Des Ong dénoncent le pillage des eaux mauritaniennes

Dans un communiqué, plusieurs Ongs dont Sherpa et Sea Shepherd lancent un cri d’alarme contre la surexploitation des ressources halieutiques au large des côtes mauritaniennes. Au coeur des préoccupations, un étrange contrat signé en 2010 entre le gouvernement mauritanien et la société chinoise Poly-Hondone autorisée à pêcher de manière quasi illimitée pour une durée de vingt-cinq ans.

L’exploitation des ressources halieutiques représente un enjeu stratégique pour l’économie mauritanienne. Principal pourvoyeur de devises après les mines, le secteur de la pêche représente 10% du PIB du pays, entre 35% et 50% des exportations et près de 36% des emplois.

Le gouvernement mauritanien a adopté une « Stratégie de Gestion du Secteur des Pêches et de l’Aquaculture 2008-2012 »  destinée à « assurer, dans le cadre d’une gestion durable des ressources halieutiques, l’optimisation des bénéfices socio-économiques tirés du secteur, en termes de recettes budgétaires, de revenus des opérateurs privés, d’emplois, de sécurité alimentaire et de réduction de la pauvreté ».

Un contrat de pêche douteux avec une société chinoise

Or, les contrats conclus dans le domaine de la pêche par le gouvernement mauritanien s’éloignent «très sensiblement » de cette stratégie. Les termes de la convention entre la Mauritanie et la société chinoise Poly-Hondone Pelagic Fishery, dépendant du groupe Poly Technologies, en constituent un exemple particulièrement criant.

Signé le 7 juin 2010, ce contrat prévoit que, moyennant un simple investissement de 100 millions de dollars en nature via la construction et l’exploitation d’une usine de transformation de poisson à Nouadhibou, la société chinoise bénéficie d’un droit de pêche sur une durée de 25 ans dans des conditions fiscales et commerciales extrêmement avantageuses.

Alors même que les ressources halieutiques mauritaniennes sont gravement menacées, les Ongs Sherpa et Sea Sheperd s’étonnent qu’aucune restriction aux modalités de pêche n’est prévue par cette convention. Ce droit de pêche illimité se traduit par un pillage des ressources halieutiques par la société chinoise, aggravé par un contexte général de captures illégales et non déclarées. Cette surexploitation des ressources halieutiques a pour conséquence des atteintes irréversibles à l’environnement et à l’écosystème, caractérisant de facto un véritable « préjudice écologique ».

Aucune obligation en termes de développement économique et social n’est non plus envisagée si ce n’est la création de 2 463 emplois destinés prioritairement au personnel mauritanien qualifié. Un engagement bien négligeable – et non tenu à aujourd’hui – au regard des importantes pertes d’emploi chez les pêcheurs traditionnels : environ 13 000 emplois sont déjà concernés à ce jour.

L’aide européenne flouée

Par ailleurs, lors des réunions des 19 et 20 février 2013 ayant pour objet la discussion du protocole de pêche, l’UE avait aussi réitéré « la nécessité de recevoir (…) les informations demandées sur l’utilisation du reliquat des fonds apportés de 25 millions d’euros » et « de disposer de ces informations avant d’envisager le déclenchement du nouvel appui financier ». Ce rappel fait par l’UE à la Mauritanie quant à la traçabilité de l’appui financier européen n’a pas été suivi d’effet, bien au contraire, dans le cadre du nouvel accord de pêche, de nouvelles aides ont été débloquées.

DECRYPTAGES – PAR LOUISE DIMITRAKIS