Opposant ou pas, nul ne peut nier le retard de développement que vit notre pays en comparaison au reste du monde. Qu’il y’ait eu quelques progrès ici ou là ne peut nullement faire oublier les faits, têtus, qu’illustre avec éloquence notre classement mondial dans tout ce qui compte dans le quotidien des mauritaniens : santé, éducation, transparence, libertés publiques, état de droit, pauvreté, accès aux services de base…etc. Dans tous ces domaines, et bien d’autres, nous nous situons toujours quelque part entre les 130e et 150e places mondiales (sur à peu près 180 pays que compte le monde), c’est-à-dire parmi les 25% les moins avancés en TOUT. Nous ne faisons donc même pas partie du 1/3 monde mais du ¼ monde (terme utilisé en général pour désigner les pauvres dans les pays riches mais qui, ici, nous réunit objectivement avec les pays souffrant les affres des guerres civiles et les atrocités des régimes sanguinaires).
Face à un tel constat, certains voudront se complaire dans un nombrilisme béat en se prévalant de « réalisations » aussi dérisoires qu’inefficientes et d’autres voudront se laisser aller à un fatalisme défaitiste se masquant derrière un prétendu « pragmatisme » qui n’est en fait qu’une excuse à la lâcheté, la cupidité et la paresse. Dans un cas comme dans l’autre, la conclusion évidente est : La Mauritanie est ainsi et sera toujours ainsi ; rien ne changera. Faux !
Ce pays a un potentiel énorme constitué, d’abord et avant tout, de ses femmes et ses hommes qui sont les héritiers de bâtisseurs et de conquérants et qui ont toujours bravé l’adversité. Faire face aux défis, survivre les moments difficiles, franchir les obstacles, ce sont des choses qui sont dans nos gènes. Notre foi de musulmans nous interdit de désespérer et nous dicte de toujours œuvrer en vue de « forcer le destin ».
Il est vrai que notre défaite face aux colons et la mainmise de l’Administration coloniale, puis de son héritière, l’Administration dictatoriale, ont brisé quelque chose en nous : un siècle d’asservissement nous a rendus serviles ; un siècle de brimades et d’oppression nous a ôté toute capacité de rêver et toute envie d’espérer. Nous avons fini par perpétuer cet état d’esprit nous-mêmes en raillant ceux qui « osent » rêver ou qui ont l’outrecuidance d’exprimer un idéal auquel ils aspirent. Aujourd’hui, nous nous trouvons opprimés, non par une quelconque puissance étrangère ou un quelconque despote, mais pas notre propre cynisme et notre aigreur.
Pour gagner la guerre du développement, il nous faudra d’abord remporter la bataille de l’émancipation, et les échéances électorales qui se profilent devant nous sont la meilleure opportunité pour ce faire.
Ainsi, la multiplication des candidatures que beaucoup critiquent et snobent ne sont, selon mon entendement, que le signe du réveil de notre vraie nature et de nos instincts d’hommes libres qui n’ont pas peur d’affronter les défis et de prendre leur destinée en main. C’est la conscience de chacun de sa propre aptitude à changer les choses et à écrire son destin. Certains la voient comme une pagaille sans nom, mais ils auraient tort de ne pas vouloir la voir pour ce qu’elle est réellement : une révolte électorale dont l’objectif est de rendre aux ‘gens’ les rênes de leur avenir. Des ‘gens’ qui ne sont pas forcément riches ni puissants, qui ne sont pas désignés par les centres habituels de pouvoir et qui n’ont aucune prétention à une légitimité autre que celle qu’ils comptent acquérir grâce à leur effort propre et l’adhésion de leurs semblables. Et tant pis si cela fait frémir la pseudo-élite (sociale, politique, économique ou intellectuelle).
Cette révolte montre qu’enfin, nous avons fini par oser relever le défi de l’espoir et que nous avons enfin compris que l’avenir c’est maintenant ! Et c’est maintenant que les mauritaniens devront commencer à se rassembler démocratiquement autour de leur unité de destin.
Source : Le Calame