’hui je fais du bourreau une victime et de la victime un bourreau.
Et croyez-moi, c’est quelque chose qui va marcher, car qui ose m’inquiéter. J’ai pratiquement les pleins pouvoirs. J’instrumentalise vos cadres qui sont à mes services pour cueillir vos voix et reconduire mon dauphin au pouvoir pour que je continue à tirer les ficelles en ayant les commandes du pays. Je fais du secteur public mon secteur privé en investissant l’argent détourné et volé dans des projets personnels pour investir dans le secteur privé.
Ce qui me rendra à coup sûr un homme super riche et pour devenir un surhomme qu’on aura du mal à évincer ou à balayer du pouvoir. J’ai utilisé un discours populiste pour berner la population dès les débuts de mon premier mandat, sans que vous ne sachiez mes véritables intentions. Aujourd’hui je dors tranquille, je ne suis pas inquiété.
Dites-moi Qui peut m’inquiéter ? Une opposition infirme et estropiée, des mouvements des militants négro-mauritaniens que le peuple ne suit pas ? Et qui les trahissent dans les urnes. Allons, voyez vous, vous faites pitié avec vos courbatures de pauvres pommés dont les grognements ne se traduisent ni aux urnes ni à des boycotts ou soulèvement populaire capable de nous inquiéter ».
Vu ce qui se passe dans le pays, voila ce que doit se dire le Raïs, le président de la république.
Ce qui est sure, ce n’est pas cette opposition qui n’est pas capable d’une grande force d’unité et de cohérence politique qui va l’inquiéter. Ce n’est pas une prise de conscience générale et effective des populations victimes qui vont les sanctionner par les urnes. Les élections législatives et municipales me laissent un goût amère et déprimant pour espérer une mutation électorale si tôt. Car malgré les insultes, les indignations, les cris, les révoltes, le président Aziz remportera haut la main les élections qui le réconfortent largement à l’assemblée nationale.
Sauf un miracle, ou une forte mobilisation de l’opposition en s’unissant en un seul bloc, déployant des efforts surhumains dans la volonté de faire barrage au dauphin de Aziz, le sort est déjà joué. Nous aurons sans nul doute un Ghazwani plus cynique et autoritaire que son mentor.
Au terme de cette analyse sur le désordre social et l’anarchie politique en Mauritanie, il serait important de pouvoir séparer la bonne graine de l’ivraie. Le vrai du faux. En ce sens voir de manière juste et réaliste la réalité politique et sociale. Dans cet article qui en réalité est un dossier ou document d’analyse globale de la crise socio-politique, je fais une chute conclusive pour m’accentuer sur un concept qui nourrit beaucoup d’amalgame au sein du peuple mauritanien dont j’avais traité la question dans un précèdent article afin de séparer la bonne graine de l’ivraie.
En fin ce concept est celui du terme « nègre de service ». Qui doit-on appeler « nègre de service » ? Qui sont en vérité les nègres de service ? Est-ce que tout individu issu de la population négro-africaine peut être traité de nègre de service en travaillant dans le gouvernement ou en étant un membre au parti au pouvoir issu du système. Est-ce qu’on peut servir sa Nation en étant au sein du système sans être « nègre de service » ?
Ces questions méritent une mure et profonde réflexion dans l’objectif de démêler le vrai du faux. Il existe un autre paradoxe au sein de la population noire du pays. Quand un parmi eux est nommé au sein du gouvernement on crie « un autre nègre de service vient de naitre », et de l’autre coté on pointe du doigt le manque de nomination de cadres noirs dans le gouvernement pour une plus grande représentativité! C’est un paradoxe non !
Pour comprendre ce phénomène, il faut une compréhension profonde du malaise des populations discriminées, et saisir les contradictions qui résultent de ce malaise entre le refus catégorique du système et le manque de clarté dans le choix politique de ces dernières.
Dans la situation des négro-mauritaniens, c’est soit il boycotte le système dans son ensemble, en luttant pour la disparition pur et simple du système, en refusant toute collaboration, ou soient elles décident de négocier et de dialoguer pour trouver des compromis en vue d’une plus grande représentation des noirs dans le gouvernement et les hautes fonctions du pays.
A l’état actuel nous sommes dans une situation confuse, anarchique de part et d’autre.
A mon avis, les « nègres de service » sont ceux-là, qui sont là depuis la naissance du régime de Taya, qui devenant des vitrines du gouvernement auprès de leur peuple, nuisent gravement à la lutte contre les discriminations et les injustices subies par celui-ci. Certains cadres noirs ou tout simplement d’honnêtes citoyens cherchent à servir leur Nation par leur fonction tout en se battant à l’intérieur du système en vue de restaurer l’état de droit et œuvrer pour l’unité nationale.
Mauritaniens et mauritaniennes, cet article est un condensé d’analyse et de critiques socio-politique, à vous d’en juger : la pertinence, l’exactitude, ou plutôt les erreurs d’analyse et les insuffisances et carences analytiques « bâclages et redondances », car quelque part Poperien de formation, je suis convaincu que toute science objective, procède par erreur, et rectification, ainsi dira-t-il « Nous n’apprenons que par essaie et erreur ! »
Dia Abdoulaye Oumar
Doctorant en anthropologie des connaissances
Auteur d’un livre : « AINSI MURMURAIT LE NEOPHYTE » disponible ici
Email : dia.abdoulayeoumar@gmail.com
Source : RMI-Info (France)