J’assume et j’affirme haut et fort que la Mauritanie va mal !
A cet égard, il y a un indicateur assez significatif de ce mal-être aussi bien politique, économique, social et moral, suffisamment illustré par la détention arbitraire de hauts dignitaires de ce pays, en ce mois béni de ramadan, alors que sous leur gouvernance, la Mauritanie a rayonné de toute sa splendeur.
Je ne puis admettre que l’homme courtois qui a publiquement déclaré que la parole donnée méritait à ses yeux égard et considération, et qui a été choisi par ses pairs et le peuple, au vu de son programme national et ambitieux déployé sous le titre « Mes engagements », avec comme objectif affirmé de manière solennelle la protection des intérêts de l’Etat, de la Nation et du peuple, la préservation et l’amélioration des grands acquis nationaux ; que cet homme puisse se murer dans le silence, et regarder en toute indifférence se déployer sous ses yeux, un complot ouvertement ourdi contre son Etat, sa patrie , son peuple, contre ses frères d’arme, ses compagnons de la décennie, contre lui-même et ses engagements solennels.
Cela ne peut s’expliquer que de deux manières :
Soit l’homme est impuissant, marginalisé, et une bande gère à son insu et à sa guise les affaires de l’Etat, comme le soutiennent certains analystes !
Dans ce cas, nous sommes en face d’une crise de taille, à nulle autre comparable ; en ce sens que tout ce qui se passe dans le pays est un tissu d’actes illégaux, une conspiration contre la volonté du peuple, une injustice et du despotisme.
Soit l’homme est toujours celui qui tient effectivement les rênes du pouvoir, comme nous le souhaitons vivement, et alors , il est de notre devoir tous de l’édifier sur la situation, en le mettant publiquement au fait :
Excellence, monsieur le président de la république, vos collaborateurs vous ont menti sur trois points :
1) Le dossier dit « dossier de la décennie », dans lequel est poursuivi votre prédécesseur et votre ami, l’ancien président de la république Mohamed ould Abdel Aziz, ainsi que certains dirigeants de la Mauritanie ayant exercé sous son mandat, et sous le vôtre ; ce dossier dis-je, est un mensonge grossier, et un complot politique des plus exécrables, ourdi par certains déprédateurs pour se venger de vous et de votre compagnon d’armes ; une conspiration contre la volonté du peuple mauritanien et le modèle constitutionnel que vous et votre compagnon d’armes avez élaboré ; Ils ont distrait le peuple par « l’affaire de la décennie » pour se consacrer à ce qu’ils savent faire le mieux ; détourner, dissiper les biens publics ; leurs méfaits ne vous échappent pas.
C’est le lieu de vous affirmer que :
a. Il n’y a aucune preuve contre le président Mohamed ould Abdel Aziz et ses compagnons. b. La justice mauritanienne n’est pas indépendante, qu’elle est politisée, impuissante à se faire l’écho d’un procès équitable ; cette réalité, désormais de notoriété publique, n’échappe plus à personne, ni au commun des mortels, ni même aux enfants en bas-âge. c. Il ne reste plus de « La corruption de la décennie » que les relents d’une pièce de théâtre de mauvais goût, d’une œuvre toute faite de démagogie, et dont le vernis de camouflage s’est très vite dégarni.
2 ) Sur les propos présentant le « dossier de la décennie » comme un dossier judiciaire, qui serait entre les mains de la justice, loin de toute immixtion du pouvoir exécutif, ou de manière crue et plus claire, « …Un dossier dont le parlement s’est débarrassé en le soumettant à une justice souveraine sur laquelle nul n’exerce un quelconque pouvoir », selon l’expression du bâtonnier de l’ordre national des avocats lors d’une conférence de presse en date du 27/06/2022.
Ces propos sont dénués de tout fondement !
D’une part, le dossier est un dossier politique, fabriqué et piloté par un organisme gouvernemental qui le gère à sa guise, et donne ses ordres à la justice qui s’y conforme à la lettre.
D’autre part, l’objectif recherché à travers le tapage orchestré autour de cette affabulation est d’abord de consacrer et d’asseoir le détournement de la justice au détriment de la loi, mais aussi au détriment des pouvoirs qui sont les vôtres, pour que cette justice ne soit plus qu’un instrument au service d’une clique de corrompus, ensuite pour vous dépouiller vous-même de vos compétences en tant que président de la république, et de vos prérogatives constitutionnelles sur toutes les institutions de la république y compris la justice, en violation des articles 24, 89 de la constitution qui disposent : « Le président de la république est le gardien de la constitution, il est l’incarnation de l’Etat , il garantit en sa qualité d’arbitre le fonctionnement régulier des institutions ; il est le garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité territoriale….Le président de la république est garant de l’indépendance de la magistrature, et préside le conseil supérieur de la magistrature….. »
Est-il admissible que quelqu’un qui dispose de telles compétences et de telles prérogatives se suffise à regarder en spectateur la constitution se faire violer, les lois se faire bafouer, et la justice se faire instrumentaliser.
3) « Ô ! Grand dignitaire ; nous sommes atteints ainsi que nos familles d’une calamité… », Coran XII, 88.
La situation du pays est gravissime contrairement à ce qu’on vous rapporte. L’anarchie, la corruption, le pillage, la hausse des prix, l’injustice, le chaos, le banditisme, la pauvreté, la maladie, l’ignorance, la désintégration sociale et la dépravation se sont propagés et nous voilà revenus des décennies, voire des siècles, en arrière.
Rien de significatif n’a été accompli ! Prenons à titre d’exemple les élections en cours : c’est une farce, un marché où les consciences s’achètent, un théâtre de rivalités et de contradictions tribalistes, régionalistes, ethniques et sectaires qui font que ces élections sont dénuées de toute transparence, et n’ont aucune crédibilité.
Excellence, Monsieur le Président de la République ! Vous êtes le seul responsable devant Allah et devant le peuple du sort de cette nation ! Alors faites quelque chose pour qu’elle soit sauvée avant qu’il ne soit trop tard.
*Avocat à la Cour
Maître Mohameden ould Icheddou