Inquiétudes légitimes des recalés de l’enrôlement : Le calvaire

Un centre d’enrôlement à l’état civil dans la banlieue de Nouakchott, Mauritanie, 23 octobre 2017.

Lancées fin-Juillet dernier, les opérations de parachèvement des enrôlements décidées par le ministère de l’Intérieur approchent de leur terme, l’arrêté N°0698 du 4 Juillet ayant fixé la fin du processus au 31 Décembre prochain. On a donc largement passé la mi-parcours mais nombreux sont encore les insatisfaits qui avaient tant fondé d’espoir en cette décision susceptible de mettre fin à leur calvaire, galvanisés qu’ils étaient par les instructions du président de la République, les déclarations du ministère de l’Intérieur et les appels de l’Agence nationale de recensement des populations et des titres sécurisés (ANRPTS).

Las ! Sur le terrain, certains agents et responsables n’obéissent qu’à leurs humeurs, passant outre les « instructions venues d’en-haut ». « L’administration au service de l’administré »tant clamée par le président de la République et le gouvernement est violée tous les jours et pas qu’au niveau des Centres d’accueil des citoyens (CAC). Dans tous les services décentralisés de l’État, ces fameuses instructions sont foulées aux pieds. Et la question qu’on se pose tous les jours est de savoir pourquoi des sanctions ne tombent pas des hautes autorités dont les ordres sont ainsi bafoués. Même au niveau de la capitale, c’est le laxisme et l’impunité.

Bientôt apatrides en leur propre pays ?

À quelque deux mois de la fin du processus, les choses n’avancent que très lentement et rien n’est fait pour répondre aux nombreuses plaintes des citoyens dont les protestations sont relayées sur les réseaux sociaux. Les entraves observées, aussi bien au niveau des CAC que des tribunaux départementaux, persistent. Des problèmes récurrents de réseau Internet demeurent. Censées parachever l’enrôlement, les opérations étaient pourtant frappées du sceau de l’urgence et tout devrait être mis en œuvre pour faciliter la tâche aux candidats au recensement. Mais c’est presque tout le contraire qui se déroule en certaines contrées du pays. Du coup, des voix s’élèvent pour dénoncer et protester contre la « discrimination » et le « refus pur et simple de leur octroyer des papiers d’état-civil ». Les voilà maintenant à craindre de se retrouver « apatrides » en leur propre pays.

En dépit de ces inquiétudes exprimées sur les réseaux sociaux et relayées par certains partis politiques de l’opposition, les autorités de la République restent silencieuses. Ont-elles diligenté des enquêtes discrètes sur le terrain pour juger de la réalité ? À quoi servent donc nos services parallèles de renseignements ? Pourquoi les forces de sécurité et de défense censées relayer les infos par leurs Bureaux régionaux semblent inactives ? Avez-vous entendu parler du limogeage d’un seul responsable de CAC ou cadi pour manquement à sa tâche ? Des citoyens parcourent des kilomètres, s’alignent en rangs sous le soleil et le vent, des heures durant, pour s’entendre dire qu’il n’y a pas de réseau, qu’ils doivent aller vers un autre département ou région, que le cadi est absent ou qu’on refuse de reconnaître leur filiation…

L’unité nationale toujours en question ?

Faute d’avoir répondu à ces nombreuses plaintes, les hautes autorités doivent faciliter, comme elles s’y étaient engagées, l’enrôlement de citoyens jusqu’ici recalés, en instruisant les CAC et les autorités administratives de mettre les bouchées doubles pour boucler le processus à la date indiquée. Un cahier de charges clair leur doit leur être adressé pour aider les citoyens à se faire recenser. À défaut, proroger l’opération au-delà du 31 Décembre 2023. Une hypothèse qui ne plairait probablement pas aux extrémistes opposés à tout consensus autour de l’unité nationale. Mais y a-t-il plus dramatique que de se retrouver apatride en son propre pays, avec des enfants qui ne peuvent ni aller à l’école, ni se soigner, ni voyager ? C’est hélas le cas de ces milliers de mauritaniens expulsés entre 1989 et 1990 qui vivent au Sénégal et au Mali. Les engagements du président de la République doivent être respectées, faute de quoi c’est le pouvoir qui perdra beaucoup de sa crédibilité. Le fameux « pacte républicain » signé entre le pouvoir et deux partis de l’opposition, RFD et UFP, pourrait-il faire bouger les lignes sur cette question de l’unité nationale dont on ne cesse de parler mais qui semble bien devenue comme une arlésienne. Avant quelles noirceurs encore, Seigneur Tout-miséricordieux, très miséricordieux ?


Le 18 octobre 2023
Dalay Lam
Source : Le Calame