En Mauritanie, on est forcé de choisir son camp politique – quitte à en changer -, mais cela donne des positions partisanes poussées parfois jusqu’au ridicule. Rares sont les observateurs qui savent garder un minimum d’objectivité. Mohamed Fall Ould Bah est de ceux-là.
Directeur général du Centre d’études et de recherches sur l’ouest saharien (Ceros), il est docteur en anthropologie à l’Université de Metz, en France. Il a longuement analysé la finance islamique. Son expérience de chercheur lui a épargné de succomber aux jugements à l’emporte-pièce.
Il analyse ici les positions respectives de la majorité et de l’opposition après le premier tour des élections législatives, régionales et municipales du 1er septembre. Le parti présidentiel l’emportera au deuxième tour, dit-il, mais le parti islamiste Tawassoul a créé la surprise en fédérant l’opposition.
Jeune Afrique : Comment analysez-vous les résultats du premier tour des élections législatives, régionales et municipales ?
Mohamed Fall Ould Bah : Nous connaissons seulement les grandes tendances. Le parti présidentiel, l’UPR, sort victorieux du premier tour, mais moins qu’on le pensait. Il a obtenu 67 sièges de députés. Il est également en bonne posture pour le second tour des élections régionales et municipales.
Le parti islamiste Tawassoul n’est-il pas le vrai bénéficiaire de cette élection ?
Il a déjà 14 députés, et tout le monde s’est empressé de dire que c’était un raz-de-marée. En fait, Tawassoul a noué très intelligemment des alliances. Si les Frères musulmans constituent son noyau historique, leur influence ne s’est pas généralisée. Le président les a désignés comme le grand danger qui menace la Mauritanie. Cela n’a pas marché car son parti a donné une impression de débâcle, et Tawassoul a su pratiquer une ouverture qui a permis à l’opposition de reprendre du poil de la bête.
Pourquoi les petits partis ont-ils été balayés ?
Ce sont ce que nous appelons des « partis-valises », d’un niveau très bas. La pléthore de leurs candidats est incompréhensible, mais elle témoigne du mécontentement vis-à-vis du pouvoir.
Le leader anti-esclavagiste Biram Dah Abeid, lauréat 2013 du prix des Droits de l’homme des Nations unies et actuellement emprisonné, a été élu député. N’est-il pas surprenant que l’on passe sans transition de la case prison au nouveau Parlement ?
Son alliance avec le parti Sawab, qui ne pèse pourtant rien, a fonctionné. Son score à la députation est proche des 8,67% qu’il avait réalisés à l’élection présidentielle de 2014, ce qui veut dire que son électorat est composé à 99 % des voix de l’IRA, et à 1 % de celles de Sawab. Quant à aller de la prison à l’Assemblée, ce n’est pas étonnant chez nous !
Par Alain Faujas