* Par Ignacio Gómez
« Je m’appelle Biram Dah Abeid. J’ai consacré ma vie à la lutte contre l’esclavage, l’impunité et l’injustice. C’est une promesse que j’ai faite à mon père, qui a épousé une esclave et vu sa famille déchirée par l’esclavage … « C’est ainsi que ce militant social, le Mandela de Mauritanie, figure emblématique de son pays et dans toute l’Afrique et qui donnera une conférence le 17 septembre au Forum Forbes 2018.
Sa lutte inlassable pour l’abolition définitive de l’esclavage en Mauritanie et dans le monde lui a valu de nombreux prix et distinctions, parmi lesquels le Prix international des droits de l’homme des Nations Unies (ONU) en 2013 et le Front Line Award pour les défenseurs des droits de l’homme en danger, également en 2013, par l’organisation irlandaise Front Line Defenders.
Biram, un ancien prisonnier politique, a été emprisonné à plusieurs reprises et a été nommé par le magazine Time comme l’une des 100 personnes les plus importantes du monde. Il est l’un des grands héros et combattants des droits de l’homme de notre époque.
Il est charismatique et un leader avec un immense prestige national et international qui a consacré sa vie à la lutte contre l’esclavage par « L’Initiative pour la Résurgence du Mouvement Abolitionniste (IRA) » fondée en 2008, inspiré par les philosophes français « Des Lumières » comme Rousseau, Diderot et Montesquieu. A 53 ans, il est un candidat pour la deuxième fois, à la présidence de la Mauritanie dont les élections se dérouleront en Juillet 2019.
La Mauritanie était le dernier pays d’Afrique à abolir l’esclavage (1981), mais ce n’est qu’en 2007 qu’il était considéré comme un acte criminel de posséder des biens sur un autre être humain. Cependant, malgré ces lois, l’esclavage et le travail forcé persistent dans la nation africaine en tant que pratique de facto.
Il y a encore plus de 40 millions d’esclaves dans le monde bien qu’il est difficile d’établir des chiffres cohérents sur le nombre de personnes asservies aujourd’hui en Mauritanie, mais on estime qu’elles représentent environ 20% de la population noire, dont 80% sont des femmes et des enfants.
La dénonciation systématique de Biram sur les conditions de l’esclavage et de l’apartheid à laquelle la majorité noire est soumise par la minorité arabe du pays lui a value la persécution du régime de l’ex-général Mohamed Ould Abdel Aziz. Son combat, tel qu’il le défini lui-même, il le porte dans son sang et il l’a vécu dans sa chair; descendant d’esclaves, son père ayant été libéré à la naissance en raison des superstitions des « propriétaires » de sa famille.
Il est également un grand orateur et parle parfaitement l’arabe, ce qui, malgré la grande diversité linguistique de la Mauritanie, lui permet de communiquer directement avec toutes ses communautés. Il était également le premier de sa famille à avoir accès à l’éducation. Diplômé en histoire et en droit de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, au Sénégal, il a toujours été guidé selon la volonté de son père.
C’est pourquoi il s’est consacré à l’étude de la lutte contre l’esclavage: « Ma grand-mère était esclave. Mon père est né libre parce que le maître de ma grand-mère était tombé gravement malade et un guérisseur lui a dit qu’il devait faire une charité très importante à Allah pour le guérir: libérer une âme musulmane. Le maître voulait que ma grand-mère continue son service et décida de libérer l’enfant qu’elle avait dans son ventre: qui serait mon père.
Mon père a épousé une femme libre. J’étais le numéro 11 de ses douze enfants. J’étais le seul dans ma famille à aller à l’école. Quand j’avais 10 ans, mon père m’a dit qu’il m’avait envoyé à l’école pour que je puisse lire les livres sacrés, afin qu’il puisse voir exactement ce que Dieu avait dit à propos des esclaves. Mon père, qui était analphabète, soupçonnait que les puissants qui contrôlaient la religion avaient dénaturé la parole de Dieu pour assoir leur pouvoir sur les humbles. Mon père m’a donné la mission de lire, de comprendre et de combattre. Depuis lors, toutes mes études je les ai consacrées à l’esclavage. «
Début de votre combat
Après avoir collaboré avec l’association SOS Esclavos, Biram a fondé l’IRA en 2008. En décembre 2010, Biram a été condamné à une peine de prison pour appartenance à une organisation non autorisée et libéré trois mois plus tard.
Tout au long de l’année 2011, l’IRA poursuit ses actions pacifiques, telles que les grèves de la faim, pour protester contre l’esclavage. Leurs actions, dirigées contre le gouvernement, mais aussi vers la version locale fausse et travestie de la religion musulmane; donc une dénonciation contre des interprétations considérées comme sacrées qui permettent ou tolèrent l’esclavage.
En avril 2012, devant un public rassemblé pour l’écouter, le dirigeant abolitionniste, après avoir expliqué les principes égalitaires et humanistes de l’islam, annonce « un jour historique » et « la purification des esclaves et de leurs propriétaires, par le retour à la vraie religion égalitaire et la foi juste.
« Il Fustigea l’instrumentalisation de l’islam par une minorité qui veut continuer à dominer, à exploiter. Ensuite il brula en public des livres considérés comme sacrés par les groupes dominants esclavagistes et que le leader Hratin considère comme étant des codes antiques d’esclavagisme. Il est arrêté sur le coup, inculpé d’hérésie et emprisonné.
Après six mois de prison, Biram Dah Abeid est libéré par le président mauritanien qui subit une pression internationale intense. À la fin de 2013, Biram Abeid reçoit le prix international des droits de l’homme des Nations Unies, prix que l’Organisation n’accorde que tous les cinq ans. En outre, il est présenté comme candidat indépendant à l’élection présidentielle de 2014 où il obtient la deuxième place avec 9% des voix.
L’immense soutien national et international à sa lutte pacifique a obligé le gouvernement mauritanien à l’emprisonner encore une fois de plus, dans l’objectif de le délégitimer et protéger les propriétaires d’esclaves au pouvoir. En novembre 2014, Biram est à nouveau arrêté pour « appartenance à une organisation non reconnue et non autorisée, ce qui induit des violences contre la force publique ». En mai 2016, 18 mois plus tard, il est libéré et son ONG est immédiatement interdite par le gouvernement d’Abdel Aziz.
Des exemples de sa lutte.
L’actuel président de la Mauritanie soutient que, dans son pays, les pratiques passées ont des conséquences, mais il nie catégoriquement que l’esclavage persiste en tant que tel. Cependant, différentes organisations telles que l’IRA et SOS Esclaves consacrent leurs efforts à documenter le contraire et à poursuivre en justice les coupables d’esclavage visant à libérer les victimes et à traduire les criminels en justice. Le gouvernement le nie parce que ce sont précisément eux qui contrôlent le pays qui pratiquent de telles pratiques.
L’IRA et Biram Dah Abeid estiment qu’ils ont libéré des centaines de personnes directement, et indirectement des milliers, comme Habi Mint Rabah, aujourd’hui membre d’IRÁ, qui a été libérée en 2008 après plus de 35 ans d’esclavage.
Situation actuelle.
Le mouvement a formalisé une alliance avec le parti politique Sawab et dispose désormais d’un puissant allié aux élections présidentielles de 2019.
Le 1er Septembre, 2018 ont eu lieu les élections législatives en Mauritanie, où Biram Dah Abeid a été élu à l’Assemblée nationale de la Mauritanie. Jusqu’à présent, pour le gouvernement, le mouvement abolitionniste de Biram était une ONG gênante mais sans cadre légal, mais l’alliance avec Sawab (un parti déjà reconnu par les autorités) et la victoire de Biram dans ces élections, IRA et Biram, sont à présent le parti, et le candidat de l’opposition le plus solide et avec de réelles options de victoire aux élections présidentielles de 2019.
En route pour la présidence mauritanienne en 2019
La campagne présidentielle de Biram est complexe et comporte plusieurs instances: une campagne internationale de sensibilisation à l’esclavage et à l’apartheid de facto qui existe en Mauritanie, une prise de conscience de la nécessité pour la Mauritanie de respecter les règles du jeu et des garanties acceptables pour l’élection de 2019.
L’abolition définitive de l’esclavage et de la discrimination raciale. Ce qui se passera en 2019 affectera également la région d’une manière très importante. Si la Mauritanie démocratise et règle ses problèmes de droits de l’homme, ce sera un partenaire politique et économique acceptable et digne pour le monde.
Si les problèmes dans ce pays prennent une tournure pire, ce sera un partenaire inacceptable, avec une situation atroce des droits de l’homme, avec une situation instable pouvant conduire à des situations politiques très dangereuses. La voie de Biram Dah Abeid mène à la démocratie, à la fin de l’esclavage et de l’apartheid de fait qui prévaut aujourd’hui, à la stabilité et à l’intégration de la Mauritanie dans le monde et à une ouverture à l’Europe.
La poursuite de la voie de Mohamed Abdel Aziz signifie l’approfondissement d’un régime autoritaire, avec une réalité des droits de l’homme inacceptable au monde et le danger que l’extrémisme wahabite occupe de nouveaux espaces décisifs. Biram a toujours été ferme dans ses convictions, devenant le leader et le héros de tout un peuple. Grâce à la campagne de soutien suivante, vous avez l’occasion historique de changer la situation de tout un pays et de libérer des milliers d’esclaves, grâce à un homme et à une équipe personnellement dévoués à cette mission.
Chronologie des prix internationaux de Biram Dah Abeid
1- Prix des droits de l’homme de la ville de Weimar
2- Prix des Nations Unies pour les droits de l’homme 2013
3- Prix Front Line Defenders 2013
4- Prix Echoes of Africa de la ville de Philadelphie 2014
5- 100 intellectuels les plus importants du monde en 2014 (Politique étrangère)
6- 15 défenseurs des droits humains qui ont marqué l’année 2014
7- Tulip Human Rights 2015 (Pays-Bas)
8- Prix James Lawson 2016 (UE)
9- Prix des héros contre l’esclavage et le trafic des personnes 2016 (UE).
* Ignacio Gómez est un master en politiques publiques de l’Institut d’études politiques de Paris. Il est actuellement l’un des coordinateurs de la campagne de Biram Dah Abeid, comme défenseur des droits humains et candidat à la présidence de la Mauritanie en 2019.
Biram Dah Abeid devait être présent au Forum Forbes 2018, mais il a été emprisonné en Mauritanie depuis le 7 août 2018.
Original en espagnol : https://www.forbes.com.mx/biram-dah-abeid-el-mandela-de-mauritania-estara-en-el-foro-forbes-2018/
Source : Forbes