A l’Est de la maison, débouchant sur la rue, elle avait érigé une baraque qui a fini par servir de dépôts d’ordures, aux voisins. On raconte dans le coin que cette dame en a fait de même, à deux autres maisons, situées à quelques jets de pierre de là, qu’elle a fini par acquérir à coups de lobbying. Sans coup férir.
Même opération, en perspective pour acquérir la maison de Fatimétou Abeidy, femme au foyer, veuve et mère de plusieurs enfants. Après des années de squat, la femme est passée à la vitesse supérieure, en démolissant, il y’a deux semaines, sous la supervision d’agents de l’ADU, les deux chambres en béton, situées à l’Est de la maison, que la famille avaient construites, contre vents et marées.
Depuis, la maison ressemble à un champ de ruine. Ce 24 Juillet, vers 17h, nous nous sommes rendus sur place pour constater la désolation et l’amertume qui s’est emparée de cette famille nombreuse et pauvre qui vit sous des habitations de fortune. C’est la cheffe de famille Fatimétou Abeidy, regard assombri, entourée d’une flopée de jeunes femmes et d’enfants rabougris, qui nous accueille.
« Des gens sont venus avec la femme. Ils lui ont donné une grande partie de ce côté-là (elle indexe l’endroit situé à l’Est de la maison). En plus, ils sont revenus pour casser les chambres qui étaient là pour compléter le lieu squatté par la femme qui n’a que 2m vers la rue. La femme n’a jamais habité ici, elle avait juste planté ici une cabane que vous voyez ici, complètement délabrée », explique-t-elle.
Très en colère, Fatimétou Abeidy brandit des papiers à la main dûment signés, accuse l’ADU de s’être rangée du côté de la femme qui aurait usé « de tous ces contacts dans l’administration, au niveau parental et tribal pour valoir ses droits » sur leur terrain. Fatimétou Abeidy explique aussi qu’elle a saisi en vain la préfecture de Toujounine et le Ministère de l’habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire.
Elle indique que lorsqu’elle a décidé de chercher à comprendre, que ce soit du côté du Ministère de l’habitat comme de l’ADU, on dégageait toute responsabilité.
« Ils ne sont jamais venus pour voir qui a réellement tort ou qui n’a pas tort. Ils sont venus au contraire pour casser nos chambres », a poussé Fatimétou Abeidy. Désespérée et sans soutien, Fatimétou Abeidy s’est finalement confié à l’ONG Anciens esclaves et nouveaux citoyens (AENC). Cette organisation, qui suit dorénavant cette affaire, milite en faveur des couches sociales pauvres notamment les descendants d’esclaves en leur apportant une aide judiciaire en de pareilles circonstances.
« S’il n’y avait pas la main de l’administration, la femme ne pouvait pas se permettre de casser cette maison. C’est l’ADU qui est venue casser la maison de ces pauvres gens et qui sont en précarité. Au lieu de les aider, on est en train encore de les enfoncer plus dans la précarité. C’est une situation alarmante et le Gouvernement doit prendre cela en considération sans plier sous l’effet du clientélisme et du trafic d’influence. La politique de l’Etat n’encourage pas ce genre de situation, c’est pour cette raison, nous avons espoir que ce problème sera réglé au niveau de l’administration », a affirmé Cheikh Sidiya, président de l’ONG Anciens esclaves et nouveaux citoyens (AENC).
Les cas d’expropriations foncières sont monnaie courante à Nouakchott. A Toujounine, à titre illustratif, plus de 24.000 cas de litiges fonciers nés des squats ont été recensés en 2017. Selon les statistiques, près de 38% des affaires portées devant la Cour suprême en 2016 sont dues à des litiges fonciers.
Par Babacar Baye NDIAYE