Procès des présumés meurtriers de Moyma : la partie civile s’offusque d’avoir été écartée

Procès des présumés meurtriers de Moyma : la partie civile s’offusque d’avoir été écartéeLa chambre criminelle du tribunal de la wilaya de Nouakchott Nord vient de condamner cinq présumés accusés du viol suivi de meurtre de Moyma Mint Mohamed Amar (27 ans), perpétré à Dar Naim au soir du 04 septembre, à la perpétuité.

Brahim Lekhweitir Ould Bleyel dit Brahim Ould Khattry, « principal suspect » écope de deux ans dont un an avec sursis. Ce procès qualifié de « parodie », tenu en l’absence de la partie civile et de ses conseils suscite le courroux de l’AFCF et du pool des avocats de la défunte.

Lors d’une conférence de presse, tenue le mercredi 25 novembre 2020, au siège de l’AFCF, en présence des parents de la victime, la présidente de l’AFCF Aminetou Mint El Mokhtar affirme avoir contacté le ministre de la justice et le procureur général de la cour suprême qui auraient déclaré avoir demandé au procureur du tribunal de la wilaya de Nouakchott Nord d’arrêter le procès et qu’on revienne pour approfondir l’enquête.

« Ce qui n’a pas été fait et accepté par le magistrat en question. Il a tenu un jugement, en l’absence de la partie civile (parents et collectif des avocats) », s’offusque Mme Aminetou.

Éclaircissant les conditions du meurtre de la jeune dame, Mme Aminetou estime que les témoignages des parents des cinq présumés accusés arrêtés 4 jours après le meurtre, des boutiquiers et des vendeurs de carte de recharge et des vidéos tiennent à démontrer leur non implication dans ce meurtre, étant loin du lieu et de l’heure du crime, n’ont pas été tenus en compte par les limiers.

Soulevant un certain nombre de griefs, Mme Fatimata MBaye du pool des avocats de la partie civile manifeste son dépit : « Je conteste mon absence à cette audience, je conteste le refus de me communiquer l’ordonnance de renvoi devant la cour criminelle. Je conteste que ma demande d’approfondissement de l’information ne soit pas acceptée. Je conteste que l’accusé principal ne soit pas poursuivi de manière régulière et de manière normale et qu’il soit condamné à juste titre ».
Pour Mme Fatimata MBaye, « Moyma a été fauchée par des délinquants qui avaient minutieusement préparé leur coup pour s’emparer de la jeune femme innocente qui ne s’attendait pas à être victime de ce genre de comportement ».

Mes MBaye et Ahmed Ould Ely déplorent que les viols et les meurtres soient « devenus des affaires quotidiennes et routinières en Mauritanie. Ce n’est pas un assassinat purement. C’est parti d’un viol qui a été masqué par un assassinat. Elle était la pièce maîtresse dans le crime dont elle a été victime. Ces agresseurs l’ont éliminée à cet effet ».

Abordant la question procédurale, Mme MBaye s’étonne du fait : « On ne peut pas comprendre pour la première fois dans une affaire pareille où il y a un viol suivi d’un meurtre qu’on ne convoque pas la partie civile. Je n’ai pas compris qu’on ne me convoque compte tenu de ma longue expérience et étant toujours de la partie civile. Pourquoi? Quand les avocats se sont rendus compte qu’il y a un blocage procédural au niveau de la police et du juge d’instruction du 2ème cabinet qui ne devrait pas en principe entendre un seul des accusés sans la présence de la partie civile. Je ne comprends pas pourquoi il y a eu délibérément une volonté d’écarter la partie civile dans le suivi de l’instruction », s’est-elle demandée.

Main basse et pressions de généraux et de la tribu

Ayant demandé au juge d’instruction de ramener le dossier et d’ordonner un approfondissement d’information au niveau de l’instruction qui a été menée dans cette affaire, le collectif d’avocats de la partie civile s’est vu notifier un rejet. « Nous n’avons pas compris. Ce sont les méandres de cette affaire. Il y a des personnes autour de cette affaire qui ont essayé de camoufler et d’appuyer ceux qui sont accusés. Le pool des avocats a saisi le parquet qui a la possibilité en cas de violation constatée au niveau de la procédure de demander à ce qu’on lui communique. Si ce dossier était celui d’un prisonnier politique, le dossier n’allait pas passer. Comme c’est une affaire de bras longs, de personnes assez fortes qui sont autour de cette affaire, le parquet n’a pas réussi à intimer au juge d’instruction de lui renvoyer le dossier. Il pouvait demander aussi à la cour criminelle de ramener le dossier. Ça n’a pas été fait. Il y a eu un refus. Il fallait saisir le procureur général qui la possibilité d’arrêter toute la procédure d’autant qu’il y a une partie au procès qui n’a pas été invitée au déroulement de toute l’enquête.(…) », explique Me MBaye.

Me MBaye soutient que le « poids du témoignage des parents de la victime dans cette affaire est important. Le magistrat peut avoir des problèmes avec un avocat et refuser de lui communiquer l’ordonnance. Mais, il ne peut en aucun cas écarter les ayants droit sur sa simple décision. La loi le lui interdit. Même en cas de jugement, en l’absence de la partie civile, c’est une obligation de mentionner dans la partie dite réservation. Dans cette affaire, la partie civile n’existe pas. On fait comme si c’était une affaire contre x, une affaire banale. C’est cette pilule qu’on tente de nous faire avaler. On ne va pas l’accepter. Il faudrait que toute cette procédure soit ramenée pour que droit soit restitué à chacun. Il y a eu une violation des droits de la partie civile dans cette affaire. Il y a eu délibérément une obstruction à la présence de la partie civile dans cette affaire », assure-t-elle.

Revenant à la charge, la présidente de l’AFCF affirme que « l’enquête a été menée par les proches de Brahim et des généraux. Il y a eu une main basse sur ce qui s’est passé. Il y a eu beaucoup de pressions des généraux et de la tribu. Réellement, l’enquête n’a pas été faite. On a tout escamoté. Et on a essayé de faire une parodie de procès pour innocenter Brahim. Et c’est tout … », tranche-t-elle.

Le pool des avocats a signé, mercredi 26 novembre, la requête et projette de suivre de près la suite qui sera réservée à cette affaire.

Le collectif des avocats de la partie civile et l’AFCF dénoncent le traitement de faveur réservé à Brahim Ould Khattry qui est un « détenu VIP seul dans sa chambre et à l’écart des autres détenus ».

Source : Le Calame (Mauritanie)