Des feux d’une intensité inouïe couvent sous notre sol mauritanien et si nous ne trouvons pas une solution rapide, ils nous surprendront et en nous surprenant, ils risqueront de faire beaucoup de dégâts .
Le feu du recensement national dit enrôlement massif.
Jamais en Mauritanie, une opération comme celle que nous connaissons tous aujourd’hui, à savoir l’enrôlement massif de la population dont le coup d’envoi a été donné depuis Novembre 2011, n’a fait autant de bruits et de dégâts.
De dégâts, il y en a eu, il y en a et il risque d’y en avoir encore. Ces dégâts qui ont entaché littéralement cette opération d’enrôlement sont tout simplement dus à l’amateurisme, pour ne pas dire à l’ignorance, des agents recenseurs dans les centaines de centres d’enrôlement repartis sur l’ensemble du territoire national.
Je pousserai le bouchon, peut être un peu plus loin, mais il faut affirmer, sans risque de me faire contredire, que la grande partie de ces dégâts sont dus à l’excès de zèle de certains agents recenseurs qui se croient tout permis. De leurs visions du pouvoir qui leur est confié, ils peuvent décider de faire de certains mauritaniens des citoyens à part entière, et d’autres des citoyens de seconde zone, de seconde priorité ou de seconde préoccupation. Mais parmi tous ceux-ci il y a d’autres, que je qualifie de victimes de leurs « noms ou prénoms » car ces prénoms et noms « ne correspondent à la Mauritanie » selon ces agents recenseurs!
Et toutes ces frustrations constituent pour notre jeune Nation une source explosive si des mesures rapides ne sont pas prises.
Il y a une semaine, je me promenais de centre en centre à Nouakchott pour avoir une idée globale de cet enrôlement massif de la population et pour en tirer ma propre conclusion.
Après les premières révélations des difficultés liées à l’enrôlement et énumérées par certains compatriotes dans les colonnes des journaux de la place ici à Nouakchott et sur les sites électroniques en ce qui concernait le parcours du combattant imposé à certains de nos compatriotes, surtout noirs( enrôlement des parents du candidat à l’enrôlement n’ayant pas atteint l’âge de 45 ans, certificat de décès, devenu depuis peu, jugement de décès, des deux parents ou de l’un des parents), pour s’enrôler, un autre problème vient de s’ajouter aux difficultés des candidats déjà enrôlés. Cette difficulté est traduite par l’exigence de présenter l’enrôlement d’au moins trois frères ou sœurs du candidat à la carte d’identité ou au passeport. On est dans quel monde! La République Islamique de Mauritanie n’est-elle pas entrain de renier sa propre constitution et par ricochet faire d’elle même la risée des Nations démocratiques? La majorité en Mauritanie n’est-elle pas fixée à 18 ans? Et pourquoi exiger d’un mauritanien majeur candidat à l’enrôlement n’ayant pas atteint 45 ans d’âge d’apporter obligatoirement l’enrôlement de ses parents ou le certificat de décès de ceux-ci s’ils ne sont plus de ce monde? C’est inimaginable. C’est révoltant et à la limite insipide!
Aux centres d’enrôlement de Sebkha et de Tevragh-Zeina, j’ai été témoin, ces jours-ci de plusieurs refus d’octroi de passeports ou de cartes d’identité à plusieurs jeunes compatriotes dont la majorité est noire. Il est vrai que quelques jeunes maures ont subi le même sort et l’explication donnée est que beaucoup d’étrangers se seraient enrôlés de manière frauduleuse et pour séparer « la graine de l’ivraie » le gros tamis est sorti et cette situation ne fait renforcer l’excès de zèle des agents recenseurs. Quelle réponse donner à celui ou celle qui n’a ni frère ni sœur? Celui ou celle qui est fils unique ou dont les frères et sœurs sont décédés? C’est impensable pour ceux-là!
Etrangers, le mot est lâché. Voilà les boucs émissaires que brandit toujours l’administration mauritanienne pour régler le compte de certaines compatriotes non seulement à l’égard des étrangers mais régler le compte de certains mauritaniens qui ne seraient pas de vrais mauritaniens!
Et pourtant, ce même enrôlement se passe en Arabie Saoudite, en Côte d’Ivoire et pourquoi n’y a-t-il pas de dégâts? Il faut crever l’abcès et on se soulagera tous et dans le soulagement peut-être le remède à nos maux: L’on dit qu’en Côte d’ivoire et en Arabie Saoudite, la plupart de nos compatriotes sont maures, arabes et on ne leur exige pas trop conditions voire aucune condition. Ils sont commerçants et sont de facto mauritaniens car le vrai mauritanien est un commerçant. Que dire de nos compatriotes en Europe? Ils sont mauritaniens mais, il y a un mais. Ils sont noirs, peut être sénégalais, maliens, congolais, burkinabé et que sais-je encore….. et qui ont bénéficié des papiers mauritaniens. Cependant, pour connaître les « vrais » mauritaniens des « faux » mauritaniens en Europe, il faut faire appel à la carte de séjour du pays européen où réside le candidat à l’enrôlement pour être sûr de sa mauritanité? C’est la limite de la maladresse politique et juridique. Comment peut-on exiger d’un citoyen d’un pays indépendant et souverain une pièce étrangère pour justifier sa nationalité? On n’en a jamais vu ni entendu.
Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz fait fausse route ou certaines personnes de son entourage lui donnent de mauvaises informations dans le seul but de faire mal.
Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz doit se rappeler, dans son histoire récente, lors de l’élection de 2009, que ce sont ces mauritaniens noirs en France à qui l’on refuse l’enrôlement pour le motif que tout le monde sait, l’avaient plébiscité et qu’il a fini par décevoir. Ces mauritaniens noirs dont le souci majeur en Europe est de venir en aide à leurs familles restées au pays, sont traumatisés par l’Ambassadeur de Mauritanie à Paris, Monsieur Ould Brahim Khlil qui exige automatiquement aux candidats à l’enrôlement une carte de séjour française, dans l’enceinte de notre ambassade qui est supposée être le territoire mauritanien, souverain et indépendant.
C’est comme si les services consulaires de l’Ambassade de France à Nouakchott ou ailleurs demandaient à un ressortissant français sur le territoire mauritanien, sénégalais, malien tchadien etc. pour les besoins d’un recensement ou des élections municipales qui se passent actuellement en France, de présenter obligatoirement une résidence de ces pays pour prouver sa nationalité française. Ne soyons pas ridicules car la citoyenneté n’est pas un vain mot. Elle est l’essence même de l’existence de l’homme. Nous mauritaniens, nous nous connaissons et toutes ethnies et toute races confondues. Arrêtons ce feu du chauvinisme, de haine, de racisme avant qu’il ne soit trop tard.
Le feu de la double nationalité
Arrêtons d’être hypocrites et injustes car ce sont deux défauts incompatibles avec l’Islam. Nous mauritaniens crions haut et fort notre Islamité mais dans nos pratiques, il va falloir mettre un peu d’eau dans notre « vin »
Le décret mauritanien en matière de l’épineux sujet de la double nationalité « La nationalité mauritanienne se perd et est retirée à toute personne qui jouit d’une autre nationalité d’origine ou a obtenu la nationalité d’un autre pays» disposait la loi 61 112 du 12 juin 1961 portant code de la nationalité mauritanienne, doit changer car les contextes ne sont plus les mêmes ou s’il ne change pas, il doit être appliqué à tous sans exception car le principe voudra que « nul ne doit être au dessus de la Loi ».
Il est temps d’arrêter avec l’hypocrisie et avec le triomphe de la justice des vainqueurs ou des détenteurs du pouvoir. Nombreux sont les mauritaniens, toutes races et ethnies confondues, qui ont la double nationalité mais la rigueur de ce décret dans son application affecte plus nos compatriotes noirs que maures. Dans le milieu maure aisé ou même moyen, il est rare de voir une famille, ou un enfant qui n’a pas une autre nationalité autre que mauritanienne. Pourquoi ces personnes se pavanent-elles tranquillement en Mauritanie et occupent des postes de grandes responsabilités? Si l’exemple malheureux de Azeddine Daddah, avec tout le tapage médiatique qui en a découlé, est là pour nous en dire un peu plus! Et sinon comment expliquer cette acrobatie des autorités mauritaniennes? Azzedine Ould Daddah(victime du décret de son défunt père) est arrêté à l’aéroport de Nouakchott en partance pour Milan pour avoir présenté deux passeport mauritanien et français et empêché de voyager et quelques jours après, son frère, Mohameden Ould Daddah est promu ambassadeur de la Mauritanie en Belgique, comme pour laver un affront! Et si c’était arrivé à un mauritanien lamda? Ses espoirs de se voir d’abord libérer se seraient dissipés comme un flocon de neige sur le crâne d’un chauve. Comment expliquer ce double langage du traitement fait aux deux frères? Ni l’un ni l’autre ne doit jouir, dans le contexte de l’application des textes, de la nationalité mauritanienne à fortiori être nommé ambassadeur.
Si certains ont opté pour la nationalité étrangère ce n’est pas par gaîté de cœur. Ils l’ont fait par nécessité sociale, économique ou environnementale. Dieu sait que beaucoup de nos compatriotes noirs établis en Europe n’ont pas voulu prendre la nationalité des pays où ils résident par reniement de leurs nationalités. Ils l’ont fait dans des contextes différents mais convergents: beaucoup ont été chassés par la politique de haine et de racisme des années Taya. Beaucoup ont été réfugiés et ont fini par avoir accès à la nationalité des pays d’accueil mais n’ont jamais rompu leurs liens avec la Mauritanie, leurs pays d’origine. Ils y entretiennent leurs familles. Sans leurs apports économiques qui contribuent à stabiliser et apaiser une vie sociale et économique de leurs familles restées au Bercail, la Mauritanie aurait connu aussi son printemps arabe qui serait d’une violence inouïe.
Le Maroc ou l’Algérie, des pays frères et amis, que font-ils de leurs compatriotes ayant une autre nationalité autre que celles de leurs pays d’origine? Ces deux pays affirment mordicus, que leurs citoyens peuvent avoir la nationalité du pays qu’ils veulent mais resteront toujours citoyens de leurs pays d’origine. Voilà un bel exemple de patriotisme et de responsabilité. Voila la belle leçon par laquelle, l’Algérie et le Maroc démontrent ce que veut dire être citoyen d’un pays.
La double nationalité, loin d’être un danger, constitue un avantage certain. sur le plan social, économique et culturel, surtout pour les mauritaniens qui jouissent de la double nationalité car elle leur permet de s’insérer en Europe et avoir accès à des postes de responsabilité dédiés aux seuls nationaux.
Ces deux feux, enrôlement et double nationalité, constituent les mauvais ingrédients et les sources des maux dont souffrent beaucoup de nos compatriotes. Il est temps que les autorités mauritaniennes prennent le taureau par les cornes pour le terrasser avant qu’il ne soit trop tard.
Aucun pays au monde ni aucune nation, ne peut se prévaloir une pérennité dans le temps et dans l’espace si le peuple vit de frustrations en frustrations. Que l’administration mauritanienne se débarrasse des mauvaises idées et des comportements malsains des administrateurs pour que la gestion de l’administration publique soit une garantie inébranlable pour améliorer les conditions de vie de nos paisibles citoyens
Nouakchott le, 26 mars 2014
Sid’Ahmed Ould Jaafar
Consultant/Politologue
Nouakchott, Mauritanie