Informé, par le coordinateur départemental de la CENI d’une des moughataa de Nouakchott, de ma nomination à la tête d’un bureau de vote, j’ai assisté à une assemblée-marathon qui tenait lieu de formation, à une semaine du scrutin.
La plupart des présidents de bureau étaient des jeunes, garçons et filles, sans expérience, choisis sur des critères plus ou moins subjectifs. Une activiste politique connue avait été ainsi choisie et était intervenue pour placer également son neveu, âgé d’à peine dix-huit ans, à tel poste. Le jour du scrutin, elle n’arrivera même pas à déchiffrer les noms des votants !
C’est un de ses assesseurs, heureusement alphabétisé, lui, qui la suppléera… Le jeudi 30 Août, on nous demande de passer au siège local de la CENI. Après une attente interminable, on nous dit de repasser le lendemain, pour recevoir les cinq urnes et le matériel électoral. Mais le vendredi matin, voilà que l’entrée est désormais gardée par d’arrogants policiers. « Le coordinateur ne reçoit personne, il est occupé ! », nous lancent-ils, en poussant, sans ménagements, ceux qui leur font face.
« Il nous attend, nous sommes des chefs de bureau », proteste quelqu’un. « Arrière ! », répond le policier. Sentant venir l’humiliation, je décide alors de me retirer. D’autres en font de même. Si ma conscience ne m’avait pas rappelé au devoir national, j’aurais aussitôt démissionné. Quelques responsables de bureau restent dans l’attente, sous un soleil ardent.
Vers dix-huit heures, un ami me téléphone pour m’informer qu’on est en train d’enregistrer les présidents de bureaux dotés de véhicule, pour le transport des urnes et des gardes. Je me rends donc sur place, pour faire enregistrer la plaque d’immatriculation de mon véhicule. La foule a notablement grossi.
Outre les présidents, les assesseurs et les gardes chargés de la sécurité du scrutin attendent d’être servis. Circulation bloquée au niveau de l’axe central. « Pourquoi ce rassemblement ? », interrogent les badauds. Je quitte à nouveau le lieu pour aller me reposer chez moi.
Un peu plus tard, nouveau coup de téléphone : l’appel des bureaux a commencé. Il est vingt heures mais nous allons devoir encore patienter plus d’une heure, avant qu’un officier de la Garde n’entreprenne réellement l’appel.
Chaque président est doté de cinq urnes vides, plus une autre qui contient les bulletins de vote et le matériel nécessaire à l’opération. Vers vingt-trois heures, je débarque enfin dans mon bureau de vote, en compagnie de mes deux assesseurs et de deux gardes. C’est une salle de classe qui n’a pas été balayée depuis les examens de fin d’année.
Il nous la faut nettoyer et ranger les tables correctement, avant le vote, et c’est donc vers minuit que nous quittons les lieux, prêts pour les opérations électorales, sous la garde des deux éléments de sécurité susdits.
Lenteur et protestations Me voilà debout à cinq heures, le jour du scrutin, pour arriver au bureau de vote vers six heures. Mais le poste de garde, à l’entrée de l’école, m’empêche d’y accéder avec mon véhicule, bien que je porte mon badge de président. « Gare ta voiture dehors et entre à pied ! », m’ordonne le chef de poste. Je lui exprime poliment mon refus de laisser le véhicule. Après quelques minutes de négociations, il consent à le laisser entrer.
Six heures trente, me voici dans le bureau, en compagnie de mes deux assesseurs. Nous installons le second rideau de fortune, un simple drap de lit que j’ai emmené de chez moi. Fourni par la CENI, le premier a été installé la nuit précédente. Les vieux scellés posés sur les urnes sont coupés. Les papiers correspondant à chacune soigneusement collés. Carnets de bulletins triés et étalés, selon l’ordre numéral.
Les premiers et derniers numéros des séries de bulletins de chaque urne sont mentionnés sur les procès verbaux. Les représentants des listes candidates commencent à arriver. Le premier est celui de Tawassoul, suivi de Sawab, puis de l’UPR.
L’APP, El Islah et le RFD viendront plus tard. Je leur dispense un discours, poli et ferme, sur le comportement qu’ils sont censés tenir, les rassure sur notre totale neutralité et leur donne l’engagement ferme qu’ils auront, chacun, des extraits des PV de vote, en précisant que toute contestation de leur part y sera mentionnée.
Ces précautions verbales inaugurent un climat cordial dont nous assurerons le règne, grâce à Dieu, durant toute la durée du vote. Vers six heures cinquante-huit, nous ouvrons les cinq urnes, pour monter, à tous, qu’elles sont bien vides. Nous les scellons avec de nouveaux scellés dont les numéros sont mentionnés sur chaque procès-verbal.
Après avoir réparti les tâches entre le personnel du bureau, nous démarrons le vote vers sept heures. Je m’occupe de la liste électorale et de l’orientation des votants vers les urnes. Un de mes assesseurs s’occupe des cartes d’électeurs non retirées et de l’encre indélébile. Le deuxième distribue les bulletins de vote aux électeurs. Le scrutin se déroule sans problèmes.
Ceux qui ont retiré leur carte votent sans aucun obstacle. Ceux qui viennent avec des numéros tirés d’Internet repartent souvent bredouilles car l’actualisation des listes par la CENI, à la veille du scrutin, les a recalés, le plus souvent, pour quelques numéros transférés en d’autres bureaux.
Il leur faut repartir pour récupérer les numéros qui correspondent exactement à leur nom. Pour arranger ces personnes obligées d’aller et venir, j’ai donné instruction, aux gardes, de les faire entrer sans passer par le rang, s’ils arrivent à obtenir leurs bons numéros.
Ce qui ne manque pas de provoquer pas mal de protestation dans les files. Vers onze heures du matin, quatre-vingt-cinq personnes ont déjà voté. Un des candidats me demande pourquoi quelques votants de son électorat ont été repoussés. Je lui explique que leurs numéros ne correspondent pas à leur nom. Le voilà soulagé.
Les rangs des citoyens s’étirent sous un soleil de plomb difficilement supportable. Pressés d’en finir, certains s’impatientent. « Nous sommes ici depuis le matin », maugréent-ils, « c’est trop lent ! ». Chaque votant passe, de fait, à peu près six à sept minutes derrière le rideau et deux minutes entre les urnes. J’ai donné priorité aux personnes âgées et aux malades.
Cela me vaut pas mal d’injures et d’accusations. « Celui-là vient d’arriver et entre immédiatement pour voter, alors que nous demeurons dans la chaleur ? », lance quelqu’un. À treize heures, une jeune fille vient représenter le parti El Ghad, juste au moment où je reçois la visite d’un groupe d’observateurs nationaux qui me posent beaucoup de questions sur le déroulement des opérations… (À suivre)
Mosy
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Source : Le Calame (Mauritanie)