On peut être d’accord ou pas sur la légitimité des élections présidentielles en Mauritanie. Certains partis de l’opposition ont décidé de les boycotter. D’autres non. En effet, le champ politique mauritanien est un espace globale médiocrité où des forces aveugles s’affrontent. Il est le reflet d’une société apathique où l’esprit critique est quasi-inexistant. Il se caractérise par une agitation où chacun prétend être à la hauteur des défis.
Dans une société où l’on pense être en capacité de tout faire, on est certain qu’on est dans un univers où la suffisance imbécile domine. Ainsi, dans ce pays des aveugles, les borgnes sont rois.
On peut se poser des questions pour savoir pourquoi Birame Ould Abeid s’est présenté aux élections présidentielles. Mais là n’est pas mon sujet. Ce qui m’intéresse est qu’il d’origine Harratine. Il s’agit d’une candidature d’une des grandes figures de la lutte contre l’esclavage en Mauritanie.
J’ai toujours dit à Birame qu’une candidature à la présidentielle se prépare et doit se faire autour d’un programme réfléchi et pragmatique. Maintenant qu’il a décidé de se présenter, l’heure n’est pas à la polémique.
Il me semble que ce qu’il faut prendre en considération est ce qu’il représente en tant que symbole. Au-delà de lui-même, il porte la voix de la communauté la plus commandée de la Mauritanie et pour cette cause, je pense que sa candidature mérite que l’on y prête attention.
Depuis que la Mauritanie est indépendante, ce sont les mêmes groupes dominants qui dirigent le pays. La première candidature d’Ibrahima Sarr avait suscité beaucoup d’espoir mais l’homme a déçu. Pourquoi alors ne pas donner sa chance à une personne issue d’un des groupes les plus dominés de ce pays. Birame ne peut pas être pire que ceux qui ont dirigé ce pays jusqu’à ce jour.
De la même manière que je soutiens le combat Birame, je soutiendrai celle d’un forgeron maure.
Une chose est plus ou moins sûre, Birame à la tête de la Mauritanie va participer à la libération d’êtres humains soumis à la pire des conditions.
La violence physique, morale, les viols, leur déshumanisation dont les esclaves font l’objet doit révolter toute personne qui se réclame de mériter le qualificatif d’humain. Ne serait-ce que pour cette raison, il me parait judicieux de prêter main forte à la candidature de Birame. Ceci ne doit pas seulement concerner les Harratines mais toutes les autres composantes de la Mauritanie.
« L’homme n’est vraiment que parmi d’autres hommes également libres; et comme il n’est libre qu’à titre humain, l’esclavage d’un seul homme sur la terre, étant une offense contre le principe même de l’humanité, est une négation de la liberté de tous. » [Mikhaïl Bakounine – 1814-1876 – Catéchisme révolutionnaire]
Chacun doit prendre ses responsabilités. Birame n’est pas un homme parfait mais il représente une cause. C’est cela qu’il faut prendre en considération. En certains moments de l’histoire, il faut savoir passer outre certaines considérations pour maintenir un peu d’humanité dans un pays.
En 1995, de nombreuses personnes qui n’aimaient pas Chirac ont voté pour lui pour empêcher l’arrivée au pouvoir de Jean Marie le Pen. Il en est de même aujourd’hui en Mauritanie, quelque soient les critiques que l’on pourrait adresser à Birame. Il est donc important de ne pas le laisser seul. En France, c’est la République que l’on défendait et non Chirac. En Mauritanie, c’est l’égalité des citoyens, préalable à toute émergence d’une nation que l’on doit défendre.
La France a une longue tradition démocratique, elle a donné au monde des valeurs essentielles, il n’en demeure pas moins, qu’aux dernières élections, on n’avait le choix qu’entre François Hollande et Sarkozy. De Gaulle doit se retourner dans sa tombe. Mendes France doit prier Dieu pour la fin de la souffrance de son peuple.
L’heure est cruciale, il faudra mettre de côté ses sentiments et être lucide. Mandela disait : « Etre libre, ce n’est pas seulement se débarrasser de ses chaînes ; c’est vivre d’une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. »
C’est donc pour le combat de la liberté que j’écris cet article. J’ai toujours été proche de Birame non par sa manière de faire, ni par son génie mais pour la cause qu’il défend et son courage. J’assume donc mes idées car l’histoire est le seul juge des hommes.
Je prends toujours mes responsabilités quand il le faut, même si je ne suis pas compris. Ce qui est important ce n’est pas d’être compris mais d’être fidèle à ses idées même si on se trompe. Il faut accepter de les assumer devant l’histoire.
Mon combat est celui de la liberté, ma liberté, la liberté de chaque être humain. « C’est quoi une vie d’homme ? C’est le combat de l’ombre et de la lumière… C’est une lutte entre l’espoir et le désespoir, entre la lucidité et la ferveur… Je suis du côté de l’espérance, mais d’une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté. [Aimé Césaire]
Oumar Diagne,
Ecrivain